Taverne des Naeve, fin d’après-midi hivernale, une heure plus tard

Malgré la perte de temps causé par ce détour, je m’empresse de passer à la Taverne des Naeve avant de me rendre au quartier général des Roses Noires. Je marche vite, au point d’être humide de sueurs en entrant dans la Taverne, pour trouver Ritun et avoir une discussion avec lui.
Je parais si troublé qu’il n’y a que la Lys à ne pas tourner les yeux vers moi. J’observe le comptoir, à chercher le dos de mon camarade de boisson, quand la jeune Eil Naeve s’oppose à moi comme si j’allais en venir aux mains avec le premier venu.

« Que t’arrive-t-il, Byan ?
– Je cherche Ritun.
– Il doit dormir, à l’heure qu’il est ! dit-elle comme pour dédramatiser. Tu veux peut-être…
– Excuse-moi, j’ai à faire, la repoussé-je sans ménagement.
– Attends, je crois que… Mais attends ! »

Mon dos ne l’interrompt pas, il se contente de la fuir, et moi de quitter la Taverne. Eil est sympathique, et souvent aux petits soins de ceux qui s’adressent à elle. Mais là, vraiment, je n’ai rien lui dire, et ce qu’elle aimerait que j’entende ne m’intéresse pas. Je cours sans me retourner vers la Réserve.
Je pousse la porte de la chambre d’Arian Ritun, qui cède à mon premier mouvement. La chambre est vide, le lit froid. Arian n’est pas là.

Je m’autorise à fouiller un peu dans ses affaires. Rien qui sorte de l’ordinaire. Je me souviens qu’il cache une belle lame dans une boite secrète, et par instinct, je m’enquiers du contenu de celle-ci. Ce couteau qu’il n’utilise que dans les grandes occasions n’est pas dedans. Il trame je-ne-sais-quel plan, mais je devine qu’il est aussi important que son arme, et qu’il s’est débrouillé pour que personne, y compris Eil ou moi-même, ne puisse avoir de doute ou d’informations susceptibles de lui nuire.
La nuit d’hiver tombe sur mon trajet vers les Roses Noires. Je ne peux pas perdre mon travail auprès d’eux. J’ignore si une éventuelle disgrâce familiale me portera préjudice. Je vais encore massacrer des chiens cette nuit. L’exécuteur Courouge me verra m’appliquer dans cette tâche comme rarement je l’ai été.