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Par précaution peut-être ou par lassitude, on insère peu entre les virgules et les points de suspension les images de l'ordinaire, ces marronniers du quotidien qui feraient écrire, pour oublier la barbarie : il y a un bol sur la table, le café est dedans, les mains sont autour cherchant un peu de chaleur. Les yeux après avoir fixé l'au-delà de la vitre s'efforcent de lire les idées noires qui flottent en surface du café matinal. L'instant se répète jour après jour, avec peu de variations, quelque chose comme un souffle, et pourtant c'est là que tout commence : ça bouge dans ce secret.
Pierre à pierre ou mot à mot, cela se construit, s'édifie, s'élance ou s'écroule sur l'herbe mouillée. L'étreinte est la même. Conquérant de l'inutile, on bâtit malgré tout avec l'espoir fou de grimper dans un lieu mythique où se dévoilera le paysage, celui qui hante nos rêves. Peut-être est-ce simplement lutter contre l'absurde ou colmater le vide qui emplit nos vies, que l'on serre des mots les uns contre les autres. Ce n'est pas la page blanche qui angoisse, mais ce qu'on serait capable d'écrire, sans retenue. D'où que l'on vienne, où que l'on soit, hybride ou non, déraciné ou non, on n'écrit jamais que pour se prouver qu'on existe - pour se situer, pour prendre corps. Peut-être est-ce aussi de se sentir en harmonie avec soi-même en revisitant le monde sous un angle de vue différent. Donner à voir ce qui nous tient debout.
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