Le Jeu du Draugr

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Le garçon mystérieux explosa de rire, à l’entendre, Amara crut qu’il se moquait d’elles. Mais il s’approcha d’Alcestis qui restait réfugiée dans son silence. Dans sa jeune poitrine elle entendait les tambours battre a tout vas et sa timidité prit le pas sur son audace. Et cette timidité ne s’arrangea pas lorsqu’il déchira sa tunique en tissus pour lui faire un bandage de fortune. Il avait leur âge, et pourtant, il semblait si… Adulte, il venait d’affronter un monstre, mais il souriait, et maintenant, il pansait ses plaies, il l’intriguait. Était-ce la vie sur ces terres plus rude que les siennes qui avaient eu cet effet ? Était-il simplement comme ça par nature ? Elle avait beau chercher, aucune réponse ne lui vint.

-Ça vous dit de jouer ? Dans le coin, on joue à un jeu où l’un de nous compte pendant que les autres se cachent, c’est super drôle, on l’appelle le jeu du Draugr ! Dit-il tout sourire.

« Comment pouvait-il penser à s’amuser après un tel événement ? » Pensa Alcestis chamboulée par les événements et sa propre réaction, ce qu’elle pensée être la conséquence de la peur causée par le monstre ne s’arrêta pas. Au contraire, le phénomène s’accentua quand il lui sourit et pris la main.

-Allons-y, vous allez voir, c’est marrant ! 

Et elles le suivirent sans discuter, sachant parfaitement, qu’aux cotes de ce garçon, ce lieu était sans danger. Il les conduisit jusqu’à la ferme familiale, elles firent la rencontre de la sœur du garçon et de ses parents. La sœur de leur sauveur, accompagnée par sa mère, offrit aux petites des habits de rechanges. Le climat était bien différent de chez elles et ici, le froid était plus rude, il était hors de question que des petites filles se baladent dans de telles tenues sous des températures pareilles. Alcestis et Amara refusèrent leur gentillesse, mais les gens de cette contrée savaient comment s’y prendre avec de petites filles, et finalement, elles enfilèrent les habits offerts. Ces tenues étaient simples, presque simplistes aux yeux des filles de l’Olympe. Elles qui étaient habituées au grandiose d’Athene, faisaient ici l’expérience de la rusticité du Nord. Leurs robes étaient faites de lin, elles descendaient jusqu’à atteindre leurs nouvelles brogues et étaient d’un rouge terne, les Norrois ne semblaient pas avoir découvert les techniques des Atheniens pour les teintures et autres choses de la mode. Ici, le pratique semblait gouverné le beau, et pourtant, les bijoux ne manquaient pas. La mère, le père, et même les enfants possédaient un ou plusieurs bijoux, tous d’étonnement bonne facture pour un peuple qui leur semblait si rustaud. La mère et la fille portaient toutes deux une sorte de bracelet, l’une autour du poignet, l’autre autour du biceps, l’un représentant un corbeau, l’autre, un serpent, s’ils étaient tous deux assez grossiers, aux yeux de la fillette, ils étaient d’une grande beauté. Elle qui n’avait connu que le raffinement de l’Olympe, s’émerveillait de la force que lui inspirait ces gens, ils ne semblaient pourtant pas être des guerriers, et pourtant, ils lui semblaient plus puissants que le héros Achille. Les deux dames portaient également, certainement dans le but de tenir leurs tabliers, une sublime fibule qui partait d’une épaule à l’autre. Les hommes, eux exhibaient principalement des chevalières et des bracelets assez proches de ceux des dames. En revanche, bien que ceux des enfants représentent deux animaux différents, ceux des parents étaient assortis. À la différence de sa sœur, le garçon arborait un bracelet représentant un loup, la gueule ouverte, prêt à mordre. Le père, lui portait le même corbeau que sa femme, mais évidemment, dû à la différence de bras, celui-ci était sans surprise bien plus large et impressionnant. Une fois vêtues, au milieu de ce peuple, Alcestis oubliait un peu, Athène, était-ce ici qu’elle aurait dû naître ? À son jeune âge, elle se voyait déjà, dans quelques années, embrassée cette culture. Elle imaginait sans difficulté sa vie au cœur d’une ferme, une vie rustique, loin de tous les conforts de l’Olympe. Sa rêverie fut rapidement interrompue par son hôte qui vint lui saisir pour la tirer avec elle en dehors de la chaumière et la présentée aux hommes de la maison. Le père comme le fils semblaient des plus satisfaits, la transformation était surprenante.

-Et bien, on s'y tromperait, de vraies petites Midgardiennes. Il doit faire moins froid non ? Dit le père en riant de bon cœur.

