XI. Prétendre / 2
Shambhala abritait l’un des plus grands temples Paontoïste de l’Imperium. Ainsi venait de nombreux pèlerins se ressourcer dans cette cité mystique, nichée dans un paysage montagneux. Sur un plateau alpin à plus de mille mètres de hauteur, la partie antique de la ville était construite à la fois sur les flancs des montagnes escarpées et autour d’une large rivière qui tombaient en majestueuse cascade depuis l’antre d’un mont pointu qu’on appelait le mont Monya.
Taillée dans la pierre et le bois, Shambhala était sans doute la plus ancienne cité d’Alkian. Non pas parce jadis elle avait été l’une des cités fondatrices de la renaissance humaine, mais parce que Shambhala existait avant que l’Homme ne foule ses terres sacrées. Shambhala état ce qu’on appelait une cité artefacts, car elle était bien plus ancienne que l’Impérium. Son aura mystérieuse avait fait sa renommée et depuis des lustres elle était considérée comme un lieu sacré. D’ailleurs le temple situé sur les hauteurs d’où la cascade tombait, dominait la ville par sa présence.
D’un pas rapide, Caelan déambulait dans une ruelle sinueuse, il avait prévu de retrouver Adley et ses compagnons étherians dans leur quartier. Autour de lui, il y avait de l’agitation. Il savait que Shambhala pouvait être bondée, mais dans le cas présent, il semblait y avoir un rassemblement imprévu.
Caelan accéléra sa foulée lorsqu’il comprit que quelque chose d’anormal se tramait. Tant bien que mal, il se faufila entre les badauds qui cherchaient à voir ce qui se passait. Il finit par arriver devant la maison dans laquelle il avait rendez-vous. Cette dernière était encerclée par les forces impériales.
Caelan déglutit et vérifia l’adresse, espérant s’être trompé. Hélas, il était au bon endroit. Ne perdant pas son sang-froid, il s’approcha d’un soldat pour lui demander des informations. Ce dernier refusa de répondre. Il reprit en déclinant son identité, et cette fois-ci son interlocuteur un brin confus, l’envoya à la rencontre de l’officier en charge. Ce dernier l’accueillit froidement.
— Qui êtes-vous ?
— Caelan Kane, Commandant venori représentant d’Alwyn, siffla Caelan bouillonnant.
L’officier répondant au nom de Fednar paru à son tour surpris.
— Vous avez été rapide ! On vient de nous signaler l’incident !
— Est-ce que vous pouvez me dire ce qu’il se passe ? insista Caelan.
Fednar comprit que Caelan n’était pas là parce qu’on l’avait contacté.
— J’espérais que vous pourriez me le dire.
Fednar invita Caelan à entrer dans la maison tout en expliquant les premiers constats.
— Je vous avertis, c’est un massacre là-dedans. Les victimes se sont défendues, mais hormis l’ex-Commandant Denator, aucun d’eux n’était formé au combat.
Le cœur de Caelan s’était accéléré, redoutant la suite.
— … Elle a réussi à en abattre deux, il devait y avoir un astrom parmi eux, mais vous saurez mieux que moi. Le troisième assaillant s’est enfui, ajouta Fednar avant de s’arrêter dans une première pièce où gisaient cinq individus.
Caelan analysa rapidement le visage des victimes. Il fronça les sourcils en voyant le corps de l’un des agresseurs. Il voulut s’approcher pour voir de plus près, mais Fednor l’appela.
— Elle est ici.
Fednor pointa la pièce suivante, tandis que Caelan s’avança lentement, comme s’il cherchait à repousser le moment fatidique où il allait devoir faire face à la réalité.
Après ce qu’il lui parut une éternité, il se retrouva finalement nez à nez avec Adley. Son corps reposait paisiblement contre la paroi du mur, vidé de son sang. À ses côtés gisait un Iténien transpercé par son épée venorie.
Caelan apposa sa main contre la bouche et prit une grande inspiration. Le visage livide, il eut l’impression que ses jambes allaient se dérober sous lui.
Il resta une longue minute ainsi, cherchant à contrôler la vive émotion qu’il ressentait.
Non seulement Adley avait été son supérieur, mais elle était surtout devenue une amie proche qui lui avait énormément appris. C’est d’ailleurs elle qui avait suggéré la nomination de Caelan au poste de Commandant.
Caelan s’approcha du corps sans vie d’Adley et s’accroupit. Discrètement, il essuya une larme qui lui était venue et posa sa main sur l’épaule de la défunte. C’était un moyen pour lui de prendre conscience qu’il ne rêvait pas et de lui dire au revoir.
