Matin
Mon cœur avait besoin d'obscurité ombreuse :
Je suis restée longtemps en pluie, rideaux tirés,
Le bleu des yeux noyé, les jambes douloureuses,
A m'alourdir le corps de gestes élimés.
Je suis sortie hier, devoir sempiternel
Du quotidien railleur à l'appel impérieux,
La conscience hébétée, la joue contre le ciel,
Etrangère égarée dans le matin cireux.
Je craignais que les mots polis de convenance
N'effritent jusqu'au sang mon masque de papier ;
Je redoudais l'aveugle et pesante clémence
D'un lénifiant sourire ou d'une étreinte usée.
Mais mes semblables n'ont pas vu ma larme amère,
Occupés qu'ils étaient à leurs propres chimères ;
Seule, j'ai pu marcher par les rues ombragées,
Sans qu'un regard humain m'y vienne déranger.
Trois tournesols croissaient le long d'un haut grillage :
Leur jaune de soleil m'a caressé les yeux :
Alors j'ai pu rêver la fuite des nuages,
J'ai pu rêver enfin à un demain plus bleu.
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