10. Une visite importun

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Le lendemain matin, ses amis furent surpris de revoir Ken à son bureau avec une bonne mine. Brendan arriva à ses côtés:

— Hé, Ken, tu as l’air d’aller mieux ?

— Oui ça va, lui répondit-il.

— Je suis allé chez toi hier, mais tu n’étais pas là.

— Je sais, ma tante m’a tout raconté, merci, répondit Ken sincère.

Un grand sourire soulagé se dessina sur le visage de son ami.

— Heureuse que tu sois de retour parmi nous, dit Blair qui se joignit à la conversation suivie de Zoé.

— Je ne sais pas si tu as eu des nouvelles d’Amelia ? Je me demande si elle est toujours dans un état critique, questionna Zoé.

— Je suis allé la visiter à l’hôpital. Elle est encore dans le coma, mais je ne perds pas espoir qu’elle se réveillera un jour.

— On l’espère aussi, fit Blair avec compassion.

À la pause, Ken rejoingnit Blair à son casier:

— Je dois te dire quelque chose.

— Oui ?

— J’ai vu l’esprit d’Amelia rôder dans les rues hier.

— La pauvre. Elle doit être si perdue et confuse.

— Oui et elle a besoin d’aide. Quelque chose veut sa mort. Je sais que je peux l’aider.

— Un démon est derrière ça, c’est évident. Je suis même certaine qu’il y a une raison pour laquelle elle reste parmi nous.

— Je le crois aussi… et tu penses que ce serait pour quelle raison ?

— C’est à toi de le découvrir, lui répliqua-t-elle amusée.

— J’ai tellement de questions Blair, soupira -t-il découragé.

— Je ne m’en doute pas. Allez, je t’écoute, première question ? S’exclama-t-elle, accompagnée de son sourire assuré.

— Amelia m’a raconté avoir aperçu un grand ange lumineux juste avant sa chute. Ce qui est étrange, ce qu’elle se sentait rassurée, mais aussi terrorisée.

— Ah oui ? J’aurais pensé à un démon déguisé en un ange, mais jamais, il n’aurait été capable d’émaner autant de lumière comme elle te la décrit…

— Crois-tu vraiment que Lucifer est un ange déchu qui se serait rebellé ? Je me rappelle que Curtis ne croyait pas tant à sa méchanceté, qu’il n’avait pas d’intention de provoquer la mort…

— Oui c’est vrai mon frère a une certaine perception et compréhension dont je ne saisis pas toujours, mais on est certain que c’est relié à ton passé lorsque tu étais encore sous ta forme d’ange. Pourquoi cette question ? Tu crois que ce serait Lucifer qu’elle aurait vu ?

— Probablement… Et après toutes les recherches que j’ai faites, je n’ai rien trouvé au sujet de ma chute en tant qu’ange dans le livre et la raison de mon incarnation en tant qu’humain… ni de ma relation concrète avec Lucifer…

— Ton histoire n’a sûrement jamais été écrite. Donc, seul toi devrais y arriver, si tu réussis à récupérer les souvenirs de ta vie en tant que Vehuel, tu auras enfin tes réponses.

— Mais ce n’est pas évident. J’ai même fait la rencontre de l’Archange Haniel lorsque j’ai visité Amelia à l’hôpital. Elle m’a donné beaucoup de réponses, mais le reste, je devais le découvrir par moi-même en continuant de vivre ma vie.

— Tu as vu Haniel ! s’exclama Blair avec admiration.

— Elle m’a mentionné qu’il y a sept Archanges destinés à des personnes spécifiques qui feront partie de ma vie et me guideront pour accomplir ma mission. Chacune de nos pierres précieuses possède l’énergie d’un Archange spécifique. Dont toi…

— Ça fait du sens. Depuis le premier jour que je t’ai vu en classe, j’ai su que j’allais jouer un rôle important dans ta vie, mais à ce moment-là, je ne pouvais pas l’expliquer. J’ai juste eu une forte intuition de vouloir mieux te connaître.

