Le voyage

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Qualifié, ce qu’Alcestis vivait, de “ choc “ serait un euphémisme, devant ses yeux, il l’avait sauvé à nouveau, mais cette fois-ci, il l’avait payé de sa vie. Son dos ne lui avait jamais semblé si large, il se tenait à nouveau devant elle, l’espace d’un instant, elle crut revoir ce garçon aux cheveux blonds se retournait vers elle, pour lui demander si tout aller bien. Mais il ne se retourna pas, il resta planté là, immobile, droit, sa hache et son bouclier fermement ancré au creux de ses paumes.

Briccos fut le premier à s’approcher, il examina le garçon, si ses dons lui permettaient de soigner les plus graves des blessures, il ne pouvait rendre la vie à ceux qui l’avait perdue. Il remua la tête, un air grave sur le visage, il ne sut quoi dire, il ignorait même s'il y avait quelque chose à dire.

Alcestis elle, n’y croyait pas un instant, il ne pouvait pas être mort, c’était impossible, elle s’approcha de lui, en fit le tour pour le regarder dans les yeux. Ils étaient encore grand ouvert, fixé sur le cadavre de l’Archange, c’était comme si, même dans la mort, il continuait de veiller à ce que celui-ci ne se relève pas.

“ Hey, vous voyez bien qu’il n’est pas mort, regardez, il est debout, il nous fait juste une blague... Aller... S’il te plaît, arrête, c’est plus drôle... “

Alors qu’elle disait cela, sa voix était emplie de sanglots, la peur, la tristesse, l’angoisse se mêlait dans sa gorge. Et cela ne s’arrangea pas quand elle plongea à nouveau son regard dans celui d’Askr. Le bleu de ses yeux semblait se ternir lentement, ce n’est que lorsqu’ils perdirent complètement leurs couleurs, qu’Alcestis comprit. Elle enserra le mort, les larmes ne se firent pas attendre. La tristesse et le désespoir prirent le dessus, le Fils de Freyja s’était éteint, il lui avait promis de survivre jusqu’à son retour, et en un sens, il avait tenu sa promesse, ne s’autorisant à mourir qu’une fois qu’elle le rejoint.

Amara, Louis et Briccos tentèrent de la faire lâcher prise. Mais rien n’y fit, son chagrin était trop grand, si grand qu’elle ne reconnaissait plus ses amis, et interdit à quiconque de s’approcher d’Askr. Elle refusait d’accepter qu’il soit parti et hurla sur ses amis qui tentaient de la raisonner, affirmant qu’il avait simplement besoin de repos et qu’il lui reviendrait rapidement, lui et son grand sourire.

Ce fut Briccos qui la fit lâcher prise. Faisant usage de la même racine qui lui avait valu la victoire lors de leur duel, il fit sombrer la veuve dans un sommeil profond. Louis vint porter le corps de son ami pour le ramener jusqu’à son lit, à ses côtés, ils couchèrent Alcestis dont les larmes ne cessaient de couler malgré son sommeil. Louis, Briccos et Amara promirent qu’ensemble, ils bâtiraient pour Askr le plus somptueux des Langskip. Ils avaient prévu que la construction prendrait cependant plus d’une semaine, il leur manquait les connaissances nécessaires à une telle construction. Ils se rendirent donc dans les cuisines pour y rencontrer Andhrimnir qui les aiguilleraient sur la construction d’un tel vaisseau. Enfin, ils firent le vœu de ne pas faire usage de leurs Attributs dans la construction de cet ouvrage pour en garder la pureté.

Le lendemain, le chantier commença. Dirigés par le Chef Divin, les trois compères se mirent à la tâche tandis qu’Alcestis veillait Askr, ayant encore du mal à admettre sa mort, il lui arrivait de lui parler, espérant qu’il ouvre les yeux et se plaigne qu’elle l’ai réveillé alors qu’il dormait si bien. Elle passait ses journées à ses côtés, épluchant des pommes pour lui, se disant qu’il devait avoir faim après un tel combat, et qu’après son repos, il aurait envie de manger.

Les jours passèrent et le chantier avançait à grand pas. Mais, le troisième jour, Alcestis remarqua quelque chose d’étrange. Le corps d’Askr aurait dû commencer à se flétrir, il aurait dû se raidir puis se détendre, mais il n’en était rien, pas la moindre odeur, rien, en tout point, il ressemblait à un simple homme qui se repose. En outre, il semblait perdre du poids, chaque jour, il semblait plus mince, ses muscles s’atrophiaient et sa graisse semblait fondre. Briccos en déduit que, aussi étrange que cela puisse paraître, son corps fonctionnait encore, son corps continué à brûler de la graisse et refusé de se décomposer. Cette perspective offrit une étincelle d’espoir aux amis, et en particulier à Alcestis qui voyait déjà le demi-dieu lui revenir.

