Hubris
« Affronte-moi »
Ces mots furent les seuls qu’elle prononça. Cela suffisait, le message était passé. Observant longuement la demoiselle, Askr finit par opiner, acceptant le défi, à une seule condition.
« Bien. Je t’affronterais. Mais, je refuse de frapper une dame, donc, je ne ferais que contrer, paré ou esquivé, il est hors de question que je lève ma hache sur femme. »
Ces mots vexèrent la fille d’Athena mais comprenant qu’elle n’avait guère d’autres options, elle accepta et se mit en garde. Opinant, Askr laissa tomber sa hache et se prépara à subir les assauts.
Sans surprise, Alcestis lança l’assaut. Elle savait qu’il ne frapperait pas et jeta donc toute sa force dans ses attaques. Équipée de ses armes les plus puissantes, les Cestes d’Heracles, elle ne cessait de harceler le Norrois à grands coups de poings. Une tempête de phalanges s'écrasa sur les défenses d’Askr. De son côté, le Nordique concentrait toutes ses forces et celles de son Attribut dans ce bouclier, érigeant un mur impénétrable entre la fille et lui. Un assaut ininterrompu se faisait ressentir et malgré sa défense légendaire, Askr ressentait chaque coup assené par son opposante. Elle était aussi forte qu'hargneuse, plus qu’elle ne l’était la première fois qu’il l’avait vus se battre. Cette fois-ci, elle donnait tout ce qu’elle avait. Alcestis libéra sa frustration, sa rage, sa tristesse sur ce mur de pierre jusqu’à enfin voir le bouclier qui se cachait sous celui-ci. Lorsque son poing vint frapper la défense d’Askr, elle le sentit traversé, comme si le rempart était fait d’eau. Le bouclier avait absorbé l’impact et se préparait à le renvoyer avec la force d’un torrent. Comprenant rapidement qu’il préparait quelque chose, elle bondit en arrière avec la vélocité d’un félin, mais ce n’était pas fini. Il avait juré de ne pas frapper, mais ce qui arrivait n’était pas une frappe, c’était bien pire que cela. Il lâcha un instant son bouclier et une bourrasque de vent féroce se leva et repoussa la future déesse au loin. Elle traversa rapidement la distance entre le lieu du combat et l’Agora et finit sa chute au centre des tables et des repas des autres demi-dieux. Le choc fut brutal et elle due prendre quelques secondes pour se remettre sur pied. Le souffle coupé, il lui fallut quelques secondes pour se reprendre et chargeait à nouveau. Sur son chemin se levaient de gigantesques monolithes. Armée de la Lance d’Athena, elle les perça un à un jusqu’à apercevoir sa cible, les pieds fermement ancrés dans le sol à la manière du Colosse de Rhodes. Askr avait préparé son coup et face à elle se leva un autre problème. Un mur de flamme se dressait entre eux. Il était trop grand pour être contourné et si la vitesse d'Alcestis était inégalée, elle n'avait pas la capacité de voler. Elle sera donc les dents et chargea à travers le mur. Les Cestes au poing, elle vint s'écraser sur le bouclier qu’Askr avait levé entre eux, mais rien à faire. La force de l’Olympienne était titanesque et l’épaule d'Askr en fit les frais. Au moment où Alcestis frappa son bouclier, il en ressentit la force à travers le mur, la douleur était cuisante. C’était son tour d’être envoyé au loin, il avait peut-être surestimé ses forces. Alcestis le prit en chasse, mais malgré la douleur, il n’avait pas dit son dernier mot. À nouveau, les vents se levèrent et vinrent amortir sa chute, et à nouveau, il planta les talons dans le sol. Il remit son épaule en place rapidement et se prépara au prochain assaut. Et il ne se fit pas attendre. La combattante d’Athenes, reprit les attaques tel un bélier frappant aux portes d’une forteresse. Alcestis frappait sur le bouclier d’Askr qui tenait tant bien que mal, mais il savait qu’il résisterait plus longtemps qu’elle ne pourrait frapper. La bataille faisait rage, et avant même qu’ils ne s’en rendent compte, nombre de leurs compères avaient rejoint le site pour les observés combattre. Et quel combat se dérouler devant leurs yeux. Une force irrésistible s’opposait à une défense impénétrable. Le duel duré depuis déjà bien trop longtemps. Les deux guerriers étaient à bout de souffle, épuisé, Alcestis peinait à lever les bras et Askr était incapable de se défendre d’une éventuelle attaque. Finalement, l’un après l’autre, ils finirent, à genoux, avant de s’écraser la tête contre le sol.