— On se serait apparemment rencontré dans une autre vie.

— Ça ne m’étonne pas.

— Sinon, il y a Amelia, ma cousine Lora et Kyle, le garçon dont j’ai sauvé de sa possession l’année passée. En me comptant, il me resterait deux autres personnes que je n’ai pas encore rencontrées.

— Donc lorsque tu auras croisé les sept Archanges au courant de ta vie actuelle, c’est là que tu sauras comment accomplir ta mission sur terre, si j’ai bien compris?

— Oui, mais je réalise que ça ne sera pas une tâche facile, Angie m’a bien prévenu de ça. Ça explique pourquoi nous sommes destinés à un Archange, car on va vouloir nuire à mon cheminement et c’est probablement pour ça que la vie d’Amelia est menacée depuis qu’elle est sur mon chemin, dit Ken d’un air abattu.

En ressentant son sentiment de culpabilité, Blair déposa une main sur son épaule et lui dit d’un ton encourageant:

— Ne t’inquiète pas Ken, tu es déjà plus fort que tu le penses. Tu vas faire face au mal et on va figurer ensemble ce qui te menace en ce moment et on sauvera Amelia .

— J’espère…

Amelia attendait à l’extérieur de l’école près du grand chêne. Ken franchit la grande porte d’entrée aussitôt après le son de la cloche qui annonçait la fin des cours. Lorsqu’il aperçut Amelia, il alla à sa rencontre, mais pendant qu’il s’avançait vers elle, Ken pouvait percevoir qu’elle semblait préoccupée par quelque chose.

— Est-ce que ça va Amelia ?

— Je n’en sais rien… Je ne sais pas quoi penser de tout ce qui se passe. J’ai vu mon père hier en visitant ma mère. Il m’a raconté des choses dont j’essaie de faire le point dans ma vie et…

Amelia ne trouvait plus ses mots, sa pensée ne faisait que s’affoler et se bousculer. Plus elle pensait à la discussion avec son père, plus elle se sentait déstabilisée.

En remarquant son agitation, il comprenait bien qu’il n’aurait pas le choix de tout lui avouer.

— Raconte-moi tout s’il te plaît ! supplia-t-elle.

— D’accord, mais je préfère aller au quai comme l’autre fois, c’est plus tranquille.

Elle accepta et suivit Ken vers la rue principale.

Ils passèrent devant le café où Ken avait l’habitude d’aller manger avec Brendan. En regardant par la vitrine, il vit Curtis assis avec le journal à la main.

— Ça te va si on fait un petit arrêt avant ? demanda Ken en se dirigeant déjà vers l’entrée du café.

— D’accord, acquiesça Amelia voyant bien qu’elle n’avait pas vraiment le choix de le suivre.

Ken alla s’asseoir face à Curtis. Surpris de le voir, il baissa son journal, puis le salua d’un sourire dissimulé. Amelia resta discrète à côté de Ken. Elle pouvait pressentir que Curtis se doutait de sa présence, mais jamais il n’a mentionné un mot.

— Qu’est-ce qui t’amène ici Ken ? s’enquit Curtis d’un ton retenu.

— Tu as probablement des réponses que je recherche.

— Comme quoi ?

Ken prit un instant avant de poser sa question en regardant du coin de l’œil le fantôme d’Amelia assis à sa gauche.

— Le cristal que possède Blair, est-ce que tu sais d’où il vient ?

— Il appartenait à ma mère et elle me l’a donné bien avant sa mort. Mais j’ai ensuite insisté qu’elle l’offre à Blair. J’étais persuadé que ce cristal lui était toujours destiné.

— Tu sais comment ta mère l’aurait obtenu ?

— Je ne suis pas certain… Ma mère ne m’a jamais dit d’où il provenait réellement. Mais je crois qu’elle l’a obtenu par des prières. Je me rappelle qu’elle avait l’habitude de prier en recherchant de l’aide pour atteindre une paix intérieure lorsque mon père a commencé à pratiquer les sciences occultes. Elle était convaincue que ce cristal proviendrait directement des Archanges. Mais pourquoi ces questions ?

