Le Nord se lève.
Le soleil se levait à peine sur le monastère, une journée de prière et de travail se dessinait à l’horizon pour les moines.
La vie de moine n’était pas une vie simple et douce, ils ne baignaient pas dans le luxe ou l’abondance. Au contraire, ils vivaient de peu, et leur plus grande richesse se trouvait en eux. Rien n’importait plus au moine, que leur foi. Ces ascètes se levaient chaque jour avec le soleil, et commençait leur journée par une toilette. Ils passeraient une heure à travailler, dans un silence religieux, le travail du moine pouvait varier, prière, lecture, copie d’un livre, ou tout autre tâche attribuée par l’abbé. Je ne vous ferais pas un exposé sur la vie des moines, mais dire qu’elle n’était pas des plus amusantes serait un euphémisme. Mais il s’agissait d’une fresque calme, paisible et dicté par le sens de la communauté.
Malheureusement, si les moines vivaient une vie de paix et de sérénité, ils servaient sous les ordres de l’Unique. Et si jolie soit-elle, une fresque tâchée par la guerre, est une fresque qui s’embrase rapidement. Alors qu’ils s’attelaient à leurs tâches quotidiennes, les habitants du monastère entendirent un énorme choc suivi d’une porte qui s’écrasait au sol. En hâte, ils laissèrent là leurs besognes pour se ruer vers l’extérieur, cherchant à trouver l’origine de tout ce bruit qui ne présageait rien de bon. Les premiers arrivés virent enfin la raison du vacarme. Une horde de guerriers monstrueux piétinait la porte sans même s’en soucier. La rage habitait le regard de leurs futurs bourreaux, armés de haches et d’épées, équipé de cottes de mailles et de peaux de bête, la seule chose que leurs casques laissaient voire était leurs yeux, des yeux empreints d’une soif de sang inextinguible. Le jugement dernier avait sonné pour ceux qui s’étaient opposés aux dieux du Nord. Les fidèles de l’Unique avaient étaient trop loin, bien trop loin, ils avaient tenté de remplacer le peuple présent, de le détruire. Un tel affront ne restera pas impuni. Les moines crurent voir des créatures de cauchemar, tant et si bien qu’à leurs yeux, les casques pourtant sobres des guerriers revanchards semblaient affublés de cornes horrifiques. Les hommes qui venaient prendre la vie des suivants de l’Unique ressemblaient à s’y méprendre à une multitude de diables venus punir les pécheurs.
C’est dans un hurlement d’outre-tombe qu’ils lancèrent la charge. Les hommes de foi étaient désemparés. Rien ne les avait préparés pour ce jour. Leurs défenses étaient inexistantes et les renforts les plus proches étaient à plusieurs heures d’ici. Ils étaient pris au piège. Leurs seules chances de survie étaient la fuite, ou une apparition divine. Mais aucune lumière ou aucune flamme ne descendirent du firmament, les sorties étaient bloquées par les guerriers, il ne leur restait que la prière.
Sans la moindre pitié, les haches et épées des guerriers faisaient voler les têtes. Il était aussi facile de prendre ces vies que d’arrachés son jouet à un enfant. La sauvagerie était reine en ces lieux saints. D’un simple massacre, cette première attaque s’était changée en un lieu de jeu malsain. Les barbares, se saisissant de lances et de leurs haches, offrirent une option de survie aux Moines. S’ils couraient plus vite que leurs projectiles, ils survivraient. Les hommes sains, bien que ne comprenant pas un mot de ce que leur disaient leurs bourreaux, saisirent leurs chances de fuir. Mais leurs espoirs furent rapidement étouffés.Alors qu’ils s’essoufflaient à courir de toutes leurs forces, s’accrochant à un mince espoir de survie, priant l’Unique de les aider, le bénissant pour cette chance. Un à un, ils churent, leurs colonnes vertébrales brisées par le choc des lances qui venaient les empaler les uns après les autres. Maudissant ces barbares qui venaient leur arracher leurs pieuses vies, ils s’écrasaient au sol. Et pourtant, ces vicieux jeux, n’étaient pas les plus horribles sévices que ces guerriers purent perpétrer en ce jour. Le plus terrible des sorts attendait les pauvres nonnes vivantes aux côtés de leurs camarades de foi. Ces pauvres femmes ayant dédié leurs vies à leur croyance, ces femmes, n’ayant jamais connu l’amour, connurent le plus funeste des destins en ce jour. La rage, la rancune, la haine féroce des guerriers avaient fait d’eux de véritables bêtes sauvages. Tout ce qui les entourait, des murs aux crucifix, avaient fait naître en eux le désir incontrôlable de souiller ce qui les entouraient, et les femmes ne furent pas épargné en ce jour. Ces pauvres femmes, n’ayant jamais connu l’amour, furent en ce jour les victimes de la haine.
Il ne fallut au monastère que quelques heures avant de céder face aux flammes qui le dévoraient. Chaque relique, crucifix, ou pépite d’or furent emportée et chargée sur les Langskip et serviraient de butin. Le lieu saint avait été désacralisé. Le sol jonché de corps brisé, la terre imbibée de sang était devenue boueuse. L’Unique subit en ce jour sa première défaite, les Fils du Nord avaient traversé la mer pour réclamer vengeance au nom de leurs frères.
À peine les fils du Nord eurent-ils fini leur massacre qu'ils firent demi-tour. Tous reprirent la mer. Tous, à l'exception d'Askr qui resterait sur place. Ici, il établirait une place-forte pour les siens, ici le premier bastion Norrois de Britannia, s’arracherait à la terre et se dresserait comme une preuve de la puissance du Nord.
