La Foule

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Petite au milieu de géants, tu te courbes mentalement. Pourtant regarde-toi, droite et fière, arborant tous tes atouts, toute ta gloire ! Toi qui joindrais tes mains en prière pour échapper à ces vautours, tu te sens insignifiante et menacée. Tu affiches ta supériorité, montres tes griffes, tes crocs, quand tu te sens la corde au cou. Tu esquives, te décales, évites tous les regards, et fuis tous les contacts. Ne laisse personne t’approcher, ils sauraient que tu es la proie. Ils te dévoreraient pour ne plus rien laisser de toi !

 Vois comme déjà ils te surveillent ! Ils attendent le moindre faux pas ! Fais tomber ton masque et ils sauront tout. Tout de ta faiblesse et de ta peur, que sans confiance tu te meurs. Leurs yeux te suivent ! Tous convergent vers toi, impatients de t’écraser sous leurs semelles, sous leurs jugements, sous leur fierté, et leur ricanement. Garde-toi bien d’attirer davantage leur attention ! Soit le fantôme dans la nuit, soit l’ombre sur le pavé, glisse-toi entre les corps inconnus, faufile-toi de rue en rue. Ne détourne pas de ton chemin, avance sans te retourner, expose ta puissance factice, ta domination illusoire, et peut-être seras-tu sauve. Peut-être ne te rattraperont-ils pas. Peut-être ne te poursuivront-ils pas dans ton petit monde, dans ton petit cœur, dans ton petit toi, que tu caches, que tu broies.

 Quand tu rentreras pour retrouver ta solitude, cette chère amie, tu devras t’excuser envers ce petit toi. Celui que tu enserres et que tu étouffes, que tu portes chaque jour au supplice. Libère-le donc de tous ces artifices ! Mais, pas ici, pas maintenant, ils sauraient alors que tu mens. Entends-tu en toi les cris, les reproches qu’ils produiraient ? "Honte à toi de cacher ta vraie nature ! N’es-tu pas gênée d’être ce que tu es ? Cache la vérité, qu’est-ce que c’est laid !" De quoi t’accusent-t ’ils finalement ? Si ni le mensonge ni la vérité ne leur convient, que voudraient-ils donc voir ?

 Va petite, ne te tracasse pas. Ce n’est pas d’être jugée que tu devrais être effrayée. Ta vraie terreur devrait se tourner contre toi-même. Peux-tu affirmer que toi-même tu n’es pas le monstre que ces autres craignent ? Tu es toi aussi les yeux terrifiants, les yeux jugeant. Tu les dévorerais avec autant d’ardeur qu’ils festoieraient de toi. Tu es aussi capable de te délecter du malheur des autres, du ridicule, du laid, du stupide.

Rares sont les purs qui ne s’adonnent pas à de telles délectations. Et exceptionnels sont ceux à en défendre les victimes. Tu n’en fais sûrement pas parti !

Tourne-ta crainte vers ta propre personne, hais-toi s’il le faut, et méfie-toi, car après tout, qui pourrait te défendre du plus terrible : toi-même ?

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