— Je voulais juste comprendre l’histoire derrière chacune de nos pierres, car j’ai longtemps cru que la mienne avait été offerte à ma mère en cadeau de mon père, mais je viens de réaliser que la vraie raison serait la même que ta mère. Puis, Amelia en tient une aussi. L’Archange Haniel serait venu directement lui offrir.

Les yeux de Curtis s’écarquillèrent de stupeur.

— Elle a vu Haniel ?

— Je l’ai également vu lorsque j’ai visité Amelia à l’hôpital.

Curtis le fixa d’un air grave.

— Je peux voir qu’il y a une autre raison pour laquelle tu es assis devant moi, lui dit-il d’un ton sévère.

Amelia écouta attentivement la conversation.

— Après avoir discuté avec Blair de l’incident d’Amelia , je voulais avoir ton avis. Je me suis dit que probablement tu aurais des réponses. Tu lis tellement sur le sujet. Cela va probablement m’aider à mieux comprendre et pouvoir la sauver.

Sans questionner davantage l’intention de Ken, Curtis recula sur son banc en se croisant les bras. Bien adossé, il montrait de plus en plus une réticence qui ne laissa pas Ken indifférent.

— Je suis désolé, mais toutes ces tragédies qui tournent autour de toi ont coûté cher à ma famille. Je ne peux pas me permettre une autre perte.

— Je comprends, mais est-ce que tu peux toujours m’aider et me dire ce que tu en sais ? demanda Ken qui semblait marcher sur des œufs, remarquant sa froideur.

— Tu n’as aucune idée comment le suicide de mes parents m’a bouleversé, débuta Curtis d’un ton sec en s’approchant, l’index appuyé sur la table le fusionnant du regard, je voulais tellement rester fort auprès de ma sœur qui dépendait de moi, que je faisais tout pour cacher mes émotions au point d’être anéanti complètement. C’est grâce à mes études en journalisme qui m’ont redonné la motivation de vivre. Mon intérêt pour les sciences occultes et l’ésotérisme, était pour moi le seul moyen de pouvoir passer à travers mon deuil et pardonner mon père.

Ken restait sans mot. Il était désolé par le partage de Curtis.

— Je sais que tu es innocent et que tu ne veux aucun mal. Pourtant, je n’ai aucune difficulté à croire que ton côté angélique ait été autrefois complice avec Lucifer ou d’autres démons. Qui sait... Le mal faisait probablement partie de toi dans ton passé.

— Je pensais que tu ne croyais pas en la méchanceté de Lucifer ?

— En effet, mais je crois à son pouvoir manipulateur pour arriver à ses fins. Ken, je veux que tu comprennes que ma sœur est tout ce qui a de plus important dans ma vie et je tiens à la protéger, ajouta Curtis atterré, en s’adossant, les bras croisés,

— Es-tu en train d’insinuer… que je devrais me tenir loin de Blair ? bredouilla Ken pouvant difficilement cacher son inquiétude face à la réponse de Curtis.

Le jeune homme fuit le regard de Ken en laissant échapper un court soupir.

— Je sais que tu es proche de ma sœur et que tu dépends souvent d’elle, mais je ne te fais pas confiance…

Ken baissa les yeux, déçu.

— Et je sais aussi que tu nous as caché quelque chose la dernière fois quand tu as fait ce voyage astral.

Ken s’efforça de garder la promesse qu’il s’était faite de ne jamais rien lui révéler, mais l’insistance de Curtis lui fit comprendre qu’il ne pouvait rien lui dissimuler. Il lâcha un soupir désespéré sous l’air surpris d’Amelia qui ne suivait plus l’ordre des événements.

— Tu as raison, j’ai vu autre chose en enfer, mais je n’ai pas osé le dire pour protéger Blair.

— La protéger de quoi ? s’enquit Curtis, d’une intonation qui laissait paraître une inquiétude.

