2.7) Volodia

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— Regarde, murmura Sakineh en désignant le récif.

Les bulles explosaient encore dans sa tête, mais ses mots prenaient forme. Ses syllabes coulaient – et ce déjà, je crois, avant qu’elle se fût mis à fondre. Autrefois, de chair et d’os, je la devinais suave, flegmatique, indolente. Elle m’aurait repoussée, sans doute, si en ce temps-là j’avais tenté de l’approcher. Un postulat absurde : jamais je n’aurais cotoyé une instruite ; le Savoir m’effrayait.

— Tu vois ? insista-t-elle devant mon air lunaire, et je revins à l’instant.

Sous les coraux flétris, gisait une carcasse embaumée d’une maille comme on n’en tissait plus : broderie bleue sur bleu ciel, algues et vaguelettes. Je tirai sur la manche et les fleurs d’eau dessus tremblèrent, menaçantes. Sakineh se pencha mollement près de moi, dans le couinement burlesque du caoutchouc. Elle desserra un peu le nœud de son poignet pour verser quelques gouttes sur le monstre aquatique. Alors, se déroulant docile sur la piste perlée des humeurs du fant'eaumes, le récif s’éloigna comme une longue limace. Englué sous ses sécrétions, parut alors l’habit parfaitement conservé sur un mannequin-squelette décharné et blanchi ; une robe cintrée aux emmanchures bouffantes, coiffée d’un jabot blanc et d’un méchanovule. L’épais cercle de cuivre de l’appareil s’était oxydé, je priai que les ressorts fussent indemnes.

— Shahin Perceciel ! s’exclama Sakineh en revenant vers moi.

Jamais je n’aurais cru débusquer, six pieds sous terre, les reliques déchues de l’un des neufs Scaphandriers.

Le hasard avait voulu que je trouvasse un scaphandre – à peu près à ma taille, en prime. Il me fallait honorer le sort et l’enfiler sans tarder, si j’espérais réellement secourir ma compagne le fant'eaume. Tandis que Sakineh occupait le récif à l’autre bout de la pièce, lançant de temps à autre un coup d’oeil mi-ébloui mi-curieux à la carcasse polie de Shahin Perceciel, je déshabillais le cadavre du Scaphandrier. L’écho des os brisés. D’où était-elle tombée ? Qui l’avait ensevelie ? Le saurions-nous jamais ?

Je revêtis non sans peine la robe rêche au tissu imbibé de poussière. Les épaulettes trop larges et les manches ballons tenaient du ridicule sur mes longs bras flasques. Mais rien ne me faisait plus honte que l’imposant jabot que je dus pourtant bien me résoudre à passer, puisqu’il portrait l’indispensable méchanovule : le cœur même du scaphandre. Il semblait fonctionnel. Toutefois, sans connaître l’état de la batterie, je n’osai l’essayer. Enfin, je glissai mes mollets dans les grandes bottes de plumes. Alors que je craignais déjà la gêne qu’elles me créeraient une fois sur ma bécane, je me trouvai inexplicablement plus légère, comme en apesanteur.

Sakineh m’admirait d’un pétillement rieur. Pût-elle me trouver belle, fagotée de la sorte ! Je l’étonnais, je pense, vu le temps qu’elle mit, les yeux fixés sur moi, avant de bien vouloir regagner la bonbonne.

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