LA TOURMENTE
W. Agency. Vitoria.
Law se réveille en sursaut sur sa banquette du salon à côté du bureau. Quelque peu désorientée, essoufflée, sans trop oser bouger elle jette un coup d'œil sur la pièce. Puis se lève pour s'approcher de la fenêtre. l’enquêtrice reste ainsi un moment, regardant dans le vide.
Ce n'était pas un cauchemar.
Mortensen s’élance en direction de la cuisine, en ressort avec une bouteille de whisky et un verre. Elle les pose sur le bureau, puis se verse une bonne dose de son breuvage favori. Le buvant d'un trait, la jeune femme s'en verse un deuxième. Son élixir en main, elle retourne au salon où elle a caché l'agenda rouge sous le cousin du sofa. Puis s'y installe confortablement afin de poursuivre sa lecture.
*
« Aujourd’hui je réalise que c'est la fin si je ne demande pas d'aide. Elle porte en elle la tumeur la plus destructrice qui soit : celle de l'esprit. Son grand défaut est de dissimuler ses faiblesses de peur de faire du mal, d’être incomprise. Mon défaut. Cela fait plus de mal lorsqu'en fin de compte on les découvre… trop tard. Elle devrait apprendre à tout dire, quitte à choquer. Les choses s'avèrent beaucoup plus facile à gérer. »
*
Law est étrangement attirée par ce carnet. Comme si elle l'avait déjà lu ou connaissait la personne qui l'a écrit. La pluie battante frappe son rythme sur les vitres. La jeune femme aime cette musique. Posant l'agenda sur ses genoux, elle ferme les yeux pour écouter. Mortensen se tient immobile, profitant de l’instant. Puis se relève brusquement se lève pour aller fouiller dans les tiroirs du bureau. L’enquêtrice en sort toutes les lettres que BlackHole lui a envoyées, puis les étale sur le bureau.
*
Chasseur de chimères, toi l'ange déchu d'un autre monde. Ta quête sera ardue. Telle l'agonie d'une baleine échouée sous un soleil de plomb, ta douleur deviendra ton éternelle compagne. Ton étoile ne brillera plus pour toi. Il te faudra affronter de terribles épreuves si tu souhaites l'apprivoiser de nouveau. Chasseur de chimères, toi l'ange déchu d'un autre monde. Ton esprit te brûlera. Ta mémoire sombrera dans les abysses pour avoir défié tes dieux.
BlackHole.
*
— Mais oui !
Elle cherche en diagonale dans le carnet, puis finit par trouver le même paragraphe.
— Alors comme ça tu me confies ton journal intime sale enfoiré ! Ça ou plutôt celui de ta mère, c'est une écriture de femme, même dans la tournure…
Law s'effondre dans son fauteuil. Elle réalise qu'après lui avoir offert la bague, le serial lui présente sa mère.
Il faut vraiment être un grand malade pour être aussi tordu !
Law sursaute brusquement, elle entend frapper à la porte. En allant ouvrir trouve l'inspecteur Mackenzie complètement trempé, tenant une bonne bouteille de whisky, de vingt ans d'âge :
— Pour vous…
Law accepte ce cadeau de fortune, puis lui fait signe d'entrer. Posant le flacon sur le bureau, Mortensen va dans le salon pour en revenir avec son verre. Mac enlève sa veste, puis la lance sur une chaise.
— On a une piste.
L'inspecteur la fixe avec insistance :
— Vous tenez le coup ?
Law regarde dans le vide tout en se versant du whisky. Elle le regarde, le verre à la main, lui indiquant la cuisine d'un mouvement de la tête :
— Y'a des verres là-bas.
Il s’éclipse un instant. Lorsqu'il revient, l’ex-flic n'est plus dans le bureau.
— Vous...
Il entre dans le salon, pose son verre sur la table et s'assoie à côté de son ancienne collègue.
— Vous devriez prendre quelques jours de congé, loin d'ici.
— Pas question, lance-t-elle en le servant
Elle avale son whisky d'un trait, pose brutalement le verre sur la table basse, puis inspire profondément.
— Il va continuer. Il m'a laissé vivre.
Mac se frotte nerveusement le menton.
— Je ne veux pas vous contrarier, je sais que ce n'est pas le moment... mais vous avez pu observer quelque chose de particulier ? L'endroit, son visage... ?
— Sa voix.
Elle remplit à nouveau son verre, le buvant doucement cette fois-ci, le finit, puis le repose. La jeune femme revoit la scène dans sa tête. Cette voix ne veut pas en sortir. L’enquêtrice pense à cette seconde chance qui lui est accordée, tel un cadeau empoisonné.
— Law ! LAW !
L'inspecteur, inquiet par ce mutisme, la prend par l'épaule. Elle sursaute, tourne la tête :
— Pardon... lui lance-t-elle, comme brusquement tirée d'un rêve.
McKenzie remarque la bague irlandaise au doigt de son ex-collègue :
— Jolie bague, lui dit-il intrigué.
— C'est ça oui...
Elle se ressert, les yeux dans le vide, replongeant aussi subitement dans sa tourmente. Il lui prend la main, écartant le verre de whisky :
— Faut rester en vie. Évitez de nourrir votre cirrhose.
Law se tourne vers lui d’un air dubitatif :
— Depuis quand vous prenez soin de moi, Mac ? Vous faites votre prince charmant ? Ça sert à rien de prendre des gants avec moi, tu joues à quoi ? Je sais qui tu es, collègue…
Il sort de l'agence. La porte claque. Quelques minutes passent. Mortensen se lève brusquement, prend son verre, puis le jette violemment contre le mur en poussant un hurlement de rage. Elle reste debout, figée, tendue, les bras le long du corps, les poings serrés. Elle finit par les desserrer, tremblante. Quelques gouttes de sang s’échappent de la paume maculant le parquet.
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