Jeudi - L’éternel retour

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 Sous les lustres scintillants qui jetaient des éclats de lumière sur le parquet ciré, une salle de bal luxueuse s'étendait, vibrante de vie. Les dorures des moulures reflétaient la lumière et ce décors de fée. Les murmures des spectateurs se mêlaient au son métallique des claquettes frappant le sol en bois, créant une symphonie rythmique en parfaite harmonie avec la musique enjouée.

 Au centre de cette scène éclatante, un homme et une femme dansaient frénétiquement, leurs mouvements fluides et précis captant l'attention. Leurs pieds claquaient sur le parquet, leurs corps se mouvaient avec une énergie inconditionnée. Chaque pas, chaque tour semblait défier les lois de la gravité, tant ils semblaient légers et agiles.

 Ils tourbillonnaient avec une grâce enivrante, leurs regards fixés l'un sur l'autre, communiquant sans un mot ; les âmes avaient fusionnée. La synchronisation parfaite de leurs mouvements créait l'illusion d'une seule entité en mouvement, un ballet ininterrompu d'une rare beauté. Les spectateurs, fascinés, retenaient leur souffle à chaque figure exécutée, attendant avec impatience le prochain pas audacieux.

 La tension montait crescendo, les mouvements des danseurs devenant de plus en plus rapides et complexes. Leurs silhouettes se fondaient et se séparaient, dessinant des arabesques effrénées dans l'air. Les perles de sueur brillaient sur leurs fronts. La musique semblait elle-même se laisser emporter par cette frénésie, accélérant encore le rythme, les poussant à leurs limites.

 Puis, soudainement, la musique s'arrêta. Les danseurs se figèrent dans une pose dramatique. Le silence lourd qui suivit, pesait sur la salle de bal comme un voile invisible. Les spectateurs, surpris, restaient immobiles, la respiration coupée. Au loin, le son des cloches résonna, brisant ce silence oppressant et ramenant doucement tout le monde à la réalité.

 Les danseurs, toujours figés, échangeaient un dernier regard intense, avant de relâcher leurs muscles tendus. La magie du moment venait de se dissiper, laissant derrière elle une empreinte indélébile dans l'esprit de ceux qui avaient eu la chance d'assister à cette performance extraordinaire.

 Les cloches de l'église résonnaient encore, joyeusement, annonçant le mariage des danseurs. Sous les arches gothiques, la lumière tamisée des vitraux baignait les invités d'une lueur multicolore et enjouée. Les murmures excités remplissaient l'air alors que la mariée, resplendissante dans une robe ivoire, avançait lentement vers l'autel, par son père accompagnée. Le marié, le dos droit et les yeux brillants d'émotion, l'attendait avec l’allégresse d’un amoureux enjoué.

 Les vœux échangés furent des plus solennels, chaque mot chargé d’espoir, de promesses. Les mains tremblantes se rejoignirent, les anneaux glissant avec délicatesse sur les doigts frémissants. Une fois unis, ils se retournèrent vers l'assemblée, leurs sourires radieux illuminant l'église entière. L'ambiance était festive, les rires et les applaudissements résonnaient sous les voûtes.

 Les jours qui suivirent la cérémonie furent une succession de moments partagés. Le petit-déjeuner, avec le parfum du café frais et le bruit doux des croissants feuilletés, ouvrait chaque journée. Au déjeuner, les discussions étaient souvent interrompues par des silences gênés. Les regards fuyaient, se perdant dans les assiettes. Le dîner, pris dans l’ombre de la salle à manger, se déroulait souvent en silence, chaque bouchée marquant le passage du temps. La routine s'installait, chaque geste devenant mécanique, chaque parole une simple formalité. La nuit tombait, les deux corps se couchant côte à côte sans un mot, les pensées perdues dans les méandres de l'habitude. C’est à peine s’ils se connaissaient.

 Les jours se succédaient, monotones, inexorables. Les rires des débuts s’étaient tus, remplacés par des soupirs et des regards las. L’ennui s’insinuait, prenant racine dans le cœur des deux amants.

 Un matin, alors que la pluie battait contre les fenêtres, une dispute éclata. Les voix montèrent en crescendo. Cette nouvelle musique rythmait leur pas, chaque note aiguisée comme une lame. Les frustrations accumulées jaillirent, les reproches fusant de toutes parts. Des cris résonnèrent, accompagnés du fracas des objets brisés. Le rythme des objets métalliques sur le parquet, ces couverts éparpillés et cette colère déformaient leurs visages, les larmes roulant sur les joues sans retenue. La tension, longtemps contenue, explosait avec une violence inattendue, balayant tout sur son passage.

 Le couple, autrefois si harmonieux, se trouvait désormais déchiré, les débris de leur amour éparpillés autour d’eux. Le silence qui suivit fut lourd, oppressant, chaque souffle devenant une épreuve. La tempête était passée, laissant derrière elle un paysage de désolation et de tristesse.

 Les papiers du divorce étaient éparpillés sur la table. Les signatures, d'abord hésitantes, puis plus fermes, témoignaient de la fin du ballet. Les regards échangés, vides de la chaleur d'autrefois, étaient désormais résignés. Ils se quittèrent sans un mot, emportant avec eux des valises de souvenirs et de regrets.

 La danseuse, ses pieds habitués aux rythmes effrénés, retrouva rapidement le parquet ciré. Un nouveau partenaire la rejoignit, leurs mains se touchant pour la première fois avec une hésitation teintée d'excitation. Le bal recommençait, leurs corps s'enlaçant et se séparant au gré des mélodies enivrantes. Les premiers moments étaient passionnés, chaque mouvement une déclaration silencieuse, un amour inavoué.

 Les jours passèrent, les figures de danse devenant prévisibles. Les rires se firent rares, les sourires plus discrets. Les repas partagés, autrefois riches de conversations, se réduisaient à des échanges polis, camouflant les pensées inavouées. La routine s'installait, l'ennui s'immisçant entre eux comme une ombre indésirable. Les disputes, d'abord sporadiques, devinrent plus fréquentes, les cris résonnant dans la maison comme un écho funeste et regrettable.

 La séparation était inévitable. Les papiers furent signés, les adieux muets. Le cycle se répétait, inlassablement, chaque nouvel amour étant une répétition du précédent. La danseuse changeait de partenaire, mais les étapes restaient les mêmes : la passion, la routine, la désillusion.

 Ce cycle ininterrompu illustrait la futilité des relations humaines. Chaque union, chaque promesse, finissait par se dissoudre dans l'oubli. La vie, dans toute sa complexité, se résumait à ces répétitions. La vie, dans toute sa complexité, n'était qu'un cycle cruel de faux espoirs et de désillusions répétées, chaque amour n'étant qu'une préface à une douleur encore plus profonde. Seule la fin, définitive et inévitable, offrait une certitude.

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