— C’est lié à tes parents… commença-t-il d’un ton triste, mais promets-moi que tu ne lui diras jamais ce que je vais te dire, s’il te plaît ; elle sera dévastée, et qui sait jusqu’où elle sera prête à aller...

— Que veux-tu dire ?

— J’ai vu vos parents enchainés en enfer… Ils me suppliaient de les aider à se libérer, admit-il toujours affligé par cette scène horrible.

Curtis garda un air interdit et un silence déstabilisant s’installa entre eux.

— Et tu penses sérieusement que Blair serait tenté de vouloir les sauver ? ajouta Curtis, secoué, mais en gardant son air froid.

— La connaissant, je sais qu’elle trouverait un moyen….

— Ken, tu parles de ma sœur! Je sais comment elle est, jamais elle ne fera quelque chose d’irresponsable comme mon père ! l’interrompit Curtis, en haussant légèrement la voix.

— Curtis, j’essaye juste de la protéger…

— La protéger ? Tu réalises que c’est à cause de toi si mes parents sont rendus là où ils sont, le coupa à nouveau Curtis, bouillonnant de plus belle par les mots de Ken qui ne faisait que l’irriter, tu ne t’es jamais senti coupable de ce qui est arrivé à cette pauvre Amelia ?

Interpellée par cette question provocatrice, celle-ci balaya les deux gars du regard.

— Oui, tous les jours je vis avec cette culpabilité ! Mais je n’ai pas besoin que tu me rentres davantage le couteau dans la plaie, rétorqua Ken blessé par cette remarque.

Il se leva d’un bond, laissant Curtis dans son silence, exaspéré de leur discussion. Ébranlée, Amelia suivit Ken jusqu’à l’extérieur. Une vague d’anxiété balaya Curtis; sa jambe s’agita et d’une main hésitante agrippa le paquet de cigarettes caché dans la poche de son pantalon bleu marine. La serveuse, Mandy, finissait de laver une table derrière eux. Après avoir surpris leur conversation, étant très familière avec ce dernier, elle se permit de s’asseoir face à Curtis intriguée par ce qu’elle avait entendu. Il lâcha le paquet de cigarettes à travers la poche, puis racla sa gorge et prit une grande inspiration en passant une main dans ses cheveux. Il se redressa ensuite en expirant afin de retrouver son calme.

— Bonjour, Mandy, lui dit Curtis, accompagné de son sourire charmant habituel.

— Pardonne-moi de m’incruster comme ça, mais est-ce que ça va aller ? S’inquiéta-elle après avoir été témoin de la scène.

— Oui, ne t’inquiètes pas pour moi, fit-il en s’adossant bien confortablement, puis croisa les jambes ainsi que ses bras, en jetant un coup d’œil vers l’extérieur.

— Je voulais juste savoir si tu es proche de ce garçon?

— C’est compliqué, répondit-il.

— Je me rappelle que l’année passée, il voulait te rencontrer. Il me posait souvent des questions à ton sujet, il devait savoir que tu étais un client régulier.

— Cela ne m’étonne pas, répondit-il en reprenant une pose décontractée, puis une gorgée de son café.

— J’ai cru sur le moment que c’était probablement en lien avec un article que tu avais déjà écrit dans le journal.

Curtis arqua les sourcils avec surprise.

— Quel article ?

— Celui que tu avais publié il y a quatre ans au sujet du meurtre de la famille Jensen où le nom de Ken a été mentionné. En vous entendant plus tôt, j’ai alors réalisé que c’était bien ce même garçon.

Curtis hocha lentement la tête en se remémorant son premier article.

— As-tu tout entendu de notre discussion ? s’inquiéta-t-il.

— Est-ce vrai toute cette histoire de démon et d’ange ? demande-t-elle avec grand intérêt.

Il scruta autour de lui afin de s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres oreilles qui pourraient entendre, puis s’approcha de Mandy.

— Ça doit absolument rester entre nous, lui confia-t-il à voix basse.

Elle acquiesça sans hésitation. Toutefois, elle ne put s’empêcher de lui montrer son attirance envers la spiritualité.

