Chapitre 2 : LE CONFLIT 

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La réunion de famille

C’était un dimanche. La grande table en bois, dans le salon de l’oncle Kazi, était remplie de visages familiers : des oncles, des tantes, des cousines, tous réunis autour de la table pour une énième réunion sur l’avenir de Nzinga. Les conversations tournaient autour du futur, de son avenir, de ses études. Il était là, dans le coin, à écouter les voix qui semblaient toutes se soucier de lui, mais dans lesquelles il ne reconnaissait aucune parole de soutien pour ses rêves.

Oncle Kazi (d’un ton ferme, regardant Nzinga) :

"Nzinga, écoute-moi bien. T’as tout ce qu’il faut pour réussir ici, dans ce pays. La comptabilité, c’est la seule voie sûre. T’es trop intelligent pour perdre ton temps à rêver d’être écrivain. Regarde-toi, t’as 18 ans, presque 19, et tu veux toujours griffonner des mots ?"

Nzinga (murmurant, presque pour lui-même) :

"Mais je veux écrire... Je veux que mes mots soient entendus."

Oncle Kazi (levant les yeux, irrité) :

"Tes mots, tu les laisses pour les artistes. Nous, on parle de choses sérieuses. Regarde, ton avenir, il est là, dans ces chiffres. C’est ça qui te permettra d’avoir une maison, une famille. C’est ça qui te donnera une place dans ce monde."

Nzinga (silencieux, mais les poings serrés sous la table) :

"Et mes rêves ? Qui va m’offrir la chance de réaliser mes rêves ? Qui m’offrira ça ?"

Oncle Ndidi (intervenant d’un ton plus calme mais autoritaire) :

"Tu crois qu'on te met sous pression pour te faire du mal ? Non. On veut juste que tu sois un homme, qu’on arrête de te voir comme un rêveur naïf."

Nzinga se leva brusquement, sentant les murs se refermer autour de lui. Il allait dire quelque chose, mais il s'arrêta. L’air lourd dans la pièce, les regards insistant sur lui, et cette pression invisible mais intense. Il savait qu'il ne pourrait jamais leur faire comprendre.

Nzinga (d’un ton plus ferme, son regard fixé sur les yeux de son oncle) :

"Je suis un rêveur, oui. Mais un rêveur avec un but. La comptabilité, ça ne m’épanouira jamais. Vous ne comprenez pas."

La tension monta d’un cran, et l’oncle Kazi détourna le regard, chassant une colère qu'il ne voulait pas exprimer. Mais Nzinga savait qu'il ne serait pas compris. Dans ce coin de Kinshasa, les rêves n’avaient pas droit de cité. Il se contenta de se retirer, prenant une bouffée d’air, comme s'il fuyait une bataille perdue d'avance.

Les filles, les mots et l'isolement

Ce soir-là, après la réunion, Nzinga se rendit à un événement, une exposition littéraire. Là, il rencontra une jeune fille, Mado, une des rares personnes qui avait su l’aborder sans jugement.

Kembo (en riant timidement) :

"T’es pas un peu jeune pour être aussi sérieux avec les livres ? Les autres étudiants sont là pour flirter, mais toi... toi t'es là comme un vieux sage."

Nzinga (un sourire en coin) :

"Les livres, c’est tout ce que j’ai. C’est pas de l’intellectualisme, c’est de la vie. Et puis, je ne suis pas un sage, je suis juste un rêveur."

Il la regarda dans les yeux, mais au fond de lui, il savait qu’il ne pouvait pas se laisser prendre. Mado, malgré son intérêt, n’était qu’une distraction de plus. Dans le fond, il avait peur de s'attacher à quelqu’un. Peur qu’elle le fasse dévier de son rêve, de ce monde à lui où les mots étaient plus puissants que tout.

Kembo (légèrement déstabilisée) :

"C’est dommage, tu sembles différent. Tu t’enfermes dans tes livres. Si tu m'ouvrais un peu plus de toi..."

Nzinga tourna la tête, comme pour fuir cette invitation trop proche.

Nzinga (se levant, désolé mais fermement) :

"Je... je ne peux pas."

Il savait que ce n'était pas de la méchanceté. Mais il se sentait trop seul dans ses rêves. Trop énigmatique pour que quiconque puisse comprendre.

L’annonce du Canada

Un jour, alors que la guerre s'intensifiait à l'est du pays, Nzinga entendit la nouvelle. La famille entière allait partir. Le Canada. Il allait s'y rendre, et avec lui, un espoir qu'il avait toujours chéri au fond de son cœur. C'était une chance, une possibilité de reconstruire sa vie loin de l'Afrique, loin des contradictions.

Oncle Kazi (d'un ton plus solennel) :

"C’est décidé, Nzinga. Tu vas partir au Canada. T’as l’opportunité de tout recommencer. Tu feras ton avenir là-bas, loin des problèmes de ce pays."

Nzinga resta silencieux, mais son cœur battait fort. C’était le départ qu’il attendait, le tournant. Il n’allait pas se laisser mourir d’angoisse. C’était l’occasion qu’il avait espérée, celle de toucher un peu de son rêve, même si la guerre menaçait son pays. Dans son cœur, il savait que cette fuite n'était pas seulement géographique, mais aussi spirituelle. Il fuyait une réalité qui ne voulait pas de lui.

Nzinga (dans sa tête, se répétant à lui-même) :

"Ça y est, c’est arrivé. Je vais m’échapper... peut-être que là-bas, je pourrai vraiment écrire. Peut-être que là-bas, je ne serai plus ce jeune homme coincé entre deux mondes."

Les dernières paroles de sa mère

Avant de partir, Nzinga alla voir sa mère, dans la vieille maison où il avait grandi. Les souvenirs étaient lourds, comme des pierres sur son cœur.

Maman (regardant Nzinga, les yeux pleins de tendresse et de préoccupations) :

"Nzinga, mon fils, tu vas au Canada. Je sais que tu as toujours rêvé de ce voyage, mais n’oublie pas : sois sage là-bas. La vie, elle ne t’attendra pas. Tu dois être fort, indépendant. Et surtout, souviens-toi que ton père t’a abandonné, il n’a jamais été là pour toi. Ne fais pas la même erreur. Tu dois apprendre à être un homme."

Nzinga se sentit écrasé par ces paroles. Sa mère, son soutien, venait de lui rappeler la dure réalité de son enfance. Son père, un homme absent, trop occupé à être ailleurs pour lui. Nzinga se tourna vers elle, les yeux remplis de larmes qu’il n’osait pas laisser couler. Il se devait de se montrer fort.

Nzinga (d’une voix faible mais déterminée) :

"Je vais être un homme, maman. Je vais tout faire pour que tu sois fière de moi."

Mais, au fond de lui, une question persistait : allait-il réussir à concilier ses rêves et la réalité de l’exil ? Le Canada serait-il la terre de ses aspirations, ou un lieu d’adaptation où il abandonnerait, comme tout le monde le pensait ?

Il monta dans le taxi avec sa famille, regardant une dernière fois Kinshasa, la ville qu’il avait aimée et détestée en même temps. Son rêve ne serait-il qu’une chimère dans un monde froid, à l’autre bout du monde ?

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