— Pardonne-moi, bredouilla-t-il d’une voix à peine audible.
Il avait presque la nausée et détourna son regard vers le bas pour se reprendre.
Ses yeux se posèrent alors sur la main ensanglantée d’Adley. Elle semblait tenir quelque chose.
Il sortit un mouchoir et d’un geste délicat, il ouvrit la paume et y trouva une minuscule figurine représentant un loup. Il la regarda plusieurs secondes avant d’être interrompu par Fednar.
— Qu’est-ce que c’est ?
Caelan se releva et lui montra la statuette de verre.
— Vous savez ce que ça veut dire ? renchérit Fednar.
Caelan hocha négativement la tête et porta son attention sur l’Iténien.
Lui qui croyait avoir eu son lot de surprise, blêmit d’autant plus et fit un pas en arrière.
— Vous le connaissez ? s’étonna Fednar.
Sans un mot, Caelan quitta la pièce pour aller voir l’autre agresseur qui gisait dans l'autre pièce. Il souleva la mèche de cheveux qui recouvrait le visage du cadavre. À nouveau, il eut le souffle coupé.
— Vous êtes certains que ce sont eux qui ont perpétré ce massacre ? s’enquit Caelan en se retournant vers Fednar.
Les deux assaillants étaient des Venoris, Caelan en était certain. Non seulement il les reconnaissait tous les deux, mais leur épée gravée ne mentait pas.
— Des témoins les ont vus entrés juste avant, affirma Fednar.
— On a le portrait de celui qui s’est échappé ? demanda Caelan qui avait hélas déjà une petite idée.
Fednar leva son poignet en direction de son bracelet et d’un geste avec ses doigts, il projeta le visage du troisième suspect décrit par les témoins.
Caelan soupira en se grattant le front.
— Ludvinia…, souffla-t-il accablé.
Caelan fit à nouveau le tour de la scène, cherchant des détails qui lui avaient peut-être échappé. Ce qu’il voyait autour de lui ne fit que renforçer la culpabilité des Venoris. Deux des victimes avaient été tuées à l’aide d’une lame, les deux autres semblaient avoir été victime d’un sort. Possiblement lancé par l’Iténien qu’Adley avait abattu. Caelan découvrit également les débris d’une tablette universelle.
Fednar posa quelques questions à Caelan qui lui répondu succinctement jusqu’à ce qu’un Agent venori se présente à la porte. C’était lui qu’on avait appelé pour signaler l’incident. Et lorsqu’il reconnut le Commandant, il se présenta immédiatement à lui. Ils échangèrent quelque peu avant que Caelan ne décide de quitter les lieux une fois pour toutes.
— Je retourne à Ilyiée, je veux que vous me teniez informer de tous les détails de l’enquête. Et si vous retrouvez l’Agent Ludvinia Leliëm, je la veux vivante ! Elle n’a pas pu aller bien loin.
Sur cet ordre direct, Caelan salua l’agent venori nouvellement arrivé et détala sans se retourner.
***
À bord d’un transporteur en direction du spatioport d’Endora, Caelan recevait déjà un appel de l’Impératrice. On venait de l’informer de l’accident peu commun et bien sûr elle était autant chagrinée que Caelan.
— Que s’est-il passé ? demanda sans détour Silya dès lors qu’elle entrevu le visage de Caelan.
Caelan se mit à lui expliquer ce qu’il avait pu constater.
— J’ai besoin que ça reste confidentiel, Silya, supplia Caelan encore secoué.
— Ce que tu exiges n’est pas anodin, rétorqua l’impératrice embarrassée.
— Laisse-moi éclaircir cette histoire avant d’accuser les Venoris. Ce n’est pas le moment de faire paniquer la population, argua Caelan sur un ton ferme.
— Très bien, mais je veux être informé de la moindre de tes découvertes ! Venori ou pas, ce massacre est intolérable ! Les responsables devront y répondre.
— Et ce sera le cas, Silya, je t’en fais la promesse.
— Est-ce que tu sais pourquoi ces Étherians ont été tués ?
Caelan soupira. Les tablettes avaient toutes été détruites et surtout. Cela ne pouvait pas être une simple coïncidence. Quoique soit la découverte qu’Adley envisageait de lui partager, elle l’avait emmenée dans sa tombe. Elle avait payé de sa vie ce mystérieux savoir.
— Ça a forcément avoir avec la révélation ! déclara-t-il convaincu.
— Ça veut dire que quelqu’un pense que cette révélation est une menace. On ne peut plus ignorer son importance !
— De toute évidence, conclut-il.
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