— Promis, mais je suis trop ravie d’apprendre que tu as des connaissances sur le sujet. Je n’ai pas vraiment la chance d’en parler avec les gens de mon entourage…

— C’est certain, ce n’est pas tout le monde qui est ouvert à ce genre de chose.

— Alors tu crois en la vie après la mort ? Que les gens qu’on a aimés puissent venir nous rendre visite ?

Il acquiesça.

— Donc c’est vrai… se dit-elle fascinée.

— Pourquoi ? tu as déjà expérimenté quelque chose d’inusité ?

— Mon grand-père est décédé à l’hôpital l’année passée, et dans la nuit suivant sa mort, j’ai ressenti sa présence à mes côtés…il était si paisible et ne souffrait plus, mais c’était presque irréaliste ce sentiment.

— Je vois, tu devais être proche de lui et réceptive, c’est une très belle chose.

— Oui en quelque sorte, mais toi est-ce que tu peux les voir ?

— Non, juste ressentir leur présence, comme toi.

— Et à propos de ce Ken, as-tu ressenti quelque chose de particulier qui le suivait plus tôt ?

Curtis acquiesça, mais s’efforça de ne pas trop divulguer de détails afin de la protéger.

— Je suis désolé Mandy, ce n’est pas parce que je ne suis pas intéressée de te parler davantage de ce sujet…mais le moins tu en sais, le mieux c’est pour ta protection.

— Oh je vois, s’étonna Mandy voyant la sincérité de ce dernier.

— Est-ce que tu termines bientôt ton quart de travail, lui demanda soudainement Curtis.

— Oui dans dix minutes, pourquoi ? répondit-elle en regardant sa montre.

— Je ne veux pas te parler plus de mon histoire avec Ken, mais si tu veux en savoir plus sur les esprits et la mort en général, j’ai une collection de livres appartenant à mon père qui aborde ces sujets.

Mandy lui sourit allègrement, démontrant son intérêt.

Amelia marchait derrière Ken avec insistance. Elle s’inquiétait du fait qu’il n’avait dit aucun mot depuis sa sortie du café.

— Ken parle-moi ! Est-ce vrai tout ça ?

— Je ne prévoyais pas que tu apprennes tout ça de cette manière, répondit Ken offensé.

— Mais on va figurer ce qui se passe, ne t’en fait pas.

— Tout par moi-même évidemment. Il a raison, j’attire le mal autour de moi. Regarde ce qui t’es arrivée. Je t’ai perdu par ma faute, et probablement dans mes autres vies aussi, se fâcha-t-il par la situation dont il sentait perdre peu à peu le contrôle.

— Que veux-tu dire par là que tu m’as perdu dans tes autres vies ?

Ken s’arrêta brusquement. Il regrettait d’avoir laissé échapper ce détail.

— Je te demanderai de prendre du recul Amelia, lui dit-il contrarier.

— Quoi ? fit Amelia confuse.

— S’il te plaît, supplia-t-il la gorge serrée.

Attristée, elle obéit en faisant quelques pas chancelants vers l’arrière.

— Pardonne-moi, mais j’ai besoin d’être seul un moment.

Il poursuivit sa route, en laissant Amelia dans l’incompréhension?.

Dans le bureau de Curtis, Mandy se tenait devant la bibliothèque, en feuilletant des livres sur la spiritualité qu’il lui faisait découvrir au fur à mesure.

— Wow c’est fou! Ton père était un vrai passionné, fit-elle fascinée.

— En effet, lui sourit-il.

En admirant sa chevelure brune ondulée tombée sur ses épaules, il remarqua dans le cou de la jeune femme, juste au-dessus du collet de sa chemise, un tattoo. C’était la tête d’un chien brun, plus précisément un bulldog français, portant un bandage cachant un œil comme un pirate.

— Cool, ton chien pirate, commenta Curtis.

– Oh, mon tattoo?

— Il représente ton chien ?

