Revenir à la vie

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Alors qu'il se rendait en direction de la demeure du défunt Briccos fit la rencontre de la Dux. C’est sans attendre que celle-ci l’informât de l’état de son ami, et de son réveil, en souriant, elle lui pointa la direction qu’ils avaient emprunté. Se hâtant, Briccos retrouva Askr, accompagné de ses camarades, en train de s’échiner pour remettre les choses dans l’ordre. Voir ceci le fit sourire largement, la mort n’avait pas atteint la bonté de son ami, il s’inquiétait toujours autant du sort de la terre sous ses pieds. Le jeune faune, sortit de sa bourse quelques graines qu’il sema sur-le-champ, rapidement, les graines se mirent à germer. De sublimes arbres aux couleurs vives sortirent de terre, transformant une zone de guerre en un bosquet enchanteur, la nature reprit ses droits, les bêtes se hâtèrent d’élire domicile dans ces bois. Des oiseaux de toutes les couleurs aux écureuils a la robe de feu, toutes sortes de magnifiques créatures vinrent peupler le bois qui prenait vie sous les yeux des quatre camarades.

Satisfait, Askr se retourna, pensant voir l’Olympienne qui l’attendait, il ne vit pourtant que ses amis Louis et Briccos, Alcestis s’était dérobée.

Elle suivit le chemin des autels aux dieux, ses os, ses articulations et chacun de ses muscles la faisait souffrir. Chacun de ses gestes étaient accompagnés d’une douleur indescriptible et elle chuta un nombre incalculable de fois. Mais elle ne s’arrêta pas. Pas avant d’avoir atteint l’autel de la Déesse de l’Amour, Aphrodite, pas avant de retrouver son amie. Et à genoux devant ce dernier, elle la vit enfin. Elle priait, de toutes ses forces. Il ne restait pas grand-chose de la pauvrette, mais elle était là.

Amara se tenait, agenouillée devant la statue de sa mère. Elle priait au centre d’une flaque de sang qui avait dû se formée au bout de nombreux jours dans cette position. La peau de ses jambes, ainsi que celle de ses genoux semblaient avoir été arraché par la terre et les pierres sur lesquelles elle se tenait. La pauvrette était complètement émaciée, ses muscles semblaient complètement atrophiés et le simple fait de tenir sa position était une épreuve de tous les instants. Elle n’avait littéralement plus que la peau sur les os, un spectacle qui mit le coup de grâce à Alcestis qui après sa course tomba à nouveaux à genoux.

Les larmes se mirent à couler devant l’image de son amie dans un état aussi triste, des larmes qu’elle ne pouvait pas contenir. La chute, les sanglots, Amara se retourna, et devant Alcestis elle semblait être un véritable spectre. Ce visage si harmonieux qui avait fait fondre nombre d’hommes, comme de femmes d’Athènes, ces traits enviés par les plus belles Déesses de l’Olympe, étaient aujourd’hui creusé par la faim. Ces yeux qui brillaient de vie à la manière de deux magnifiques étoiles, ces yeux qu’Alcestis crut voir au cours de ses voyages sur le Bifrost, deux perles si belles qu’on les aurait confondues avec la nébuleuse de la lyre, ils étaient aujourd’hui enfoncés au plus profond de leurs orbites. Les joues toujours roses de la demoiselle, également, s’étaient creusé, par le passé, Apollon avait avoué qu’il enviait les pommettes d’Alcestis, aujourd’hui, il n’en restait rien. Ses cheveux, magnifique chevelure jalousée de toutes les dames, si belle que l’Olympe le qualifiait de “ Don de Chrysus “, avait pris une terne couleur de cendre rappelant à ceux qui le connaissent le sort de la glorieuse Pompei. Le détail qui finit d’achever Alcestis, fut le regard d’Amara, elle avait perdu la vue, ses yeux étaient d’un blanc vitreux, la lumière les avaient quittés. Le manque de nourriture et d’eau avait eu raison de son corps et de sa vue, et pourtant, malgré la perte de celle-ci, Amara sembla reconnaître l’aura de son amie et traîna son corps à moitié mort jusqu’à elle pour lui offrir un semblant d’enlacement, une étreinte dans laquelle elle mit toute la force qu’il lui restait... Cela n’était pas grand-chose, elle était si faible.