Ce fut le fils de Cernunos qui fut désigné pour s’occuper des deux bagarreurs. Il prit soin d’eux durant leur long repos et pansa les possibles blessures engendrées par ce duel homérique. Chaque jour, il était à leurs chevets attendant patiemment qu’ils se réveillent, deux longues journées pendant lesquelles il échappa aux entraînement grâce à eux. Il remercia son père un nombre incalculable de fois pour les grains et le gui qu’il lui avait offert.
À leurs réveils, les troubles fêtes se retrouvèrent en face d’Amara, Briccos et Louis qui avaient planté leurs regards sur eux. Leurs camarades ne semblaient pas du tout contents de l’état dans lequel ils avaient retrouvé les deux inconscients. Amara fut la première à commencer à les sermonner… Et la première à finir en larme également. La pauvrette était à la fois, mortfiée, et courrouçait par ce qu'elle avait vue. Jamais de sa vie, elle n'avait ressenti telle peur. La Fille d’Aphrodite n’étant plus capable d’articuler correctement, le tour de Briccos arriva rapidement. Contre toute attente, alors qu’Askr s’attendait à le voir sourire et leurs faire des “ remontrances “ en riant. Il n’en était rien, il resta quelques instants à les regarder, ces personnes qu’il ne connaissait que depuis quelques jours avaient frôlé la mort sous ses yeux. Si eux n’avaient vu ce combat que comme un entraînement, le duel avait été d’une rare violence et chacun d’entre eux avaient frôler la mort. Et lui, qui pourtant s’était Éveillé à un si jeune âge, avait été impuissant, cette situation l’avait profondément atteint et avant de longues minutes, il ne sut quoi dire, il se contenta de les observer, figé, avant d’exploser. Il leur envoya tout ce qu’il avait accumulé pendant les deux derniers jours à s’occuper d’eux, ils ne les connaissaient que très peu, trop peux, mais le Faune était doté d’une empathie exacerbée et leurs souffrances était la sienne. Ces gens qui lui ressemblaient plus que son père, sa mère ou ses amis à quatre pattes s’étaient battu jusqu’à l’épuisement et il n’avait eu d’autre choix que de regarder. Ce simple fait l’avait blessé plus profondément que toutes les épées ou les haches du monde, il faisait partie de ces gens qui s’attachent vite, bien trop vite, le genre de personne qui déborde d’amour et en donne à tous ceux qui en ont besoin. Déjà petit quand sa mère l’emmenait chasser, il préférait récupérer les glands qui tombaient et les replantés plutôt que de prendre la vie des bêtes autour de lui. Il aimait la viande, mais l’idée de blessé, de causé de la souffrance chez un autre être lui était insupportable. Il cherchait en permanence un moyen de prendre la vie en ne causant aucune blessure, aucune souffrance, tant et si bien, qu’à ses 8 ans, il mit au point un venin capable de tué sans douleur. Confectionné à partir d’une espèce de serpent nommé le Bongare et mêlé aux effets de celui de l'Hydrophis Belcheri, le jeune garçon mit au point cette arme capable de tué en un temps record sans causer la moindre affliction. Et cette nouvelle arme devint rapidement son choix par défaut. Il se mit à chasser grâce à une sarbacane et une aiguille fine imbibée de ce venin mortel. Alors cette fois, c’était trop, le demi-dieu qui avait horreur de voir les autres souffrir se mit à hurler. Cela dura de longues minutes, Askr et Alcestis se regardèrent l’un l’autre pendant l’espace d’une seconde avant de se lever, d’enlacer le pauvre Faune et de s’excuser pour les actions.
Alcestis remercia Briccos et Amara pour avoir pris soin d’elle. Puis, dans un second temps, en détournant le regard, remercia également Askr qui lui semblait rire avec Louis. Le Français semblait moins choqué, son peuple était guerrier et il en était le produit, cet affrontement bien que violent ne l’avait pas surpris.
“Pardonnez mon acte, je ne voulais blesser aucun de vous…Mis à part Askr durant le combat évidemment, j’admets que j’avais pas mal envie de le blesser… J’étais en colère, les raisons me regardent, mais je n’aurais pas dû agir ainsi, j’ai été idiote, pardonnez mon comportement, ce n’est pas digne de la fille d’Athéna…”.
Au même moment, derrière eux, la Dux se dessina, son regard dur se posa sur les cinq acolytes et elle se mit à articuler :
“ Bien, les deux débiles sont réveillés, vous trois, au terrain d’entraînement, j’arrive dans cinq minutes, je dois parler avec ces deux-là. “ .
Les trois amis quittèrent la tente sans demander leur reste, ce qui devait être dit, avait été dit, et c’est tout ce qui comptait à cet instant.
