En attendant l'amour
Elle assurait en cours.
Ses amis l'appréciaient et se pliaient en quatre pour elle.
Ses parents étaient fiers et vantaient sans cesse la réussite de leur fille unique.
Son avenir en tant que doctoresse s'annoncait brillant.
Les garçons se retournaient sur son passage.
Il ne lui manquait rien. Il n'y avait presque aucune ombre au tableau.
Rien ni personne n'était en capacité de troubler sa quiétude ou de compromettre son futur.
Alors...
Pourquoi se sentait-elle si triste ?
Pourquoi est-ce qu'elle se réveillait tous les matins avec un trou béant dans la poitrine ? Une sensation de manque semblable à tous ces faits divers concernant la drogue qu'elle voyait à la télé ?
Pourquoi est-ce que cet unique prénom résonnait chaque jour un peu plus fort dans sa tête ?
— Tu m'écoutes ?
Joyce abandonna le pan de mur qu'elle était en train de fixer du regard et reporta son attention sur un homme d'âge mur dont elle avait oublié l'existence.
— Désolée, soupira-t-elle. Je rêvassais.
Son invité haussa les sourcils, l'air un peu vexé, et scanna la pièce du regard avant d'émettre un bruit de contentement. Il s'avança vers le lit, s'agenouilla et agrippa ce qui semblait être son pantalon. Il avait été balancé là, tout comme ses autres vêtements qui étaient éparpillés sur la moquette de la chambre étudiante.
— Tu veux remettre ça, ou bien...?
Sa voix lui donnait déjà mal à la tête.
— Je te dirai, le coupa-t-elle. Je sais où tu bosses de toute façon. Claque bien fort en partant, la porte se verrouille automatiquement.
Une fois que son amant eut quitté les lieux, Joyce se tourna et se retourna dans son lit. Encore et encore.
Elle aurait dû lui dire de rester. Il était impossible pour elle se fermer l'oeil.
Après coup, elle s'en voulut de cette réflexion. Sa présence n'aurait rien changé. Au contraire, elle l'aurait irritée au plus haut point.
Même la chaleur de ses muscles ne pourrait remplacer l'étreinte qu'elle attendait depuis si longtemps.
La nuit était tombée depuis belle lurette. Les bâtiments dédiés aux dortoirs formaient un kaléidoscope de fenêtres illuminées partout sur le campus. À l'approche de Noël, tout le monde avait l'habitude d'accrocher des lanternes ou des décorations diverses à son balcon.
Il y avait même un père Noël pendu à l'une des fenêtres d'en face.
Quel mauvais goût, pensa Joyce.
Penser à Noël lui rappela de bons souvenirs.
Sa famille n'était pas très unie, ni très grande. Alors, pour différentes raisons, cette fête s'était souvent fêtée entre eux et les amis de chacun, qui eux aussi n'avaient presque personne sur qui compter en ce monde.
Chaque année, on alternait les hôtes et chacun se retrouvait à cuisiner quelque chose pour que tout ne repose pas sur une seule personne.
Ça faisait du bien de ne pas subir le revers de ces traditions familiales.
Imaginer que certains puissent passer les fêtes sans aucune compagnie suffisait à plomber son moral, qui n'était déjà pas au beau fixe.
À côté de ça, la vie devenait de plus en plus dure à traverser. Chaque pas semblait demander un effort considérable. Sa concentration baissait à vue d'œil, sa volonté également.
Elle constatait que Paul et Shirley s'inquiétaient pour elle. Ils le lui montraient quotidiennement par leurs actes et leurs paroles. Cela la touchait beaucoup.
Elle aurait aimé pouvoir leur dire le fond de sa pensée. Ce qui la détruisait intérieusement depuis des mois. De toute façon, ils devaient déjà se douter qu'elle avait ses raisons.
Alors qu'à l'heure actuelle, tout ce qu'elle pouvait faire était d'observer les étoiles dans le ciel, elle savait que quelque part, à quelques douze mille kilomètres d'ici, le soleil était à son zénith et brûlait la peau de son âme sœur.
Reid lui reviendrait. Elle en était persuadée.
Parce que les mêmes astres veillaient sur eux, à cet instant.
Et qu'ils les réuniraient, un jour.
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