Rapidement, elles furent suivies par leurs amis. La scène qui se présentait à leurs yeux était d’une tristesse insondable. Amara semblait incapable de faire couler la moindre larme, était-ce le fait que son corps soit trop faible pour pleurer ou que la déshydratation était telle qu’elle n'avait plus la capacité de les faire couler ? La question restera à jamais en suspens, elle ne pipa pas un mot non plus, elle n’en était pas capable. La scène dura de longues minutes, des minutes pendant lesquelles Alcestis pleura pour deux, l’état de son amie lui avait mis le coup de grâce, elle cédait à ses émotions. Ces mois à veillé son ami mort, la vue de ce dernier se faisant pourfendre pour la protégée alors que ses propres blessures avaient pourtant déjà eu raison de lui, et maintenant la vue d’Amara dans un état pire encore que la mort...L’accumulation l’avait fait craquer. Elle ne put se retenir.

Amara essaya de parler. Sa voix était faible, à la limite du murmure.

“ Ma chérie, tu m’as tant manqué...Mais si tu es là, ça veut dire qu’il s’est réveillé ? Le Sanglier s’est remis à bouger ? “

Et en effet, elle put l’entendre derrière Alcestis, avancé lentement, ses pas anciennement lourds, qui résonnait à la manière du battement d’un tambour, aujourd’hui étaient aussi feutré et discret que ceux d’un félin. Il n’avait plus rien à voir avec celui qu’il était par le passé, la force qu’il inspirait auparavant n’était plus, elle crut entendre un fantôme. Ce changement surprit Amara qui ne le reconnut pas immédiatement. À nouveau, elle prit la parole, le regardant de ses yeux blancs.

“ Alors tu es revenu...Tu as enfin décidé de libérer ma chère Alcestis, si tu n’avais pas sauvé Himiko, je te haïrais Askr. Pour ton inconscience et ton indifférence, tu savais qu’en faisant cela, tu ne t’en sortirais pas, que cette fois-ci, la mort serait réelle. Mais tu as décidé de combattre, quitte à en mourir, quitte à laisser Alcestis, Louis, Briccos ou moi, derrière, à nous laisser porter ton cadavre jusqu’à ta couche. Tu es un égoïste Askr, tu ne pensais qu’à ta mort glorieuse, a ton Valhöll, et pourtant, il m’est impossible de t’en vouloir, de ta haïr, tu as sauvé Himiko et t’es interposée entre sa lame et Alcestis... Malgré ta cruauté, je ne peux rien faire d’autres que de pardonné, même si je le voulais, Alcestis te pardonnerais des milliers de morts de toute manière, et moi, je ne vivrais pas sans elle. Seulement, par pitié, je te le demande, ne refais plus ça, plus jamais, je ne veux plus voir un de mes amis mourir et ma petite sœur se laisser dépérir...”

Askr ne répondit pas, il se contenta de la regarder, elle avait raison et il le savait. Il avait poursuivi une mort glorieuse, sachant pertinemment que ce combat ne le laisserait pas indemne, il se jeta dedans à corps perdu, à la recherche d’une mort à sa hauteur. Il était conscient que jamais un humain ne pourrait prendre sa vie, mais un dieu le pouvait, et ce combat, était d'après lui sa seule chance de mourir dans l'honneur.

Les mots d’Amara résonnaient dans sa tête, mais il ne pouvait rester là, les bras ballants, ce ne serait pas lui. Inspirant profondément, il se penchant sur ses amies et enlaçant Alcestis avec douceur et précaution, elle était aussi fragile qu’une branche de gui. Doucement, il la leva, ils n’allaient pas rester ici jusqu’au coucher du soleil, cela serait ridicule… Le fut un trajet des plus violent, le jeune Nordique semblait avoir surestimé ses muscles. La léthargie l’avait plus affecté qu’il ne l’avait pensé, le chemin qu’il avait emprunté après son réveil et sa session de maitrise de la terre avaient été fastidieux certes, mais il s’imaginait que marcher aurait été plus simple après quelques heures debout. Ce fut une erreur, son seul corps le faisait souffrir, mais en plus de cela, il avait ajouté le poids de son amie, là ou normalement, il aurait dû la trouver légère comme une plume... D’autant plus que celle-ci aussi avait perdu énormément de poids... Cette fois, il avait l’impression de porter le poids du monde entier sur ses épaules... Un monde qui semblait bien fragile vu de loin, une image digne des plus belles romances... Du moins ça, c’est que nous voyons, car pour lui... C’est une autre affaire, si d’habitude il aurait été ravi de sentir cette jolie jeune fille sur lui... Cette fois, il se maudissait pour avoir eu l’audace de se surestimer...

