Chapitre 10 : DÉTERMINATION
Les mois passaient, et Nzinga et Léna s’étaient rapprochés de plus en plus. Leurs cœurs battaient à l’unisson, leurs rêves s’entrelachaient dans un monde fait de poésie, de luttes et d’espoir. Mais à mesure que leur relation devenait plus sérieuse, une réalité cruelle commença à émerger, une réalité qu’Nzinga n’avait pas anticipée, et que Léna commençait à peine à comprendre : l’opposition de ceux qui n’étaient pas prêts à accepter une histoire d’amour qui traversait les frontières, pas seulement géographiques, mais aussi raciales et sociales.
Le premier choc arriva lorsque Nzinga se décida à demander la main de Léna. C’était un moment qu’il avait imaginé de nombreuses fois, un moment où il unirait sa vie à celle de la femme qu’il aimait. Mais quand la question fut posée à la famille de Léna, une onde de choc se propagea.
Léna était la petite-fille de M. Lemoine, un homme respecté, une figure de la bourgeoisie canadienne. Et Nzinga, bien qu’il fût désormais reconnu comme un auteur à succès, restait cet "africain", cet homme né dans les ruelles de Kinshasa, élevé dans une famille modeste, loin de l'opulence des salons parisiens. Il n’était rien aux yeux de certains, juste un "nègre" qui avait eu l'audace de franchir les barrières imposées par son statut de simple Congolais. Et l’ampleur de son succès ne changeait rien à la perception de ceux qui le voyaient toujours comme un « étranger ».
"Mais qui est-il vraiment ?", murmurait l’un des invités lors d’un dîner de famille chez les Lemoine. "Un jeune homme d’un autre monde, un simple congolais qui a eu la chance d’écrire quelques livres. Mais cela suffit-il pour qu’il épousa notre Léna ?"
Les paroles fusaient, aiguisées, pleines de préjugés.
Léna, quant à elle, ne comprenait pas cette opposition. Elle n’était plus la petite fille gâtée qu’on avait tenté de lui faire croire. Elle était une femme amoureuse, prête à se battre pour celui qu’elle avait choisi. Mais quand elle annonça son intention de vivre en Afrique avec Nzinga, tout sembla basculer. Cette déclaration fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase.
"Tu vas où ?" s’étonna Lemoine, le grand-père de Léna, en la fixant, l’air choqué. "En Afrique ? Mais c'est un continent où la guerre ne cesse jamais, où la pauvreté est omniprésente, où... où tu seras peut-être vue comme une étrangère, même là-bas !"
Les regards se posaient sur Nzinga, comme s’il était un intrus, un étranger qui n’avait pas sa place parmi eux. Les mots, bien que subtils, étaient teintés de racisme. Le jeune homme, pourtant habitué à se battre pour ses rêves, sentit une rage sourde grandir en lui. Léna était son âme sœur. Elle n’était pas une simple petite-fille de Lemoine. Elle était une femme déterminée à se battre pour leur amour, à briser les chaînes d’une société figée dans ses préjugés.
Léna, pourtant, restait ferme. "Je n'ai pas demandé à naître dans cette famille, mais je choisis d’être avec l'homme que j'aime. Peu importe où il vient ou ce que les gens disent. Je vais avec lui, je vais à Kinshasa."
Nzinga serra sa main. Ses yeux étaient pleins de détermination, mais il savait aussi que cela allait les coûter. Léna n’allait pas simplement affronter les stéréotypes et les jugements des autres. Elle allait devoir se battre contre tout un système, contre des idéaux préétablis, contre un monde qui ne comprenait pas leur amour.
Les mois passèrent, et la résistance grandissait de toutes parts. Mais Nzinga et Léna restaient unis. Les deux jeunes gens continuaient d’écrire, d’écrire ensemble. Leur amour devenait leur arme contre le monde, une arme plus puissante que la haine et le mépris. Léna, si maladroite et parfois naïve, faisait souvent tomber des objets autour d’eux. Mais Nzinga ne pouvait s’empêcher de sourire. Cette maladresse faisait partie d’elle. Elle faisait partie de leur histoire.
"Tu ne changeras jamais, toi," disait-il souvent, avec un léger sourire. "Toujours aussi maladroite qu’au premier jour."
Et chaque fois qu’elle entrait dans une pièce, vêtue d’une robe simple, mais élégante, ou d’une tenue décontractée qui laissait transparaître sa douceur, Nzinga la regardait avec admiration. Elle était sa compagne, son alliée, et il se réjouissait de l’avoir à ses côtés, malgré les obstacles.
Un jour, Léna se fit un joli chignon avec une couronne de petites perles argentées. Elle portait une robe de soirée en soie blanche, qui épousait sa silhouette gracile. En se voyant dans le miroir, elle s’étonna de la jeune femme qu’elle était devenue. Elle n’était plus seulement la petite fille de Lemoine, elle était désormais Léna Nzinga. Elle se sentait plus proche de son mari, plus proche de l’Afrique qu’elle allait découvrir.
Elle avait décidé de prendre le nom de son époux, d’épouser son histoire, ses racines. Elle était devenue Léna Nzinga, et cela semblait être le plus beau titre qu’elle aurait pu porter.
Au bout de cinq ans, Nzinga et Léna avaient traversé des épreuves et des batailles, mais leur amour, leur détermination, avaient survécu. Le livre qui avait changé leur vie et celle de tant d'autres, Prose Religion, était désormais un classique dans le monde littéraire. Mais pour
Nzinga, il ne s'agissait pas seulement de succès ou de gloire. Ce qui comptait, c'était la personne qu'il était devenu, et celle qu'il aimait. Ce n’était pas juste le livre ou la reconnaissance ; c’était sa famille et son amour pour Léna qui étaient son véritable triomphe.
Dans l’attente de partir pour Kinshasa, pour voir sa mère, Nzinga savait qu'il avait atteint un point de non-retour. Il était un homme comblé, mais le plus grand défi restait devant lui : Kinshasa, sa ville, son pays, et la manière dont le monde allait les voir, lui et sa femme, unis malgré tout.
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