12. La séparation (Kol')
Il était vrai que Kolrarid commençait sérieusement à s’inquiéter aux vues des dires de son ange… Il y avait donc des anges à sa recherche ? Mais pourquoi ? Parce qu’il était simplement tombé du ciel ? Venaient-ils lui porter secours ? Cela faisait bien longtemps qu’il était tombé, comment ne pas s’en être rendu compte plus tôt ? Ou bien… Venaient-ils car ils avaient appris pour la couleur de ses ailes ? Peu lui importait. Personne ne lui volerait son bien le plus précieux. Le démon avait enfin trouvé le bonheur, même si l’ange ne semblait pas partager ses sentiments, il s’en fichait bien. Tant qu’il restait auprès de lui. Il allait le défendre bec et ongles. Sauf si… finalement Camille désirait remonter au Paradis avec eux… Que ferait Kol' dans ce cas-là ? Pour le moment, il n’en savait rien. Peut-être… Qu’il accepterait sans broncher. Après tout, c’était le bonheur de son bel oiseau aux ailes noires qui comptait le plus pour lui, à présent.
Sauf que leur repos n’était que de courte durée. Lui qui aurait voulu que Camille se rendorme pour apaiser son esprit… C’était complètement raté. D’abord, le démon avait été ébloui par une lumière venant du balcon. Ce n’était pas possible, le soleil n’était pas encore levé. Bientôt, mais pas encore, c’était… Trop rapide. C’est avec appréhension qu’il se rassit sur le lit, pour entendre cette voix, venant du balcon. Cette voix… À la fois céleste, irréelle et grave. C’était un ordre qu’elle venait de donner à Camille… Un ordre que Kol' ne voulait pas qu’il respecte. Voyant Camille se redresser aussi, le visage complètement déconfit par la peur et surtout… La honte… Il soupira. Camille aimait être un ange, c’était normal qu’il ait honte de ce qu’il soit devenu. Mais ça faisait aussi mal au démon de savoir ça.
Prenant Camille contre lui, il commença à venir près de la porte-fenêtre.
— Non… Je ne veux pas… Kol »… J’ai peur…, se défendit d’une petite voix l’ange, caché dans le cou du démon.
— Chut… Ne t’en fais pas, je suis là, il ne t’arrivera rien, je te le promets. De tout mon cœur.
Kol' avait caressé les cheveux de Camille pour le calmer. Prenant sa main, pour la garder dans la sienne, ils sortirent. Voyant alors l’ange devant lui, vêtu d’une armure qui en faisait presque mal aux yeux, tout comme cette épée, qui faisait vraiment penser à celles dans un film de science-fiction bien connut… Ce qui fit clairement glousser Kol ».
— Tiens, tiens, je ne pensais pas que les anges étaient en réalité des Jedis au rabais.
— La ferme, impertinente !, annonça alors Pierre, un rictus de colère naissant sur le visage. Je suis venu pour Camille, pas pour toi. Si tu laisses Camille venir avec moi, il ne t’arrivera rien.
— Hors de question. Il ne souhaite pas venir avec vous. Si vous ne respectez pas son désir, je serais sur votre chemin, soyez-en sûr…, la voix de Kolrarid venait de baisser doucement dans les graves.
Alors, c’est à l’ange de rire cette fois, un rire des plus condescendants.
— Je suis un ange guerrier, ce n’est pas un petit démon comme toi qui va pouvoir m’atteindre…
— Que tu crois… Je ne suis pas un démon comme les autres, moi…
Kolrarid se passa une main dans les cheveux. Se rendant compte que la peur de Camille augmentait à mesure que les deux interlocuteurs échangés… Il le prit un peu plus contre lui, espérant que ses tremblements naissants allaient pouvoir se calmer.
— C’est Pierre… Il est… L’un des anges guerriers les plus forts… Avec ses deux autres frères… Je ne pensais pas que ce serait eux qui… Kol »… Je t’en supplie, fais attention… Je ne vois pas les autres, même si je sens leurs présences pas loin…, murmura l’ange aux ailes noires, les yeux tremblants, il n’allait pas tarder à se mettre à pleurer.
Ah ? Donc… Des anges puissants… Pour un simple ange tombé du ciel… C’était exagéré.
— Qu’est-ce que ça peut faire que Camille reste sur Terre ? Il s’y sent bien. Et puis c’est quoi cette manie de transformer les anges en humain pour se repentir. Ce n’est pas une punition, au contraire, vu qu’il a toujours voulu connaître le monde d’en bas.
