Elle jette un œil dehors vers la pelouse bien tondue et aperçoit un pic-vert avec sa tête étonnamment rouge sous le pommier en fleurs. Il est beau, et gros. Elle est fière de l’avoir reconnu. Elle en apprend des choses dans la région.

Elle s’y met. Toujours de la même manière. Elle frotte chaque bibelot, le haut des cadres, le dessus des portes, les tables, les chaises et les fauteuils avec sa lavette en microfibres rose. Puis elle place tout en hauteur. Branche l’aspirateur. Minou s’enfuit dans un miaulement geignard. Elle suit les lattes du plancher, enfile des longueurs comme à la piscine. Avec méthode. C’est le secret. Le seul. Le salon est grand. Son cerveau est vide. Elle respire en profondeur. Elle sourit. Elle range l’aspirateur. Trouve le détergent spécial bois huilé, en verse deux capuchons dans le seau en caoutchouc noir avant de le remplir d’eau tiède, trempe son torchon, le tord soigneusement et l’étend sur sa raclette. Madame Delaunoy ne supporte pas les balais à serpillières, ces gadgets de Portugaises paresseuses (et voleuses) (et poilues) qui servent à étaler la crasse plus qu’à laver. Elle a l’habitude d’acquiescer ardemment, la bouche légèrement entrouverte. Oui Madame Delaunoy, comme vous voulez Madame Delaunoy. Elle voudrait compter combien elle peut enchaîner de phrases de soumission pathétique sans déclencher de soupçon chez sa patronne. Elle est déjà arrivée à quinze avant de se lasser. Cette femme ne perçoit même pas l’ironie avec laquelle son chat miaule pour l’accueillir.

Un bruit de moteur dans la cour. L’énorme BM série 5 classe fric de la femme du médecin se parque. Elle soupire. Ce n’était pas prévu. Elle ne s’était pas préparée à subir des jacasseries aujourd’hui.