Observant les bateaux disparaître à l’horizon, il lâcha sa hache qui vint se planter dans le sol puis prit une grande respiration et tendit les bras. Ses pieds s’enfonçaient dans la terre, l’ancrant dans la poussière alors que devant lui, s’arrachait un monolithe. Un large sourire se dessina sur ses lèvres et il détailla la roche. Prenant connaissance de chacune de ses imperfections, de chaque petits détails de la pierre, Askr l’observa un moment, avant de bondir en arrière. Serra son poing, laissant à nouveau s’échapper un long soupir, le garçon fondit sur la roche, et de toute sa force, il s’écrasa contre le monolithe qui vola en éclat. À ses pieds gisait les prémices de ce qui serait bientôt, la forteresse de Nord. Et comme s’il combattait un ennemi invisible, il se mit à donner des coups dans l’air. Les éclats de roche éparpillés s’animèrent, le Monastère détruit fut rapidement transformé en une véritable forteresse de pierre. Un point d’ancrage pour ceux que le monde connaîtra bientôt sous le nom de “Normands”.
Askr savait très bien que ses confrères ne reviendraient pas avant un moment, un véritable raid ne se préparait pas en quelques minutes, rien que la traversée était longue et dangereuse. Il mit son temps à profit. Il commença par explorer les environs, cette région bien plus généreuse que celle de son enfance, les animaux y étaient plus nombreux et moins gros, des sortes d’arbres et de plantes dont il ignorait l’existence poussaient également ici. Cette région était semblable à aucune autre de sa connaissance. Plus au nord, il repéra les différents villages et différentes villes. Non loin de là, il découvrit un mur long de plusieurs kilomètres qui partait d'un bout à l'autre d'un long fleuve qui traversait l'ile. Il apprit le nom de cette région, la Northumbrie ainsi que sa langue, une langue contre toute attente, assez simple. Elle semblait descendre de la sienne tant, la ressemblance était frappante, nombre de mots étaient même presque identiques. Là où, pour qualifier leurs frères, les siens utilisaient Brethr, les habitants de cette contrée usaient du mot Brother et ce n'était là qu'un exemple parmi tant d'autres. Une chose qui frappa Askr fut le climat, le temps était bien plus clément. À force d’observation, il apprit les techniques de plantations et de récoltes du peuple sur place, elles étaient plus rapides et plus efficaces que celles employées par les siens. Ici, sur ces terres, une variété de plantes nouvelles poussait, le soleil semblait plus abondant, le climat plus clément que celui auquel il avait l’habitude n’était pourtant pas à la canicule. Ces nouvelles terres étaient étranges, elles ne connaissaient pas le froid féroce de l’île de Skadi ou la chaleur infernale du cœur de la montagne, ici, les extrêmes ne semblaient pas existés.
Il n’était pas rare que de petites armées ou des milices viennent se briser contre les murs d’Askr. Ils venaient brûler son champ, tué ses bêtes et le menacer de prendre d’assaut son bastion. Mais, les uns après les autres, ils furent repoussés et renvoyés chez eux. Les champs étaient replantés et les bêtes rachetées. À chacun des assauts, ils étaient accueillis avec plus de violence et de férocité. Si les premières fois, il laissait ses ennemis s’échapper, une fois le premier mois passé, il prenait la vie de tout guerriers tentant de s’en prendre à lui ou à ses terres. Lentement, les choses changèrent, ces hommes voulaient la guerre, ils l’auraient. Gardant la porte de sa forteresse, armé seulement de sa hache et de son bouclier, Askr faisait le guet. Il était fatigué de voir ses bêtes tuer, ses terres brûlées. Il ne fallut pas attendre longtemps avant que la prochaine milice ne fasse son apparition. Elle servirait d’avertissement.
- Rendez-vous ! Reprenez la route de vos terres, barbare ! Vous êtes seuls ! Nous sommes un pays ! Vous n’avez aucune chance de l’emport-
Coupant sec la phrase du chevalier, Hraustligr vint se loger dans son crâne. La charge avait sonné. Les membres volaient, quand sa hache ne se trouvait pas au sein de sa paume, Askr se battait à la seule force de ses poings. Et étrangement, rien ne sembla plus effrayer ses opposants que cette vision. Sa hache tranchée la chair et leur enlevé la vie sans difficulté, rapidement, proprement. Askr, lui, n’en faisait pas autant. Se saisissant des bras, des jambes et de tout ce sur quoi il pouvait poser la main, il déchirait, brisait. Observant, le garçonnet fracassé les crânes de ses frères d’armes à l’aide des bras qu’il avait lui-même arracher à leur compagnon, le plus jeune d’entre eux pris la fuite. Si l’enfer existait réellement, il devait ressembler à cela. Un fou, une bête, attaquant les hommes. Ce nouvel assaut se termina dans un bain de sang, il servirait d’avertissement à tout se cherchant à lui prendre ses terres. Askr ne plierait pas l’échine, tant que sa mission ne serait pas terminée, il se tiendra droit, inflexible, brisant toute opposition. Les seuls survivants, furent le jeune fuyard, et leurs chevaux qui à leurs tours, prirent la fuite devant un tel prédateur. L’homme est un loup pour l’homme, mais lui était un ours.
Nombreuses furent les vies perdues durant ces assauts futiles. Quoi qu’ils fassent, le Norrois était impossible à déloger.
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