— Quand un ange recommence son cycle, il n’a aucun souvenir de sa vie antérieure.
— Quoi ?…
Ce fut la goutte d’eau à nouveau pour Kolrarid. Lui qui sentait sa colère doucement grouiller en lui, celle-ci avait fini par remonter dans sa gorge, son tatouage commençant déjà à se propager sur son corps avec lenteur, se retenant du mieux qu’il pue, le temps de mettre Camille à l’abri.
— C’est… Vous n’avez donc pas de cœur à l’instar du fils de votre Père, Jésus ?! C’est barbare ! Pour qui vous prenez-vous pour faire autant de mal à quelqu’un !
— Mais ce n’est rien. Il vivra sa vie, et quand il redeviendra un ange, il sera encore plus heureux.
— NE PAS SE SOUVENIR DES GENS QU’ON AIME CE N’EST PAS ÊTRE HEUREUX !… , hurla le démon, dont les yeux commençaient à devenir rouges sur toute la surface de sa rétine.
C’est alors qu’un grognement guttural sorti de sa gorge pendant que son corps se transformait en celui du démon qu’il avait toujours était au fond de lui. Ici, il ne cherchait plus à le contenir, il fallait justement qu’il se dévoile complètement, pour protéger au mieux celui pour qui son cœur battait encore. De sa main griffue, il fit doucement reculer, avec une douceur étrangement peu habituelle, l’ange derrière lui, faisant de son corps démoniaque un bouclier.
— Il doit être jugé ! Il est déchu et tout ça, c’est part ta faute démon., assura Pierre, sans la moindre émotion pour l’aberration qu’il avait devant lui.
- Il ne veut pas !… , assura Kol' de sa voix déformée et démoniaque.
— Ah oui ? Vraiment ? Camille ? Peux-tu dire à ce démon ce que tu souhaites ? Ne serais-tu pas en paix de te savoir pardonné pour tes pêchés ? Nous ne t’en voulons pas pour la déchéance dont tu as fait preuve. Si justement, tu consentis de toi-même de te repentir en passant ton épreuve. Tu seras accueilli à bras ouverts ensuite…, Pierre avait alors baissé son épée, pour sourire chaleureusement, tel un frère, à l’ange brun, lui tendant la main, attendant qu’il la prenne à son tour.
Camille, totalement perdu recula doucement pour se heurter au mur derrière lui. Regardant Pierre, puis Kolrarid, et enfin, ses mains qui tremblaient de plus en plus forte. Une plume noire s’envolant devant lui, lui rappelant cette couleur sinistre dont il avait peur… Sauf qu’il se rappela aussi de toutes les choses qu’il avait vécues avec Kolrarid malgré cette affreuse couleur… Les joies et les rires qu’ils avaient partagés. Il lui avait fait connaître les plaisirs humains sans rien demander en retour. Il n’était pas comme les autres démons et pour cela… Il avait envie de rester avec lui. Malgré sa profonde dévotion à sa condition d’ange…
— Je… Souhaite rester avec Kolrarid… Tant pis si… Je dois rester déchu…, dit-il, haletant.
Cette réponse ne sembla pas convenir à Pierre, qui grimaça de dégoût.
— Bien. Dans ce cas, je suis désolé. Mais je n’ai pas le choix. Un ange n’a pas son mot à dire. Il doit simplement obéir. Tu ne veux pas venir de ton plein gré ? Je te ramènerais de force, les ailes entravées…, on pouvait alors sentir une colère au fond de sa voix.
D’un seul coup, sans prévenir, il mit en garde son épée et fonça sur Kolrarid qui croisa ses bras, comme un bouclier pour l’arrêter. Sauf qu’un hurlement de douleur transperça la nuit. Cette épée… C’était de la lumière pure. Faites pour consumer les démons… Si cette épée transperçait son cœur, c’en serait terminé pour lui. Sautant en arrière pour rester près de Camille, il regarda autour de lui. Heureusement qu’il avait installé une table et des chaises sur la grande terrasse et qu’il s’en servait aussi de stockage. Beaucoup de meubles ou d’objets encombrants se trouvaient là, à sa portée, pour servir d’armes potentielles. Il prit d’ailleurs une table de jardin en bois dont il brisa rapidement les pieds, pour utiliser le plateau, qu’il lança sur Pierre, histoire de l’aplatir comme une crêpe, mais ce n’eut pas l’effet escompté, car il découpa celle-ci en petits morceaux, comme s’il s’agissait de beurre moue.