Durant de longues journées qui se transformèrent en semaines puis en mois, l’esprit d’Askr erra entre les différents mondes. Une éternité se déroulait devant ses yeux, la naissance de Buri, la fortification d’Asgard, le châtiment de Prométhée, la chute d’Icare, la destruction de Sodome et Gomorrhe, celle de la tour de Babel, les événements qui ont bâti les panthéons défilaient devant l’esprit errant du jeune homme, et à la fin de ce trajet sans fin, il atteignit sa destination. Devant lui se dressaient deux portes. Elles semblaient avoir étaient coupé dans le bois d’Yggdrasil lui-même et étaient absolument gigantesque, il ne vit de tel porte qu’une fois auparavant, le jour où il fut envoyé en Sanctuaire. Sur ces portes, il put aisément lire des inscriptions, ces portes étaient celles d’Asgard, il les reconnut immédiatement, jamais, il ne pourrait oublier un tel souvenir.

Elles semblaient sorties d’un conte et ne possédaient pas de poignet, comme si le seul moyen d'entrer, était d’être digne de leurs ouvertures, comme si elles ne pouvaient s’ouvrir ou ne se fermer que d’elles même. Dansant sur le bois de cet ouvrage divin, des fils d’or et d’argent, des scènes de batailles dantesque, le combat entre un homme, appelant à la foudre, Marteau en main, et un serpent, un serpent monstrueux dont les mâchoires ne semblaient pas connaître de fin. Le duel entre un dieu, un dieu borgne armé d’une lance, et d’un loup, une bête aux proportions ridicules. Des armées mort-vivantes, des draugr, des valkyrja, un vaisseau composé d’ongle portant les morts à la bataille, cette porte était autant un parchemin racontant un conte, que l’entrée du royaume des dieux. Devant celles-ci, deux loups se tenaient, la gardant des intrus, et au-dessus de ces loups deux corbeaux. Les bêtes traversèrent les portes avant de s'arrêter de l'autre côté, il semblait, qu'elles l'attendaient. Sans se faire prier, Askr leur emboîta le pas, et comme il s'y attendait, les portes s'ouvrirent devant lui. Elles étaient lourdes, leur bois racler le sol de pierre, elles laissaient un bruit sourd, un bruit qui résonnait à travers les rues d'Asgard, la cité des dieux.

Devant ses yeux, s’étendait Asgard, un lieu que seul les Aseir et quelques Vanhir privilégié étaient autorisé à fouler. Il traversait la cité des dieux, enfin, la voilà, la terre dont rêvait tous ceux qui se battaient. Accompagné par les bêtes, Askr aperçut au loin une bâtisse qui défiait l’imagination de ce pauvre jeune homme, la demeure d’Odin, les bêtes le guidaient jusqu’au Dieu Borgne.

Il pénétra dans l’immense structure à la suite des bêtes divines. Là, devant lui, se tenait dans toute sa gloire le Panthéon du Nord. Ce n’était pas la première fois qu’ils les voyaient, et pourtant, l’effet était le même. À nouveau, le garçon n’en crut pas ses yeux. Odin se tenait droit sur l’Hliðskjalf, son seul œil le perçait à la manière de milliers de lances, à sa droite se tenait Tyr, dieu de la justice, le dieu qui avait sacrifié sa main pour Asgard, et à sa gauche, posant un regard plein de compassion sur notre héros, Freyja, déesse de l’amour et reine des Valkyrja. À la vue du nouvel arrivant, les dieux eurent un instant d’incrédulité, ils savaient évidemment qu’un nouveau mort venait rejoindre les rangs des Einherjar, mais ils ne s’attendaient pas à cela. Odin prit la parole, sa voix faisait écho à travers tout Asgard et les neufs monde d’Yggdrasil, une voix sage et puissante. P Pour la première fois, cette voix semblait confuse, il ne comprenait pas la présence d’Askr, pas en ce jour. Freyja, Odin et les Nornes, aucun n’avait prévu cet événement, le destin n’avait pas était respecté. Cela n’annonçait rien de bon.

