Chapitre 8 - La psychologue
Aujourd'hui c'est le jour de la psychologue. Les parents d'un ami d'Ernesto ont accepté de le garder le temps du rendez-vous. Sur la plaque est écrit en lettres noires sur fond doré : Psychologue clinicienne - Estelle Bimbenelle. Elle a un joli nom avec une rime constate Célestine. Elles sont en avance, Célestine prend un Tom-Tom et Nana dans la pile de la salle d'attente et le feuillette pour faire passer le temps.
Puis la porte s'ouvre :
— Bonjour, entrez.
Une femme de l'âge de sa mère avec une épaisse chevelure brune et des lunettes multicolores leur fait signe d'entrer. Célestine suit sa maman.
— Asseyez-vous, je vous prie.
La fillette observe son parent s'assoir avant de faire de même.
— Qu'est-ce qui vous amène ?
— Ma fille n'est pas bien depuis notre déménagement il y a quelques semaines. Elle dort mal, des cauchemars surtout. Et ses notes ont baissé. Enfin, en mathématiques.
Mme Bimbenelle se tourne vers la fillette :
— Tu veux bien me parler de déménagement ?
— Oui.
— Comment ça s'est passé ?
— Bien. Enfin, j'étais stressée, pour mes peluches surtout mais arrivée dans la nouvelle maison, je me suis tout de suite sentie bien. Ma chambre est belle. Et grande.
Célestine voit la silhouette de Parfaitement-Parfait dans sa tête. Elle perd aussitôt la faculté de parler.
— Alors tu es contente de ce changement ?
Elle hoche la tête.
Sa mère soupire.
La psychologue se tourne vers la parente :
— Que se passe-t-il ?
— Je ne reconnaît plus ma fille.
— C'est-à-dire ?
— Elle est joyeuse et investie et d'un coup elle se referme, comme maintenant. Je ne comprends pas.
Elle ponctue cette phrase d'un haussement d'épaule.
Célestine se sent triste et incomprise. Elle leur a expliqué pourtant.
— Vous savez, nous ne sommes pas toujours les mieux placer, en tant que parents, pour aider nos enfants. Vous avez bien fait de venir. Je vous propose d'attendre dans la salle d'à côté le temps que j'échange un peu avec votre fille.
Une fois la porte refermée, Mme Bimbenelle reprend :
— Et tes cauchemars ?
— Ils font peur.
— Tu en fais souvent ?
— Plusieurs fois par semaine.
Célestine reste évasive, elle appréhende la réaction de la dame qui lui fait face. Va-t-elle la croire ?
— Toujours le même ?
— Oui.
— Peux-tu me le raconter ?
— Un monstre noir aux yeux jaunes. Enfin, d'abord marrons et jaunes puis presque dorés. Il vient me visiter quand tout n'est pas parfaitement rangé dans ma chambre. Tant que je n'ai pas tout rangé, il reste là et me menace. Puis il disparaît dans un nuage doré quand il a décidé que tout était en ordre.
— Tu te réveilles toujours à la fin du rêve ?
— Je suis réveillée quand ça se passe.
— Donc tu ne te réveille jamais pendant le cauchemar, c'est bien ça.
La fillette hésite. Après tout, elle n'a pas de raison de mentir et on lui a appris à toujours dire la vérité.
— Je ne dors pas quand ça arrive. Ce n'est pas un cauchemar, il vient vraiment dans ma chambre. Mais si j'essaie d'appeler à l'aide, il me frappe avec son souffle.
La femme fronce les sourcils puis sourit à Célestine.
— Les rêves ont toujours l'air très vrai, ta réaction est tout à fait normale. Ce que je te propose c'est de continuer à se voir pour identifier ce que cela signifie et faire disparaître ce mauvais rêve. Tu es d'accord ?
Devant le mutisme de la petite fille, la professionnelle insiste. Haussement d'épaules. Elle rappelle la mère à qui elle explique la situation. Un nouveau rendez-vous est pris la semaine suivante.
Durant le trajet retour, Célestine se perd dans l'observation du paysage. Personne ne la croit. Pourquoi ? Une évidence s'impose à elle : elle devra se débrouiller seule, elle ne peut compter sur personne.
L'idée la terrorise autant qu'elle l'enthousiasme, à son plus grand étonnement. Elle pense à Vif-Argent qui a dû affronter des chasseurs, la fourrière, la faim et le froid. Pourquoi n'affronterait-elle pas Parfaitement-Parfait ?
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