Décisions
Pacific Palisades, Californie
Mardi 5 juillet
Chelsea avait juste terminé la rédaction d’un rapport d’analyse concurrentielle pour un client lorsque Louis Warner s’annonça au portail de sa villa. Il n’attendit pas de réponse et composa le code d’ouverture. Il retrouva son associée dans la grande cuisine où elle s’apprêtait à faire couler son troisième expresso de la matinée.
— Tu en veux un ? demanda-t-elle à l’arrivant.
— Non merci, si tu le permets, je vais plutôt prendre une bière.
— Fais comme chez toi ! Tu sais où elles sont.
— Tes amis ne sont vraiment pas des gens très honorables, commenta Louis en ouvrant sa bière.
— Ce ne sont pas mes amis !
— Je préfère.
— Bon, alors raconte !
— Rochambault est à Saint-Domingue. Officiellement pour découvrir de jeunes musiciens à mettre sous contrat, mais il a aussi eu un rendez-vous nocturne avec un individu qui pourrait bien être un narco-trafiquant de première grandeur. J’espère avoir dans la journée l’identité de ce mystérieux correspondant. Pendant ce temps, son associé Mick Brown a affrété un petit avion pour acheminer les musiciens. Je crois qu’ils auraient tout aussi bien pu prendre une liaison commerciale. Ce vol est très probablement une couverture pour acheminer une marchandise illégale.
— On peut les intercepter ?
— Nous, non, mais on peut faire passer le mot aux bonnes personnes, dès que nous aurons pu obtenir le plan de vol de l’avion.
— Je te fais confiance pour trouver ces informations.
— Ce n’est pas un problème, en effet. Je ne pense pas que Rochambault prendra le risque de faire ce voyage, il sera sans doute inquiété, mais indirectement. Si tu es toujours d’accord, je pense savoir comment lui faire subir un préjudice plus important.
— Ce salaud m’a violée quand j’avais seize ans. Il mérite de payer cher pour ça.
— Très bien, je m’occuperai de lui alors. Tu veux savoir ce que ta copine Betty a fait ce week-end ?
— Oui, bien sûr.
— Elle était à Boston, où elle a retrouvé Stuart Carter.
— Elle m’a pourtant dit qu’elle n’avait plus de contacts.
— Elle t’a menti dans les grandes longueurs. Non seulement elle l’a retrouvé, mais ils se sont joyeusement envoyés en l’air. Et pas qu’une fois. Si ça t’amuse, j’ai des vidéos qui feraient fureur sur les sites pornos. Je pense que ça plairait moins à son mari, ni à beau-papa DePriso. J’ai aussi la confirmation que la révélation des accidents lors des essais cliniques serait dramatique pour le cours de l’action de SynBioLabs.
— Je crois que Stuart était son préféré, même si c’était Will qui était son petit ami officiel au lycée. Elle peut baiser avec qui elle veut et tromper son mari, je m’en moque, mais si ça peut faire une tâche sur sa respectabilité, ça m’amuserait beaucoup. Je ne crois pas que le Rotary apprécierait que sa nouvelle présidente fasse parler d’elle de cette façon.
— Il nous reste le bâtisseur texan. Black Widow a fait du bon boulot avec lui aussi, et nous avons des enregistrements de ses conversations avec Elisabeth. Il y reconnait la falsification de documents administratifs et le déversement de déchets toxiques dans la nature. Pire, il demande explicitement si on peut envisager l’élimination physique du fonctionnaire corrompu.
— Lui non plus ne mérite pas ma pitié. Que proposes-tu ?
— Je crois que quelques informations judicieusement distillées auprès d’organisations de premier plan devraient suffire à lancer la mécanique. La rumeur médiatique devrait faire le reste. S’il le faut, nous pouvons retrouver le type qui a signé les documents et ensuite name and shame.
— Essaie d’abord de retrouver ce type et si possible de lui faire reconnaître ses travers, ainsi nous aurons toutes les cartes dans notre main. S’il le faut, envoie Black Widow pour l’aider à parler. J’assume tous les frais.
— Si tu es d’accord, je vais essayer de contacter les parents des enfants victimes de SynBioLabs. Là aussi j’ai besoin de connaître toute l’histoire avant de faire pousser le dossier dans les médias.
— Je vois que John Mason a encore un peu de travail. Un chapitre de plus sur son blog ?
— Oui, probablement et sûrement un peu plus. Il nous faudra porter l’affaire au-delà, jusqu’à la FDA. C’est pour ça que je ne peux pas me contenter d’infos sans source fiable.
— Vois-tu Louis, il y a deux semaines, j’avais complètement oublié cette histoire. Enfin, quand je dis oublié, je veux dire que je l’avais enfouie assez profond pour qu’elle ne vienne plus me hanter, mais depuis que j’ai vu Betty parader sur l’estrade du Rotary Club, c’est remonté et je ne vois qu’une façon de tirer un trait définitif. Je veux la détruire, briser son image de femme de pouvoir irréprochable, briser ces hommes qui ont violé et maltraité des femmes durant toute leur vie, sous la protection de politiques sans scrupules.
— Je te comprends et je vais faire ce qu’il faut pour qu’ils ne puissent pas s’en relever, fais-moi confiance.
— Merci Louis, c’est bon de pouvoir compter sur une personne fidèle.
— Toi et moi, on travaille ensemble depuis combien de temps ? Plus de quinze ans ? Nous avons toujours réussi ce que nous avons entrepris. Même si nous sortons un peu du cadre de nos activités habituelles, je ne te décevrai pas.
— Comme c’est dommage que tu préfères les hommes.
— Au contraire, c’est bien mieux comme ça. Nous sommes amis et associés en affaires, mais il n’y a pas de rivalité ou de jalousie sentimentale entre nous.
— Tu as raison et je ne dois pas me plaindre, j’ai aussi de très bons moments. Je t’ai parlé de la nuit que j’ai passée avec Melody Hong ?
— Je veux bien que tu me la racontes encore, mais tu m’en a déjà parlé il y a deux jours ! répondit Louis en riant.
— C’est une vraie bombe cette femme.
— Tu vas la revoir ?
— Je ne sais pas, je ne voudrais pas qu’elle s’attache trop à moi. J’aime trop mon indépendance.
— Si cela nous ramène de nouvelles affaires aussi faciles que la première, ça en vaut la peine.
— Arrête, tu es cynique. Je te parle de sentiments et toi tu réponds business.
— Sentiments ? Moi j’y vois surtout une histoire de sexe torride.
— Monsieur Warner, je crois qu’il est temps pour vous de rechercher un fonctionnaire ripoux ! Au travail.
— Oh Madam, vous pas pa’ler comme ça à pov’neg.
— Ne te moque pas de mes ancêtres !
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