4.1) Échos mêlés
Ces jours-là, sur la rivière, nous étions.
Ces jours-là sur la rivière furent les plus heureux, loin des lois fratricides de Néon, loin des périls du Désert, loin des villes où notre seule existence menaçait l’avenir, et le nôtre de surcroît.
Ces jours-là elle me toisa de toutes ses bulles et je la contemplai presque comme une femme de chair.
Ces jours-là je foulai le limon vers toujours plus de solitude, toujours plus de quiétude, toujours plus d’intimité.
Ces jours-là j’appris le langage, à peine plus distinct que l’ancien, formé par ses lèvres neuves.
Ces jours-là nous parlâmes et nous nous regardâmes. Je pressai ma tête parfois entre la gelée de ses cuisses, sur sa peau de sangsible.
Ces jours-là je mangeai plus que jamais ; plus que de sucreries dans la confiserie de Priss. À la force de mon arquelance, je chassai les loches que nous croisions, à peine plus petites que notre embarcation, et pêchai de curieux poissons. Mais je laissai en paix les échassiers aux nez de cornes car, malgré leur orgueil, où de son fait peut-être, je me reconnaissais en deux.
Ces jours-là elle vécut de ses propres eaux, parfois de mon rire gras.
Ces jours-là je l’aimai tant que je songeai parfois à renoncer au monde, à renoncer à la quête que les gens d’Ekö nous avaient confiée, à fuir vers l’au-delà sur les eaux avec elle, et à nous oublier dans notre seule union.
Ces jours-là, je fus heureuse, et elle aussi me sembla-t-il.
Ces jours-là, sur la rivière, nous étions.
Annotations
Versions