5. Sint
Les gens hurlent de terreur, la première grenade a aveuglé tout le monde, la deuxième a libéré un hurlement strident qui a forcé les gens présents dans le garage à se prendre la tête dans les mains pour tenter d’étouffer ces décibels hurlants.
Aussitôt après la porte principale vole en éclats, et des hommes en noir nous visent avec leurs armes qui diffusent une visée sous forme de laser rouge, ciblant tantôt la tête tantôt le cœur de leur cible.
« Sortez tous ! allez-allez !! on se bouge on obéit !! »
Les gens se résignent et se lèvent pour placer, selon les consignes des commandos, leurs mains derrière leur tête.
Chaque personne qui sort est prise en photo, un numéro lui est attribué puis un bâillon est appliqué sur ses yeux.
Je suis tétanisé, mais ma position au fond du garage me cache à la vue des hommes en noir, tous les gens levés qui attendent leur tour me donnent une chance unique de fuir. Je tente le coup, me met à quatre pattes et avance tel un chien vers la buanderie.
Je dois faire vite. C’est une petite pièce, ils vont forcément la fouiller.
J’opte pour le grand congélateur acheté l’été dernier et me couche à l’intérieur, refermant délicatement la porte basculante.
Je n’entends plus grand-chose. Je me maudis d’avoir pris cette option.
Si ça se trouve les hommes sont du contre-terrorisme et sous couvert de prudence ont agi de façon militaire. Après tout ils ne peuvent pas savoir si des terroristes ne se cachent pas avec nous… ce que je suis con !
J’essaie de sortir. La porte résiste un peu sous l’effet de la ventouse faite par le joint.
Je sors enfin de la buanderie… le garage est vide, forcément.
Je décide de remonter par l’escalier. Tout semble calme. Je me faufile vers la salle à manger et me jette à nouveau dans les thuyas du jardin.
Même progression, mêmes griffures des branches, et je me réinstalle dans mon ancien poste d’observation.
Les gens du garage attendent sur la place. Ils sont entourés de militaires. Plusieurs blindés légers sont là, et un homme scanne les photos prises pour chaque personne dans un ordinateur portable. A chaque bip il lance par un cri bref un numéro.
Deux hommes s’approchent du numéro cité et emmènent la personne près du muret auprès duquel git la nourrisse abattue auparavant.
L’inventaire se finit. Il reste six personnes sur la trentaine du garage.
Ils les font monter dans un blindé. Je reconnais la démarche de mon père. Je ne vois pas ma mère, pour finalement apercevoir ses cheveux entre deux silhouettes. Elle est agenouillée comme les autres près du muret, silencieuse et immobile.
Le blindé léger part. Il ne reste que quelques militaires, bientôt rejoint par un homme avec un long fusil à lunettes.
« Tout est nettoyé » affirme t’il.
« Oui, normalement le quartier est vide, il ne reste que ces Sint »
« Ok je lève le camp »
Celui qui semble être l’officier le stoppe
« Hors de question, tu te mets en planque encore une nuit. Assure-toi qu’il ne reste aucun survivant. Tir létal uniquement »
Le sniper râle mais repart vers sa planque. Il n’était vraiment pas loin je le vois rentrer dans la maison d’en face et réapparaître à la fenêtre de l’étage, levant son pouce vers le haut pour confirmer sa position.
Les hommes se placent derrière les « Sint » comme ils les ont appelés.
Je redoute le pire. Je suis terrorisé.
Les salves de fusils mitrailleurs partent à la seconde, cisaillant les gens et les faisant se contorsionner de douleur avant un dernier râle.
L’officier passe devant chaque corps pour vérifier le massacre.
Il semble satisfait de sa journée.
« Allez on dégage, l’équipe de nettoyage viendra demain »
Les hommes embarquent. Le blindé part.
La chaussée est luisante de sang, d’os, de corps démembrés par les rafales.
Je vomis tout mon corps, je pleure, hoquette, finalement perd connaissance.
Je me réveille à la tombée du jour. J’ai froid. Je suis couvert de mes déjections, mes vêtements sont tachés du sang de mon ennemi égorgé le matin même.
J’ai envie de mourir. Pourtant je dois vivre. Venger ma mère notamment qui git là-bas parmi les autres corps.
Je lève les yeux et aperçoit le bout incandescent d’une cigarette, à la fenêtre de la maison d’en face.
Sniper, tu vas payer pour les autres !
Je me recule dans la haie.
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