2 - Lendemain d’abandon

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Les semaines suivantes, responsable d'un projet important, je n'avais plus le temps de sortir. Je rentrais chez moi épuisée et je n'avais que la force pour me jeter sur mon lit et dormir. Néanmoins, parfois, en pleine nuit je me réveillais et n'arrivais plus à fermer l'oeil. Je comblais alors ces insomnies par des visites sur mes sites internet favoris et, souvent, j'y faisais des rencontres.

Cependant, au matin, j'avais comme une sorte de gueule de bois. J'aurais dû m’en foutre totalement. Ignorer ce dégoût de moi-même. Mais, je ne pouvais pas. Il y avait toujours ce vieux fond d’éducation qui se rappellait toujours à mon bon souvenir les lendemains d’abandon.

Mais, qu’avais-je encore fait ? Si ce n’était m’oublier une fois de plus dans les recoins sombres du net. Pas si sombres que ça en fait. Pas si sordides non plus. Juste traîner dans le grand lupanar qu’était Tumblr et partir sous un portail numérique avec un inconnu, dont je ne connaissais ni le visage, ni le nom. Si, j’avais su son prénom, après : Axel. Un aimable garçon de bonne famille.

Je préfèrais qu’il ne me dise, ni ne me montre rien. Mon imagination prenait alors le pouvoir. Il était tous les hommes dont je rêvais, toutes les femmes que je désirais. Peu importait qui il était, tant que j’avais l’ivresse procurée par ses mots. J’aimais ses désirs, ses fantasmes, ses « like » sur mes images exhibées. Mais, était-ce vraiment bien moi sur les photos ? Ou plutôt l’une de ces filles de joie impudiques qui racolaient sur Twitter ? Cela n'avait pas d'importance. C’était l’intention qui comptait. L’intention de troubler, d’attraper son esprit et son corps, de l'avoir à ma merci, là, entre les touches de mon clavier.

Dans l’intervalle des lenteurs de la messagerie ou des autres activités de mon amant virtuel, j’accomplissais alors le voyage de mon côté. La chaleur ayant gagné mon intimité, je m’oubliais entre mes doigts agiles. Puis, libérée du plaisir à assouvir, je reprenais la maîtrise du jeu, lui jetant des mots sales et des nus savamment assénés. Ils continueraient le travail seuls dans l’instant ou bien après. Quand il reverrait plus tard ces photos coquines ou qu’il relirait ma prose érotique. Comme il me l'avait confirmé : " Lorsque l’on sait qu’il y a une vraie personne derrière le pseudo, les mots ou les images sont cent fois plus puissantes que celles qui défilent sans fin sur nos dashboards".

Alors, oui je savais qu’il aura eu du plaisir et que je n’y était pas pour rien. Après, j'imaginais qu'il se sentirait vaguement coupable d’avoir profité d’une « pauvre fille ». Espérant, mais sans trop y croire, qu’elle en avait eu pour son compte elle aussi. Oui, cher Axel, je n’avais pas besoin de te voir pour jouir. Aussi incroyable que cela pouvait être, les mots étaient pour moi bien plus forts que les images. Et l’imagination bien plus forte que la réalité. J’avais profité autant de toi que tu l’avais fait de moi. Et au matin, j’avais pas mal de remords, mais pourtant aucun regret. Juste, peut-être, un peu de nausée en me regardant dans la glace. Jusqu’à la prochaine fois.

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