Accident domestique
Votre enfant a six ans. Une petite merveille qui grandit, s'épanouit, joue.
Un jour, il fait quelque chose qui vous déplaît. Furieux, vous lui renversez une casserole d'huile bouillante sur la tête.
Vous n'êtes pas attaqué en justice - après tout, le métier de parent est déjà assez difficile comme ça.
Vingt ans plus tard, il vous rend parfois visite. Contrairement aux prédictions pessimistes de l'entourage, il s'est est très bien sorti. Il a pris sur lui, ignoré la douleur des cicatrices, minimisé le temps passé à l'hôpital, et travaillé d'arrache-pied. Il est allé plus loin que n'importe qui dans la famille. Il a réussi dans tous les domaines de la vie.
Vous ne vous êtes jamais excusé - pourquoi faire ? C'était un moment d'égarement. Et puis, s'il s'en est sorti, c'est que vous n'avez pas été un si mauvais parent que ça.
Pourtant, quand il vient vous voir, vous êtes gêné. La petite bouille si mignonne vous manque. Vous lui avez suggéré, une fois, de se faire opérer pour retrouver son visage d'avant. Le nouveau vous perturbe.
Bien sûr, vous n'êtes pas un monstre - vous paieriez une partie de l'opération. C'est gentil, ça, non ? Quel parent ferait cet investissement ?
Et puis, au fond de vous, vous sentez bien que ces cicatrices sont une sorte d'attaque personnelle, passive-agressive. Après tout, quand on veut guérir, on peut.
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