J'évoquais dans ma tête tous les événements de cette matinée. Je me demandais si je rêvais ou non. La pièce sombre, les outils et personne aux alentours. Je n'avais même pas mon téléphone. Etait-ce un complot ? Si oui, quel est l'individu qui me haïssait tellement qu'il voulait se débarasser de moi et détruire mon avenir ? Quelqu'un voudrait-il se venger de moi, le garçon si poli, si généreux, si instruit qu'il ne se souvenait jamais d'avoir fait du mal à l'autrui ?

D'habitude, je n'aimais pas les histoires policières et me voilà tombé sur une trop compliquée. La seule solution consisterait à penser comme Poirot, donc je commençais à examiner mes outils ; les allumettes et le couteau n'évoquaient rien pour moi. Je m'intéressais à la caméra, c'était bel et bien l'indice qui me sauverait. Je l'ouvris et commençais à examiner l'album des photos afin de connaître le propriétaire. Lorsque la première image apparut, ma gorge se noua et mes mains devinrent froides. C'était bel et bien une photo d'Emile. Ce n'était pas la seule, toutes les autres photos lui appartenaient. Je restai bouche bée.

Mais.. comment ? Pourquoi la caméra d'Emile se trouvait-elle dans cette chambre ? Aucune réponse ne me sembla satisfaisante. Soudain, mes doigts se crispèrent dès que je vis la dernière image, celle des colonies de vacances. J'étais assis à côté d'Emile, buvant de la limonade et une troisième personne se tenait près de nous : c'était sa soeur de 12 ans, Julie. Elle paraissait gênée et me fixait d'un oeil méprisant. Comment avais-je pu oublier qu'elle me détestait depuis longtemps ? Un autre indice vint m'apportait la vérité ; une vidéo était à la fin de l'album. Je la démarrai inconsciemment et je vis Julie, assise sur une chaise, un sourire capricieux aux lèvres, après des secondes de silence, elle commença à parler :

Coucou Guillaume. Ca va ? Je sais bien que tu n'es pas amusé, n'est ce pas ? T'es emprisonné par quelqu'un. C'est triste. Mon pauvre, tu essayes depuis longtemps d'ouvrir cette satanée porte et tu n'y arrives pas. Tant pis. Tu ne mérites que ça, pourquoi ? Parce que à cause de toi notre famille s'est dispersée. Tu veux savoir l'histoire ? Eh bien, je la raconterai : il était une fois une famille heureuse, des parents, un fils et une fille. Rien ne les dérangeait. Jusqu'au jour où un vilain sorcier gâcha leur vie en se faufilant parmi eux, c'était toi ! Le jour où tu as rencontré Emile était le début des malheurs.

Elle s'arrêta, en ravalant ses larmes, puis continua plus sereine :

Premièrement, mon frère voulait étudier avec toi dans la même école privée, ce qui était trop coûteux pour mon père, ensuite il ne passait plus de temps avec moi, sa soeur bien-aimée, enfin lorsque papa ordonna à Emile d'abondonner les études et de l'aider dans son commerce, ton ami a refusé et un grand conflit s'est éclaté. Et depuis, Emile ne parlait plus avec mon père, il a logé dans ce petit appartement avec ses maigres économies et ma mère lui envoyait de quoi vivre, et moi, je venais lui rendre visite parfois. Tu vois, un grand chaos à cause de toi. Et pour être juste, je voulais que tu rates ton baccalauréat. Ca va être une égalité, n'est ce pas ? Alors, tu peux revenir à tes tentatives. Bye bye.

Elle prononça ces derniers mots et éclata en un fou rire. Je pris la caméra et la lançai en direction de la porte, furieusement. La collision avait été très forte. Je ne pus contenir ma colère. Cette fille, elle, je la tuerais ! Comment avait-elle osé m'emprisonner ? Je commençais à crier comme un perdu, ma tête entre mes mains. Une question me hantait : pourquoi Emile ne m'a jamais évoqué ce passé ? Il ne voulait pas que notre amitié se rompe à cause de ses propres problèmes. Il donnait la priorité à notre relation. C'est ce qui avait causé sa ruine. Pourquoi ?!?

Jamais de ma vie je n'avais éprouvé tant de chagrin...

A SUIVRE