Elle était devant moi simplement assise sur sa chaise, droite et docile. Elle restera gravée dans ma mémoire, elle et ces quelques phrases qu’elle m’adressa comme une évidence.

Nous savons toutes les deux pourquoi je suis là. Ils ont besoin d’un avis spy pour déterminer si comme tout bon suicidé je suis un danger pour moi même. Je suis quelqu’un de plutôt intelligent et je sais bien quels sont les mots que vous aimeriez entendre, les mots qui feraient de moi un cas encourageant. Je devrais vous dire que je ne sais pas ce qui m’a pris, que mon mari m’a quitter il y a deux jours et que je me suis senti soudainement envahie par une pulsion morbide. Je pourrais aussi vous décrire comment la mort de mon frère dans un accident de voiture le week-end dernier m’a plongé dans un speudo état de choc et d’incompréhension. Je devrais vous offrir un moment de passion, un traumatisme, une cause. Je pourrais alors plaider la folie passagère, le geste irrépressible et presque involontaire. Je serais suivi quelques temps puis rendue à la vie, là dehors.

Mais rien de tout cela n’est arrivé. La vérité c’est que mon geste était parfaitement conscient, prémédité et planifié depuis plusieurs semaines. J’ai soigneusement préparé la scène, choisi le moment. Mais ne vous trompez pas, je ne suis pas déçue d’avoir manqué mon coup car voyez vous ce n’est pas que je veuille mourir, c’est que je ne veux plus vivre. Vous saisissez la différence ? C’est simplement que mourir m’a paru être le moyen le plus efficace d’y parvenir.