Durant les six jours qui suivirent, Mara eut droit à une séance d’entraînement. Dès le deuxième jour, Lumia avait commencé à y participer. C’était un excellent moyen d’assister à des démonstrations et elles étaient à chaque fois incroyables. Cela renforçait la motivation de Mara même si pour le moment, elle n’arrivait à rien. C’était une question de temps qu’on lui disait. Apparemment, elle manquait de confiance et de conviction. Pour Mara, la raison était autre : elle n’avait pas de capacité de magique, et ce bien qu’on lui affirme le contraire.

À chaque séance, elle finissait exténuée et dormait énormément. Le reste du temps, elle apprenait à connaître ses compagnons et le monde qui l’entourait. Sur une carte tridimensionnelle, on lui avait présenté la planète Tremblane. C’était un point parmi un tas d’autres points lumineux. Depuis, Mara avait l’impression d’être encore plus perdue. Cependant, elle faisait tout pour masquer ce sentiment désagréable. Elle ne voulait pas montrer à quel point elle était effrayée alors qu’elle était accueillie avec bienveillance.

Lorsqu’elle se retrouvait seule dans sa cabine, elle se concentrait sur les brefs flashs qui lui apparaissaient spontanément. Elle entre-voyait des souvenirs d’enfance heureux aux contours flous. Elle pensait y deviner sa mère et son père, au parc, à la maison (?)... Tout relevait d'un quotidien ordinaire. Et puis des fois, c'était des scènes de spectacles, avec de nombreux spectateurs. Mais elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'ils regardaient.
Et puis systématiquement, à force de tourner dans son lit, elle finissait par se laisser submerger par ses émotions de panique, de rage, de tristesse, d'impuissance. Alors elle se mettait à verser des larmes silencieuses jusqu'à ce que la fatigue l'emporte.

 Le soir du sixième jour, alors qu’elle ne parvenait plus à trouver le sommeil et chasser ses pensées, elle se mit à déambuler dans les couloirs du vaisseau pour rejoindre l’une des salles de repos que Tréviane lui avait montré le premier jour.

Elle pouvait ici, observer le vide sidéral, ou tout du moins une reproduction très réaliste. Le vaisseau était dénoué de hublot, sauf dans la salle de pilotage. Il était par ailleurs fermé depuis le départ du vaisseau. De toute façon, à cette vitesse, il n’y avait rien à voir.

En attendant, cette simulation qui donnait l’impression d’être immergé au milieu de l’espace la fascinait. Elle en perdait presque pied et depuis qu’elle en avait fait la découverte, elle ne s’en lassait pas.

 — On se laisse facilement happer, n’est-ce pas ?

Ne cachant pas sa surprise, Mara se retourna. Caelan était sur le pas de la porte.

 — Je ne voulais pas vous déranger, s’excusa-t-il. Je ne pensais pas trouver la salle occupée.

 — Non, non, tout va bien.

Mara semblait gênée, mais elle n’était visiblement pas la seule. Caelan hésita puis s’installa sur le siège à gauche de Mara.

 — Je suppose que vous avez ressenti une certaine paix ici.

 — En effet, pourtant ce n’est que des écrans, très réalistes…

 — C’est un peu magique aussi. Ce vaisseau est hybride. La magie est énergie et l’énergie est nécessaire pour avancer.

La magie améliorait l’ingénierie et parfois, elle était indispensable. Cependant, le plus souvent, on préférait ne pas mélanger les deux afin de ne pas devenir dépendant d’une chose aussi peu « fiable » que la magie. Mara comprit que même si la magie était acceptée, elle n’était pas forcément bien perçue, et ce même si elle existait depuis toujours. C’était toutefois un confortable coup de pouce.

 — Si la magie est omniprésente, pourquoi est-ce que je n’ai pas appris à la manier avant ?

Caelan expliqua qu’il pouvait y avoir plusieurs raisons à cela : une méconnaissance du pouvoir, un blocage, une aversion, une ignorance.

 — Peut-être que vous l’utilisiez sans le savoir, ajouta-t-il.

 — C’est possible ça ?

 — Tout est possible, la magie se manifeste sous diverses formes… mais pour tout vous avouer, je n’ai pas de réponse toute faite à votre question.

Mara soupira, un peu déçue.

 — Que feriez-vous à ma place ? Si vous étiez perdu dans un monde inconnu, sans mémoire de votre passé ! demanda Mara au bout d’une longue minute de silence.

Caelan observa Mara silencieusement. Il cherchait une réponse appropriée, mais il n’en trouva pas.

 — Je l’ignore… Mais, je pense que vous êtes une personne extrêmement courageuse.

Comme il se l’était imaginé, ce constat n’était pas suffisant pour apaiser la soif de Mara. Il le voyait bien dans son regard.

 — Pourquoi est-ce que vous vous donnez autant de peine pour moi ? lâcha soudainement Mara.

À défaut de pouvoir lui fournir des réponses satisfaisantes, Caelan avait le don de trouver les mots justes, ceux capables d’apporter un peu de réconfort et de rassurer.

 — Vous avez définitivement un talent extraordinaire, vous ne devriez pas en douter.

 — Supposons que vous avez raison, ça ne répond pas à ma question ! Vous pourriez me laisser dans un « sanctuaire » ou je ne sais où.

Caelan se mit alors à la fixer intensément avec ses iris bleus auréolés de violet autour de la pupille. Ils étaient hypnotiques, intrigants et d’une beauté intraduisible. Mara s’en était rendu compte dès le premier jour et à chaque fois elle se faisait happer.

 — C’est vrai ! … mais les venoris ne sont pas uniquement des guerriers. L’un de nos devoirs est d’aider ceux qui sont dans le besoin, surtout lorsqu’il s’agit de magie, déclara alors Caelan.

Sortant de son hébétude, Mara remercia Caelan.

 — À vous entendre, les venoris semble avoir ont un code d’honneur irréprochable.

 — Nous avons prêté serment en effet.