Ils avaient finalement atteint le foyer de la jeune Olympienne, les efforts d’Askr arrivaient à leur fin. Quel soulagement il ressentit quand enfin, il put poser le corps de son amie sur sa couche. Ses épaules lui semblaient presque légère maintenant, il soufflait enfin.

“Alors, quoi de neuf dans le coin ? Enfin, depuis ma petite... Escapade, il s’est passé quoi quand j’étais... Mort ? À part les montagnes et tout ce qui s’en suit qui sont sorti de nulle part, en dehors du changement complet du Sanctuaire, pour les gens, y a eu du nouveau ? “

Un large sourire apparut sur les lèvres de Briccos, et son regard s’illumina d’une lueur taquine.

“ J’ai appris qu’Amara était plus sur les filles que les garçons... Je n’aurais pas parié sur ça, surtout quand on se souvient de notre premier contact avec elle... Comme quoi, il ne faut jamais se fier à la première impression, pendant les premières semaines, elle flirtait même avec Himiko ! T’aurais dû voir ça, c’était hilarant ! Surtout le visage rouge pivoine de notre amie Shinto ! C'était de toute beauté ! Les Olympiens n’ont vraiment aucun tact ! Ça a donné un truc du genre “ Bonjour Himiko, toujours aussi jolie... Ça ne te tenterait pas d’aller trouver un endroit tranquille ? Juste toi, moi, et pas beaucoup de tissus “, j’avais déjà entendu dire que les gens de l’Olympe étaient ouverts sur ce genre de choses, mais alors là ! La pauvre Himiko était...” Sans même finir sa phrase, il pointa le visage d’Himiko, et en effet la pauvrette était d’un rouge écarlate !

“Exactement comme ça ! Puis... Amara a chuté... Mais ça, tu l’as vu... Et c’est loin d’être fini, tout comme toi et Alcestis. Si vous vous remettez à manger en trop grandes quantités, vos corps ne le supporteront pas, ils ont été soumis à une épreuve rude, maintenant, ce sont vos esprits qui vont l’être. Vous allez devoir vous contrôler, boire et manger en petite quantité, je ne vais pas mentir, ce ne sera pas simple... Mais dans le cas présent, vous n’aurez pas des masses le choix.”

Se levant lentement, Askr plongea son regard d’azur dans celui de ses amis, et avec un grand sourire, il se saisit de sa hache. Il la serra de ses maigres forces et la souleva, la posant sur son épaule, il s’adressa à ses amis.

“Bien, que diriez-vous d’aller frapper un peu le poteau d’entraînement ? Il n'est pas encore l’heure de manger donc le problème ne se pose pas dans l’immédiat, et moi, je ne peux pas rester comme ça. Les éléments m’écoutent à peine, mes muscles sont identiques à ceux d’un faon et mes sens sont encore confus ! Je dois rattraper le temps que j’ai perdu sur ce lit, je dois rattraper seize années d’entraînement en moins de trois ans ! “

Plus loin, Askr prit une longue respiration puis leva sa hache vers les cieux. Il rugit, oubliant la douleur, faisant fi des messages que son corps lui envoyait, avant de faire s’abattre son arme sur le mannequin de bois. Si la hache n'avait pas été aussi lourde, elle ne se serait sûrement jamais plantée dans le bois. La force du coup était ridicule et Askr comprit rapidement qu’il lui faudrait encore bien du temps avant de retrouver sa force, qu’avant de soulever sa hache à nouveau, il devrait se muscler. Il savait que pour pouvoir se battre comme il le fit par le passé, il devrait se battre, encore et encore, sans répit.

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