Chapitre 7 : LE RETOUR DU RÊVE
Les premiers mois après la publication de "Prose Religion“ avaient été un calvaire. Les ventes étaient tombées au plus bas. L’échec du lancement était devenu une vérité difficile à accepter. M. Lemoine, le propriétaire de la maison d’édition Équinoxe, en avait assez. Il commença à envisager la possibilité d’abandonner ce livre qui semblait condamné à l’échec. Il se sentait épuisé par les critiques qui pleuvaient sur lui et son entreprise. Les menaces de poursuites judiciaires pour avoir publié un ouvrage jugé trop subversif étaient de plus en plus pressantes.
Un matin, alors que les chiffres de vente restaient désespérément bas, M. Lemoine fixa le manuscrit de "Prose Religion" sur son bureau. Son visage était marqué par la fatigue. Il prit un long soupir et murmura :
"C’est fini. Je vais arrêter tout ça. Ce livre est trop risqué. Il faut que je le retire du marché avant que ça nous coûte encore plus."
M. Mboa, toujours fidèle à son rôle de mentor, s’assit face à lui. Son regard était sérieux, presque paternel. Il avait vu des choses bien pires que des critiques acerbes et des menaces. Sa peau noire, luisante sous la lumière de l'office, semblait refléter la détermination d’un homme qui n’avait jamais laissé tomber son peuple, même face à l’adversité. Il se leva lentement, passa une main sur sa chemise en lin, un vêtement simple mais impeccable, et répondit, le regard ancré dans celui de M. Lemoine.
"Lemoine, arrête. Tu ne peux pas arrêter ce livre. Tu veux tuer le rêve d’un jeune africain, d’un homme qui a sacrifié tellement pour qu’on l’entende. Oui, le livre a échoué hier, mais aujourd’hui, les chiffres commencent à monter. Les gens le commandent, le lisent, et l’achètent. Les ventes numériques explosent. Nous ne pouvons pas lui donner cette fin. Pas après tout ce qu’il a traversé."
M. Lemoine, qui était assis derrière son bureau en bois sombre, les bras croisés, regarda un instant les chiffres sur son écran. Puis il baissa les yeux. Il savait que M. Mboa avait raison, mais l'angoisse était forte. "Je ne veux pas finir par porter la faute de cette décision. Si ça échoue définitivement, je pourrais perdre toute crédibilité..."
"Mais tu vois, Lemoine, il n'y a pas de retour en arrière. Tu vois ce que ce livre représente, au-delà des ventes. Ce livre va marquer, que tu le veuilles ou non. C’est plus qu’un livre. C’est l’histoire d’un rêve, d’une âme, d’une vérité qu’on cache. Et le monde ne peut plus continuer à l’ignorer."
M. Lemoine fixa longuement M. Mboa, le regard lourd, puis se leva brusquement. Il se rendit à la fenêtre, observant le paysage gris de Montréal sous un ciel d’hiver. Il ferma les yeux un instant avant de se retourner vers M. Mboa et d’ajouter, d’un ton moins assuré mais tout de même déterminé :
"Tu as raison. Ce n’est qu’un flop temporaire. Mais si ce livre doit vivre, c’est toi qui l’as sauvé, Mboa. Je vais lui donner une nouvelle chance."
Le soulagement se lut sur le visage de M. Mboa, mais il savait que le chemin serait encore semé d’embûches. Il avait convaincu, mais l’avenir restait incertain.
Quelques semaines plus tard, un vent de changement souffla. Les chiffres de vente, certes lents au début, commencèrent à montrer des signes d’espoir. Les commandes se multiplièrent, tant pour la version numérique que pour la version papier. Le nom de Nzinga devint de plus en plus connu, grâce à l’immense réseau que M. Mboa avait activé pour lui. Les lecteurs africains de la diaspora, les jeunes rebelles, les militants, tous commençaient à se reconnaître dans "Prose Religion".
Le grand tournant arriva lors d’une séance de dédicace organisée dans les locaux d’Équinoxe.
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