Chapitre 5 - Le retour
Les jours suivants, la bête ne revient pas. Célestine range comme aux premiers jours mais la peur la quitte peu à peu. Jusqu'au vendredi soir suivant où elle a invité Cléo à la maison après l'école. La blondinette est épuisée de sa journée de travail prolongée par des jeux d'escalade et de cache-cache dans le jardin, puis un jeu de maîtresse dans sa chambre.
Sans même y penser, après le bain, Célestine se met au lit, les peluches éparpillées dans la chambre avec les chiffres aimantés.
— Encore !
Célestine sursaute, replie le drap sur elle. Sa gorge nouée lui fait mal. Pour limiter la douleur, elle attend d'avoir la bouche pleine de salive avant de déglutir.
Aussi vite qu'elle le peut, elle se pince, récite son mantra magique puis ose un bras hors de la couette pour allumer la lampe de chevet qu'elle a fini par obtenir après moultes plaintes. Un corps noir barre l'accès à la sortie de sa chambre. Sa tête ovale est munie d'une grande bouche sertie de dents blanches et pointues. Et toujours les mêmes yeux marron-jaune. Ses bras fins reposent presque sur ses grands pieds griffus au bout de deux courtes jambes trapus. Personne ne lui a jamais parlé d'un être aussi étrange et terrifiant. D'ailleurs ses parents ne l'ont pas cru. Comment peut-il être là, dans sa chambre, malgré la lumière.
— Sale gamine, dépêche-toi de ranger !
Célestine a une forte envie de pleurer, mais ça ne l'aidera pas. Elle rassemble son courage et sort du lit pour ranger un à un les jouets sous l'œil vigilant de la silhouette.
Lorsqu'elle a terminé, la fillette attend que la bête s'évapore dans son nuage doré. Mais, elle s'approche d'un pas. Puis de deux.
— Tu n'as pas bien écouté, Célestine. Je vais donc être plus exigeant, pour que tu retiennes la leçon : replace chaque bibelot à sa place exacte.
La blondinette hésite un court instant.
— MAINTENANT !
Un souffle froid comme la mort la frappe au ventre. Elle se plie en deux de douleur. En entendant le monstre inspiré largement par sa grande bouche, Célestine a tellement peur d'un autre coup qu'elle se hâte en chancelant vers sa bibliothèque au-dessus de laquelle trône sa collection de bougie en forme d'animaux. Elle les replace un à un, minutieusement malgré sa main tremblotante.
Lorsqu'elle se retourne, le nuage doré finit de s'évaporer.
Cette fois, il lui est impossible de se rendormir. Elle attrape un livre "Vif-Argent", l'histoire d'un chien qui perd le chemin de sa maison. À mesure qu'elle tourne les pages, suivant les péripéties du canidé gris-argenté, l'angoisse reflue. Elle reste malgré tout sur le qui-vive jusqu'à ce que les pas de son frère résonnent dans le couloir. Elle bondit de son lit et court le rejoindre, soulagée d'une présence humaine.
Surpris de la précipitation de sa sœur, Ernesto lui demande :
— Un autre cauchemar ?
— Oui.
Il attrape sa main et lui propose :
— C'est l'heure des Mystérieuses Cités d'Or, tu viens regarder avec moi ?
Il a beau l'agacer, il peut se montrer vraiment gentil quand il veut. Rassurée, Célestine ose :
— Tu as vu un monstre aux yeux marrons et jaunes ?
— Céles', c'est pas drôle. Papa et maman t'ont expliqué : c'est un cauchemar.
Elle a envie d'insister.
Annotations
Versions