— Oui Winston. Il appartenait à mon grand-père. Après sa mort, j’ai décidé de l’adopter. Malheureusement, il a développé un glaucome à l’œil et est devenu sensible à la lumière, d’où la raison pour laquelle il doit porter un bandage. Cette maladie affecte sa qualité de vie. Son œil peut parfois gonfler et cela lui cause de la douleur.

— Oh, je suis vraiment désolé.

— Il doit absolument avoir une chirurgie pour éviter qu’il devienne complètement aveugle et perdre son œil… Mais c’est tellement dispendieux… Ce n’est pas évident avec mon salaire de serveuse…

— Je vois… fit Curtis affligé par la nouvelle.

— Mais tes généreux pourboires ont pu m’apporter une énorme aide. J’ai quand même réussi à beaucoup épargner.

Les larmes lui montèrent aux yeux lorsqu’elle parla de l’état de santé de son chien.

— Tu tiens beaucoup à lui, remarqua Curtis d’un ton sincère.

— Et bien, il est tout ce qui me reste de plus proche. Depuis le divorce de mes parents dans mon adolescence, je n’ai plus été proche d’eux, sauf mon grand-père, il était mon confident. Donc, ce chien est tout ce qui me reste venant de lui.

— Tu ne parles plus à tes parents ?

Elle secoua la tête et replaça le livre qu’elle tenait sur la tablette devant elle. Mandy essuya les quelques larmes qui coulèrent le long de sa joue. Elle s’excusa de sa sensibilité, mais il la contempla tendrement et posa sa main sur son épaule.

— Tu n’as pas à t’excuser. Laisse-moi t’aider.

— M’aider ?

— Pour payer son opération.

— Oh non! Je ne peux pas accepter, s’écria-t-elle en refusant catégoriquement sa générosité.

Elle s’éloigna lentement vers la porte.

— Je suis désolée, je n’aurais pas du tout te raconter mes tracas personnels, fit Mandy embarrassée, je dois de toute manière retourner chez moi pour m’occuper de mon chien.

Curtis ne savait pas comment réagir face à sa réticence, mais c’était plus fort que lui de vouloir lui démontrer son soutien.

— Attends Mandy, laisse-moi au moins te raccompagner en voiture, c’est tout de même une longue marche, proposa-t-il gentiment.

Heureusement pour lui, elle accepta volontiers.

Il se stationna devant sa petite maison. Elle le remercia avec son grand sourire qui le séduisait. Sur le point d’ouvrir la portière de la voiture, Curtis la retient doucement d’une main, et sortie de la poche intérieure de son manteau, un chèque.

— Accepte mon aide Mandy, tu le mérites et le bien-être de ton chien aussi, insista-t-il.

Touchée par son geste, elle le prit finalement, mais garda les yeux baissés ne sachant plus quoi penser.

— Je ne sais pas ce qui s’est passé entre toi et Ken. Je sais que tu as tes raisons. Mais la tristesse et l’impuissance qui se sont dégagées de lui en le voyant quitter le café, je pouvais me sentir à sa place. Je réalise donc que si je le mérite, et bien lui aussi. Il est venu demander ton aide, car il te fait clairement confiance. Personne ne devrait se sentir délaissé comme tu lui as fait comprendre, le résonna-t-elle.

— Écoute Mandy, je lui ai parlé comme ça pour tout simplement protéger ma petite sœur, je n’ai pas eu d’autre choix, mais d’agir ainsi.

— Je comprends, mais mes propos ne changeront pas. Les problèmes familiaux ne se règleront pas toujours en isolant l’autre. Crois-moi, j’en sais quelque chose, lui partagea-t-elle en laissant échapper un léger rire sarcastique.

Réfléchissant à cette conversation, il lui échangea un sourire dissimulé.

— Merci beaucoup pour ta générosité, lui chuchota-t-elle en déposant un baiser sur sa joue, on se voit demain matin au café ?

— C’est certain, lui répondit-il charmé par son geste.

Elle sortit de la voiture et marcha jusqu’à sa porte d’entrée sous le regard veillant de Curtis.

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