Les fillettes acquiescèrent, elles ne savaient pas tout à fait comment réagir. Amara s'inquiétait, cela faisait déjà plus d'une heure qu'elles avaient atterrit ici et elles se demandait si elles allaient pouvoir rentrer chez elles. Malgré la bienveillance de cette famille, ce monde lui paraissait hostile à bien des égards. Elle qui n'avait connu que le confort de la ville se retrouvait perdue au milieu de ce pays sauvage. Elle ne savait pas ou donnait de la tête, qu'importe ou son regard se posait, elle ne voyait que du bois, des bêtes, une rivière, et un bateau.

Ses pensées furent rapidement interrompues par leur nouvel ami qui vint interrompre son propre père, ce qui lui valut une légère tape derrière la tête. Mais le garçon avait la tête dure et reprit avec entrain.

- Aller ! On va jouer ! J'en ai marre d'attendre comme ça !

Père comme mère semblait s'amuser de l'énergie de leur fils et décidèrent de passer l'éponge pour cette fois. Ce n'était pas tous les jours que lui et sa sœur pouvaient jouer avec des personnes qui ne sont pas de la famille, ils laissèrent couler et rentrèrent, laissant les enfants s'amusé entre eux.

Durant deux heures, les enfants se pourchassaient, jouant à un jeu qu'ils appelaient le " Draugr " et qui consistait à se cacher pendant qu'un autre participant comptait. Le jeu était simple, mais O combien amusant pour ceux-ci. Le frère se désigna pour être le premier à compter, puis ce fut le tour de la sœur, et ainsi de suite. Les pauvres bêtes de la ferme subirent bien malgré elles l'énergie des enfants en pleine croissance. Moutons, vaches et autres animaux servirent de cachettes à ces jeunes gens survoltés. Pour les uns, comme pour les autres, ce jour, était celui ou ils se faisaient enfin de nouveaux amis. Alcestis adorait Amara, mais elle la connaissait depuis toujours et aurait aimé connaître d'autres enfants de son âge, ce jour lui restera précieux de longues années.

Alors que celle qu'il était à nouveau au tour de sa sœur de compter, Askr fut suivit dans sa cachette par Alcestis. Elle ne savait pas bien quoi dire et hésita de longs instants avant d'ouvrir la bouche.

- Hey, hum... Je suis désolée, mais j'aimerais bien connaître ton nom, on est là depuis quelques heures et, je connais le nom de ta sœur mais pas le tiens... Ça ne te dérange pas de me le dire ?

Cette question le désarçonna avant de le faire s'esclaffer, il est vrai qu'aussi étrange que cela puisse paraître, il n'avait pas encore donné son nom. Son rire les fit entendre puis disqualifier, mais avant, il lui répondit en souriant, " Askr " était son nom.

Derrière eux, la voix d'Astrid se fit entendre, elle riait et semblait fière de sa victoire.

-Trouvez ! Cria Astrid en riant. T’es trop nul à ce jeu ! Pourquoi t’as ri ?

-J’y suis pour rien, elle m’a posé une question qui m’a fait rire ! Répondit Askr.

Mais alors qu’il discutait avec sa sœur, il entendit son nom au loin. La voix de sa nouvelle amie qui l’appelait, elle semblait en détresse et cherchait son aide. Et pourtant, quand il se retourna, il ne vit rien. Elles avaient complètement disparu, comme effacées de la réalité.

En Folkvangr, Aphrodite remarqua l’absence des fillettes, mais le temps s’écoulait de manière différente sur les terres des dieux. À peine s’était-elle rendu compte de leur disparition qu’elle se lança à la recherche de ses filles. Et c’est en Midgard qu’elle les trouva. A son tour, elle emprunta le Bifrost et se rendit discrètement sur les terres de Gorm. Elle profita d’un instant d’inattention d’Askr pour emmener Alcestis et Amara sans se faire remarquer.

Elle savait que le choix ne lui était pas donné, mais Alcestis se débattait pour rester sur ces terres nouvelles, ici, elle se sentait bien. Et bien que ce ne soit pas son monde, elle aurait voulu qu’il le soit, elle voulait embrasser ces traditions, devenir une dame du Midgard, elle voulait s’y assimiler.

Ce n’est qu’arrivé en Folkvangr que les deux amies comprirent que le voyage était bel et bien terminé, qu’il n’y avait pas de chemin retour. 

Amara qui avait eu bien du mal à s’adapter à ce milieu sauvage ne fut pas moins attristée par ce départ soudain, elle n’avait pas eu le temps de saluer ses amis. C’est dans le silence qu’elle se mura, il n’y avait rien à faire, alors pourquoi pleurer ? Alcestis, elle, n’était pas de cet avis et laissa libre cours à ses émotions. Elle pleurait, criait, et serrait sa nouvelle robe contre elle dans l’espoir qu’elle la ramène en Midgard. Pour la première fois, elle s’était sentie à l’aise parmi les mortels, et ce sentiment lui avait été arraché.

Cette blessure mit bien du temps à se refermé, et même quand, à force de lécher ses plaies, elle les avait pansées, elle n’oublia jamais le visage du garçon du Nord.

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