“ Askr, Fils de Freyja, que faites-vous en ces lieux ? Vous ne devriez pas être mort, pas encore. Nous avons eu vent d’une incursion Chrétienne en Sanctuaire, mais n’avions pas plus de détail que cela. S’il est aisé de veiller sur le Midgard, ce n’est pas le cas pour les mondes extérieurs et c’est d’autant plus le cas pour Sanctuaire qui est une terre neutre. Mais si vous êtes mort, c’est que les forces des ennemis se sont mises en branle. Vous le savez maintenant, ces terres ont beau être neutre, elles ne sont qu’un autre théâtre de guerre. Une terre vierge ou les guerres des uns et des autres peuvent être mené sans conséquences. Sur ces terres, le destin lui-même n’a plus d’influence sur les vies des uns et des autres. Votre mort ne peut signifier qu’une seule chose. L’Unique à commencer à bouger ses pions, il compte mener sa guerre contre son rival sur Sanctuaire, et bien que Bellona soit puissante, elle ne pourra rien faire contre cela... Le Nord va devoir agir, je le crains. “

Askr écoutait attentivement les paroles du Père de tous et ne ressentit pas l’ombre qui planait dans son dos... Lorsqu’il se tourna enfin, il ne vit rien, pas un chat. Les dieux, bien qu’intrigués par ses agissements, mais ils ne relevèrent pas, mettant cela sur le compte de la curiosité. Le temps n’était pas aux questions, ils n’avaient pas le temps de les lui poser. Notant leur curiosité, il balaya ce sentiment d’être observé et tourna à nouveau son attention vers les dieux, après tout, il ne pouvait leur manquer de respect plus longtemps.

Le temps s’écoulait différemment sur les terres des dieux, les secondes en ces lieux étaient des heures en Sanctuaire. Le temps passé à une vitesse folle et pourtant les amis du mort ne l’avait jamais vu passé aussi lentement. Ce n’était qu’un ami, et ils ne le connaissaient que depuis peu de temps, trop peu de temps, mais il leur était devenu indispensable. Comme chacun d’entre eux, il faisait partie d’un tout, d’un très grand engrenage d’une très grande machine. Le groupe, une machine étrange, compliquée. Une machine que les mortels ont inventée pour palier à leur solitude, et Askr était une pièce de cette machine. Le souci, c’est que si cette machine est fantastique quand elle est complète, une pièce perdue, peux tout faire voler en éclats. Cette pièce est toujours plus importante pour une personne du groupe que pour une autre. Les amourettes sont monnaie courante dans un groupe. Mais quand celles-ci se présentent, cette seule personne, devient à elle seule, le groupe entier pour la personne amoureuse.

Durant les mois qui suivirent, Alcestis ne fit pas un pas à l’écart de la couche de son ami. Elle ne mangea que peu, ne se sustentant que grâce à ce qu’Amara le lui apportait. Et malgré sa faim, une partie de ce qu'apportait son amie, restait sur la table de chevet dans l’éventualité où au réveil, il serait affamé, un tel sommeil, ça doit bien creuser l’appétit pensait-elle.

Amara, elle, passa les premières semaines à assisté son amie. Un jour, un visage qu’elle n’avait vu qu’une fois se dessina dans l’ouverture de la porte. Ses traits étaient fins, ses cheveux noirs et raides et ses yeux étaient en forme d’amandes. Il s’agissait de la fille d’Amaterasu, Himiko, celle qu’avait sauvée Askr, elle connaissait la situation du garçon et cherchait à s’enquérir de son état, espérant une possible amélioration. Elle lui était reconnaissante pour son sacrifice et venait l’honorer, elle voulait se rendre utile. Elle fit ainsi la rencontre d’Amara, une jeune femme au total opposé d’elle, souriant et rieuse, une joie de vivre inatteignable. Les deux demoiselles se lièrent rapidement d’amitié, une amitié qui évolua rapidement en une relation plus intense, plus profonde. Une relation qui se vit cependant, troublée par l’état mental d’Amara qui se détériorait de jour en jour. La situation d’Alcestis la plongée lentement dans une sorte de léthargie, chaque jour elle se rendait devant l’autel dédié à sa mère, la priant dans l’espoir d’aider sa chère amie. Passée un certain temps, elle ne quittait plus la statue. Plus une seule seconde ne passait sans qu'elle ne prie devant l'autel de sa mère. De jour comme de nuit faisant fi de sa propre santé ou de son intégrité physique, Amara s'adressait à Aphrodite, dans l'espoir qu'un jour, Alcestis mange.

En Asgard, Odin, qui finissait son discours, donna la parole à la Déesse Freyja dont le seidr était légendaire même parmi les dieux.

“ Mon fils... Ta mort est arrivée trop tôt, comme l’a dit Odin, tu ne devrais pas être ici. En réalité, tu devrais être au Guðlanðr, Odin va t'y renvoyer, ton corps et ta bien-aimée attendent ton retour. Tu n’oublieras pas de la remercier et de remercier le fils de Cernunos qui s’en occupe en ce moment même, tes constantes vitales sont irréprochables, ce jeune homme semble être un guérisseur hors pair. “

Sans attendre plus longtemps, le dieu borgne frappa le sol de sa lance Gungnir, et ce, faisant, renvoya l’âme d’Askr jusqu’à son corps qui l’attendait avec impatience.

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