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Octobre 1975
Penchés sur la table, Fernand et Jacqueline lisent Vers l’Avenir. Une page entière du quotidien régional est consacrée à la disparition d’Yves Cléchard. Plus de deux mois après les faits, l’enquête est relancée avec un vaste appel à témoins. Madame Cléchard a été interrogée par la RTB, elle est même passée sur RTL, elle a expliqué, son fils n’est pas un drogué, en aucun cas, c’est un gentil garçon, il ne peut être question d’un règlement de compte comme insinué par certains journaux malveillants, encore moins d’un suicide. Elle supplie les ravisseurs de lui donner des nouvelles, même mauvaises, qu’au moins cesse son angoisse. Sur les images, derrière elle, on aperçoit Jean-Paul, le frère handicapé, il fait coucou à la caméra.
Tous les habitants de la région sont enfin émus par la disparition de ce jeune homme, dévoué, discret, en pleine force de l’âge. Les mêmes qui, deux mois plut tôt, haussaient les épaules avec les policiers, viennent réconforter la mère Cléchard au marché hebdomadaire en lui conseillant de garder espoir. On le retrouvera ton gamin. C’est n’importe quoi, tout le monde s’en doute : il est forcément mort.
Jacqueline tend l’oreille, son fils est dans son lit-cage à l’étage, il pleure encore. Cela lui fera les poumons, pas question d’avoir un gamin capricieux, lui répète son mari. Jacqueline trouve Fernand trop sévère, elle préfère ne pas le contredire, il n’aime pas ça. Il est rentré dîner ce midi, mais doit être de retour à la banque pour treize heures trente. Jacqueline lui promet une tarte aux pommes du jardin pour son retour. Il l’embrasse, il ne se plaint pas, il a épousé une femme qui cuisine bien. Avant de se quitter, ils échangent quelques mots sur la tragédie qui frappe cette pauvre femme. Quelle dignité. À sa place, ils deviendraient fous. Fernand et Jacqueline connaissaient (pour eux aussi, l’imparfait s’impose) Yves, un copain d’école du jeune frère de Jacqueline, Françis, étudiant à Woluwé, la fierté de la famille, Francis, bientôt chirurgien, néanmoins fidèle à ses racines ardennaises et fiancé à une fille du coin.
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