9
Un coucou chante dans le jardin. Un coucou fulgurant. C’est gai et joli. Elle ose interrompre le laïus de Madame Delaunoy pour demander si elle a entendu. Tiens oui, c’est le premier. J’espère au moins que vous avez une pièce en poche. Elle est bien heureuse de ne pas en avoir. La fortune, quelle horreur. La femme se remet à discourir, lui propose du gibier que son mari docteur-chasseur a tué lui-même, ce n’est pas la saison, non, mais voyez-vous, le congélateur est tombé en panne il y a deux nuits, ou trois, je ne m’en suis pas rendue compte, à propos pourriez-vous le nettoyer à l’eau de javel, il sent un peu, j’ai oublié de le noter ce matin, je cours tellement. Elle refuse (la viande). L’autre insiste. Elle annonce qu’elle est végétarienne. L’autre hurle de rire, puis se reprend, bon ben, ramenez-la chez vous, vous avez bien des voisins qui seront contents. Voyez-vous, c’est du civet de biche, ce n’est pas n’importe quoi, il faut le manger sans traîner. Elle ne rentre pas chez elle, elle a un autre ménage cet après-midi, ne veut pas de biche pourrie dans sa voiture, ses voisins aussi sont végétariens, ou morts, ou inexistants. Elle refuse. La Delaunoy se met à glapir, la traitant d’ignare et d’ingrate. Elle s’excuse et demande si elle peut commencer à faire la baie vitrée au vinaigre comme Madame l’a recommandé dans sa note. Elle s’éloigne et entend la femme marmonner, une histoire de perles et de cochon.
Annotations
Versions