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Aujourd'hui, j'attends. Cela fait des jours que j'attends le retour des mots, que j'attends le rassemblement des lettres sur le clavier en un joyeux marivaudage, que j'attends l'étreinte longue et douce d'une petite lumière entre les doigts avides, que j'attends que se profile quelque chemin même embrumé, sombre et couvert d'épines où pourrait enfin se dérouler le fil d'une phrase, un souffle à la lisière du jour, un frémissement dans les frondaisons pour secouer avec une force nouvelle les heures emmurées qui se cognent d'écho en écho puis s'écrasent, vides et noires comme du sang séché sur un morceau de peau.
Aujourd'hui, ce qui m’empêche d'écrire, ce serait quelque chose dans le regard comme un souvenir plus lourd, le liséré sombre qui cerne la fenêtre, les mots égarés entre les rives des rêves, les éternels à quoi bon qui se murmurent sur les lèvres au petit matin, le désordre et la poussière sur les mémoires lentes, la lecture des infos sur l'écran d'ordinateur, l'indifférence qui se glisse çà et là, ce brouhaha quotidien de mots inutiles… et puis on ouvre un livre, on s'arrête sur quelques mots… « J’ai aujourd'hui devant moi… » Et l'horizon s'éclaire, on aperçoit au loin l'ébauche de quelques lignes qui doucement se révèlent.
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