“Ce que vous avez fait l’autre jour est non seulement irresponsable, mais également indigne d’enfants de dieux. Néanmoins, je suis la Déesse de la Guerre, je ne peux décemment pas vous punir trop sévèrement pour un combat aussi spectaculaire, vous serez donc assigné jusqu’à ce que j’en décide autrement à la cuisine. Vous assisterez Andhrimnir dans sa tâche et ferez ce qu’il dira de faire en plus de suivre les entraînements comme les autres. Ceci, étant dit, reposez-vous, vous travaillerez à partir du dîner de ce soir et vous reprendrez l’entraînement à partir de demain.”
Finissant sa phrase, la Dux quitta la tente avec un sourire qu’elle avait tenté de son mieux de cacher... Avec peu de réussite.
Askr et Alcestis se regardèrent quelques instants dans les yeux puis éclatèrent de rire. L’air sérieux de la Dux mêlée à sa satisfaction, manifeste de voir un combat aussi “ spectaculaire “ détonné énormément et causait une irrépressible envie de rire chez les demi-dieux qui rappelons-le, n’étais encore âgé que de seize années.
"Tu crois que pendant qu’elle entraîne les autres, elle arrive à enlever ce sourire content de son visage ? Je paierais tout l’or d’Yggdrasil pour voir ça ! ” Dit Askr en essuyant les larmes qui dévalaient le long de ses joues.
“ Je l’imagine bien avec un grand sourire sur les lèvres en train de crier des ordres aux autres ! “ BOUGEZ VOUS BANDE DE LARVE SI VOUS NE VOULEZ PAS VOUS FAIRE FOUETTEZ “ Tout ça en étant deux doigts d’exploser, on demandera aux autres de nous dire à quoi ça ressemblait ! “ Répondit la fille d’Athéna, un léger silence suivit puis avec un regard doux, elle lui lança un : “ Merci pour l’autre jour, tapé sur des mannequins, ça ne m’aurait pas défoulée du tout, en revanche, c’est indigne de la fille d’At … “
En entendant la fin de la phrase, Askr la coupa. Il utilisa sa maîtrise de la terre pour faire glisser le lit vers lui et plongea son regard dans celui d’Alcestis, dans celui-ci, on pouvait lire une forme d’agacement.
“ Arrête de t’appeler toi-même comme ça, je ne te connais pas depuis longtemps, mais je sais que ça ne te plaît pas, ça se lit dans tes yeux, et moi, ça m’énerve de voir les gens se faire du mal. “
Dans les yeux de la jeune fille, on pouvait lire le choque et un brin de colère, pourtant, ses joues, elles, étaient embrasées, de la même couleur que la tente de la Dux, elle se leva, replaça son lit et rétorqua avec véhémence :
“ Je suis la fille d’Athéna, c’est tout, c’est comme ça ! Pas que ça m’enchante, mais c’est comme ça ! Pas tout le monde ne naît d’une Déesse d’un Panthéon aussi petit que celui du Nord ! Tu ne sais pas ce que c’est d’être obligée de toujours être digne de la légende de ta mère ! Alors ça ne me fait pas plaisir, mais je me dois d’être digne d’elle ! Et puis qui tu es pour me dire quoi faire ? Tu me prends pour une fille à qui tu peux dire ce qu’elle doit dire où ne pas dire ? On ne se connaît même pas depuis une semaine, nous ne sommes pas amis, tu n’es pas mon époux, tu n’as rien à me dire, arrête de me parler.”
Sur ces mots, elle se tourna et plongea sa tête dans son oreiller, faisant mine de se reposer. La pauvrette était aux prises avec un ouragan d’émotion contradictoire, elle était furieuse contre cet effronté qui osait lui dire quoi faire, mais malgré sa colère, malgré le fait qu’elle ne supporte pas qu’on lui dise ce qu’elle doit dire, elle était heureuse. Heureuse que quelqu’un s’intéresse à elle, pas à son ascendance, et ce quelqu’un, elle avait rêvé de le revoir pendant si longtemps. Il s’était énervé parce qu’elle ne se considère pas comme elle-même, mais comme la fille de sa mère, c’était idiot, mais savoir que quelqu’un se fichait de son statut de fille de La Déesse Athena lui procurait un plaisir coupable. Une sensation qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant, et cette proximité qu’il y avait eu pendant un instant ? Cette proximité l’avait pas mal chamboulée. Bien sûr, durant sa vie, elle avait côtoyé des garçons, mais ils furent tous rapidement évincé, aucun n’était digne d’elle, aucun n’était à la hauteur, l’image de sa mère était bien trop présente dans son esprit, et celle de son sauveur l’empêcher d’aimer un autre homme. Le regard du jeune Nordique l’avait remuée jusqu’au plus profond de son être, et malgré son refus de l’admettre, les rêves auxquels elle eut droit pendant son sommeil furent des plus doux.
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