Dans ce cas-là… Il fallait agit bien plus vite. Arrachant la porte d’un vieux frigo, il s’en servit comme bouclier contre cette épée et dans un cri de désespoir mêlé à la colère, il se rua sur Pierre, pour le faire tomber au sol. Celui-ci laissant glisser sa lame plus loin, Kolrarid pouvait s’en donner à cœur joie. Abattant la porte sur le visage et le corps de Pierre, jusqu’à ce qu’il arrête enfin de bouger, inerte.
Camille, prostré contre le mur fini par glisser au sol en voyant ça. C’était une scène terrible. Le combat, dans cette guerre qu’il trouvait finalement futile, lui avait toujours fait peur. Et voir Kolrarid capable d’une telle violence lui donnait des frissons, même si c’était pour le protéger. Sauf que tout d’un coup, apparurent devant lui deux corps descendant du ciel, avec chacun une paire d’ailes. L’un avait une épée comme celle de Pierre en main, l’autre l’avait dans son fourreau. Il les reconnut tout de suite. Les deux frères de Pierre. Barnabé, avec ses longs cheveux d’argent et Ignas, aux cheveux courts et aussi noirs que la peau de Kol »…
— Aller, ne résiste pas, vient avec nous Camille., susurra celui avec la longue chevelure, alors qu’il se penchait sur lui pour l’attraper entre douceur et dureté. Camille, sans s’en rendre compte se retrouva visage plaqué contre le mur, l’épée d’Ignas près de sa carotide, alors que son frère était en train de lui lier les mains et surtout… Ses ailes.
C’est quand il sentit la morsure de l’entrave sur ses ailes qu’il se réveilla de l’état second dans lequel il se trouvait. Qu’il se mit à se débattre en finissant par hurler. Mais Barnabé le tenant des plus fermement.
— KOLRARID !… , hurla de toute son âme l’ange en détresse. Il ne voulait pas retourner en haut. Il ne voulait pas redevenir humain et l’oublier. Non, tout sauf ça.
Ce fut à ce moment qu’Ignas entra en jeu, sauta littéralement sur le démon, alors qu’il se retournait avec lenteur, pour voir ce qu’il se passait, de la ou Camille avait hurlé. Sauf qu’il ne put qu’écarquiller les yeux en gémissant. Baissant doucement les yeux sur la douleur atroce qui venait de naître en lui. Un morceau d’épée de lumière le transperçait au niveau du bas de l’estomac. Retournant son regard dans son dos, il put voir Ignas, le regard aussi noir que ses cheveux, avec un sourire en coin amusé et presque pervers… Cet ange… Il était avide de combats et de sang… Comment était-ce possible ?
Il n’eut pas le temps de se poser cette question, car il tomba à genoux au sol. Pierre s’étant relevé, il sortit quelque chose de sous sa cape. Un collier semblable à de l’argent, qu’il attacha fermement au cou du démon. Joint à cela, des bracelets, faits du même matériau inconnu, retenant ses deux bras devant lui. D’un seul coup, sa forme démoniaque n’était plus, reprenant sa forme humaine. Comment était-ce possible ? Ce n’était pas possible tant que sa colère n’était pas passée… Et encore, ça dépendait des jours. Il devina que c’était ses contraintes, elles devaient avoir un pouvoir particulier…
Entendant enfin les cris de Camille, il se retourna complètement, toujours à genoux, maintenu en place par Ignas qui le tenait aux épaules, alors que son ventre saigné. Il put voir Camille qui se débattait alors que Barnabé commençait à s’envoler seul avec lui.
— N.… non ! Laissez-le tranquille ! Camille ! CAMILLE !…
Le hurlement que poussa Kol' à ce moment se répercuta tout aussi bien dans le cœur de Camille qui se retrouvait impuissant face à sa destinée. Tous deux, laissant glisser des larmes brûlantes de tristesse.
C’est une fois Camille et Barnabé de disparus que Pierre abattit son poing sur le visage de Kol' avec force, ce qui le fit s’évanouir.
— Bien, ce fut rapide. Porte donc ce déchet de l’humanité à notre ami commun…, ordonna-t-il à son frère aux cheveux noirs, qui s’empressa de décoller à son tour.
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