Chapitre 4 : NOUVEAU MONDE 

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Le froid. C’était ce que Nzinga ressentait en premier en arrivant au Canada. Un froid qui n’était pas seulement dans l’air, mais aussi dans l’accueil qu’il recevait. Un air frais, inconnu, qui s’immisçait jusque dans ses os. Mais ce n’était pas seulement le climat qui le frappait. C’était ce tout nouveau monde dans lequel il s’était retrouvé, loin de Kinshasa, loin des rues bondées et du bruit constant. Ici, tout semblait trop calme, trop ordonné. Trop parfait.

Nzinga (pensant à lui-même) : "Un monde où tout est en place, mais où je me sens perdu. Mon rêve, ma vie, mes repères… je dois tout reconstruire. Et ma mère, là-bas, dans ce pays en guerre, à des milliers de kilomètres. Que vais-je lui dire ?"

Le regard des autres sur lui, celui des jeunes Canadiens, le frappait aussi. Il était un étranger, un Africain venu trop tard dans ce pays. Un jeune homme avec une peau plus foncée, qui se distinguait parmi les autres. Il observait les enfants blancs qui l’entouraient. Ils avaient l'air si sûrs d'eux, si intégrés, et pourtant, il se sentait invisible. En tant qu’adolescent, il avait rêvé de nouvelles opportunités, de nouveaux horizons, mais la réalité de son arrivée, son entrée dans ce monde blanc, lui donnait l’impression de n’être qu’un simple étranger dans ce grand puzzle.

Mais ce qui le perturba le plus fut la façon dont certains autres jeunes noirs, ceux qui étaient arrivés avant lui, le regardaient avec un air condescendant. Ils parlaient de leurs expériences, de leur intégration, comme si eux étaient déjà "bien installés", et Nzinga, lui, semblait en retard. Comme s’il n’était pas assez noir ou assez blanc pour trouver sa place.

Jeune Noir 1 : "T'es venu un peu tard, non ? On sait tous comment ça marche ici. T’es pas encore prêt."

Jeune Noir 2 (ajoutant, les bras croisés) : "T’es venu quand tout était déjà installé, tu vois. Nous, on s'est battus pour être acceptés ici. T’as pas connu ça."

Nzinga garda le silence. Il avait envie de répondre, de leur dire qu’il n’était pas là pour jouer à ce jeu de "qui est le plus blanc", mais un murmure d’avertissement de son oncle Kazi résonnait dans son esprit :

Oncle Kazi (parlant dans un ton calme mais ferme) : "N’oublie pas, mon fils, ici, tu es chez autrui. Si tu fais un faux pas, tu te fais exclure. Ne perds pas ton temps à chercher à prouver ta place. Concentre-toi sur tes études et ne laisse personne te détourner de ton objectif."

Nzinga se mordit la lèvre, frustré. Il savait que ses oncles avaient raison, mais cela ne rendait pas les choses plus faciles. Ce sentiment de devoir s’effacer, de ne pas déranger. Il n’était plus celui qui pouvait s’exprimer librement. Dans son pays, sa parole avait du poids, mais ici, chaque mot semblait peser des tonnes. Chaque geste, chaque regard pouvait signifier un faux pas.

Nzinga (pensant) : "Mais pourquoi devrais-je me taire ? Pourquoi devrais-je m’effacer dans l’ombre ?"

Il décida de se réfugier dans ce qu’il savait faire de mieux : l’écriture. Il commença à noter tout ce qu’il voyait, tout ce qu’il vivait. Les humiliations silencieuses. Les regards en coin. Le racisme. Les policiers qui le regardaient d’un air soupçonneux chaque fois qu’il passait près d’eux, comme s’il était une menace. Il écrivait tout cela dans son carnet, sa façon à lui de dénoncer, de libérer son esprit.

Et puis, un jour, alors qu’il écrivait dans un café universitaire, un homme blanc s’approcha de lui. Il semblait plus âgé, mais avait un regard bienveillant. Il s’assit en face de lui sans demander la permission, un léger sourire aux lèvres.

L’homme (prenant un ton amical) : "Tu sais, ce que tu écris, c’est puissant. Il y a une vérité dans tes mots. Tu écris comme quelqu’un qui a vécu des choses, quelqu’un qui a compris la réalité des choses."

Nzinga leva les yeux, surpris. Qui était cet homme ? Un professeur ? Un autre étudiant ? Il avait l’air d’un habitué du lieu.

Nzinga : "Vous lisez ce que j’écris ?"

L’homme : "Je m’appelle John. Je travaille ici, dans le département des arts. Et j’ai l’impression que tu as un talent que peu de gens ont. Tu es encore jeune, mais tu as cette... profondeur dans tes écrits. Si tu continues dans cette voie, tu pourras atteindre de grandes choses."

Nzinga resta silencieux un moment. Il n’était pas habitué à recevoir des compliments sur son écriture. Il avait toujours écrit pour lui-même, pour soulager la douleur, pour comprendre ce qui lui échappait. Mais là, devant cet homme, il sentit qu’une porte pouvait s’ouvrir. Une porte qu’il n’avait pas vue venir.

Nzinga (avec un sourire discret) : "Merci. Mais je ne suis qu’un jeune homme perdu dans un monde nouveau. Vous savez, parfois, j’ai l’impression que je suis en train de tout perdre, tout abandonner."

John (d’un ton rassurant) : "Tu n’es pas seul, tu sais. Tu as une voix, Nzinga. Il te suffit de la trouver. Et crois-moi, ici, cette voix, elle peut être entendue."

Le racisme et la discrimination

Les jours passaient, et Nzinga commença à prendre conscience des véritables enjeux du racisme dans ce pays. Ce n’était pas juste une question de couleur de peau, mais une question de position sociale, d’origine, de perception. Il n’était pas seulement un "Africain", il était un "Africain venant d’un pays en guerre". Il se sentait parfois comme un étranger dans sa propre peau. Les policiers qui lui jetaient des regards suspects, les blagues racistes lancées derrière son dos, les regards fuyants de ses camarades de classe. Il ressentait tout cela. Trop de fois.

Chaque fois qu’il voulait répondre, réagir, son oncle Kazi revenait dans sa tête.

Oncle Kazi : "Reste calme, mon fils. Ici, on se bat avec ses idées, pas avec ses poings."

Mais Nzinga se sentait aussi pris entre deux mondes. La pression d’être respecté, d’être vu pour ce qu’il était vraiment, un homme de talent, mais aussi la peur de se faire rejeter, encore une fois. Il devait trouver un équilibre, une manière de se défendre sans perdre ce qu’il était. Et, de plus en plus, il savait que ses écrits seraient son arme.

À ce moment-là, il comprit que ses rêves n’étaient pas seulement sa propre quête, mais un chemin qu’il devait tracer pour tous ceux qui, comme lui, étaient venus dans ce pays avec l’espoir d’une vie meilleure, mais qui avaient dû lutter contre la réalité du racisme et des préjugés.

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