Le piège

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Boston, Massachusetts

Samedi 9 juillet


La nouvelle fit l’effet d’une bombe dans le milieu des affaires de la côte Est. Le Boston Globe avait publié dans son édition du week-end un long article consacré à SynBioLabs et Valantis. Le papier reprenait des éléments publiés la veille sur le blog du journaliste indépendant John Mason. Le dossier de Mason, particulièrement bien documenté, mettait à jour des pratiques contraires à l’éthique médicale lors d’essais cliniques conduits dans la plus grande opacité en Alabama. Il était également fait mention d’intimidations et de menaces exercées sur des familles victimes des erreurs du laboratoire, par l’intermédiaire d’un cabinet d’avocats de Montgomery. Le quotidien concluait en promettant de mettre sa propre cellule d’investigations sur cette affaire.


Le téléphone de Stuart Carter sonna en milieu de matinée. L’écran affichait le logo de la société Valantis et le numéro direct de son beau-père Giovanni.

— Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? hurla la voie de l’homme d’affaires. Tu as lu le Globe ce matin ?

Carter dut reconnaitre que non. Il ne lisait plus les journaux imprimés depuis bien longtemps et n’avait pas pris le temps de s’informer en début de matinée. Sa femme Julia était sortie pour faire une séance de sport avec ses amies et lui-même était allé courir le long de Mystic River.

— Je croyais que le problème des essais en Alabama était sous contrôle. Tu devais t’en occuper avec cette avocate, il me semble.

— Oui, en effet, elle m’a assuré que tout était sous contrôle.

— Et bien ce journaliste fouille-merde a trouvé le moyen d’accéder à des informations confidentielles. Tous est étalé dans un dossier publié sur le Net. Le Boston Globe s’en est emparé et ils annoncent une enquête approfondie à venir.

— Je ne sais pas comment c’est possible. Les parents ne devaient pas communiquer, au risque d’une énorme amende.

— Il a cité les parents des deux enfants décédés, le président de l’association des malades et il donne aussi le nom du médecin en charge du protocole de l’essai à Birmingham, le docteur Marlow. Par chance, la bourse est fermée pour le week-end, mais lundi ce sera la chute libre. J’ai convoqué sans attendre le conseil d’administration pour lundi matin à huit heures. Tu viendras présenter tout cela au board et je te souhaite de trouver un palliatif d’ici là. Ta tête est sur le billot !

Stuart resta quelques secondes à regarder son mobile muet. Il se sentait comme un boxeur sonné par un coup direct. Il alla s’asseoir sur le canapé du salon, le temps de reprendre ses esprits. Il se releva quelques minutes plus tard pour aller se servir un verre de whisky. Il n’était pas sûr que l’alcool l’aide à trouver une solution, mais il n’avait rien trouvé de plus pertinent à faire. Il avait à peine trempé les lèvres dans son verre quand Julia entra comme une furie, en claquant la porte d’entrée.

— Qu’est-ce qui t’a pris, espèce de salaud ? Je n’ai jamais pensé que tu étais un modèle de vertu conjugale, mais se payer une pute à l’hôtel, c’est bien la dernière chose que j’aurais imaginée.

— Je ne comprends pas, de quoi parles-tu ?

— De ce que tu as fait le week-end dernier, connard ! Tu ne peux pas baiser discrètement, il a fallu que tu te fasses filmer. L’image n’est pas de super qualité, mais on peut quand même apprécier tes prouesses. C’était qui cette femme ?

— Je vais t’expliquer…

— Expliquer quoi ? C’est bien assez explicite. Regarde toi-même si tu ne me crois pas.

La jeune femme brandit devant lui son Iphone et lança une vidéo.

— Alors ? C’est pas toi peut-être ?

— Comment as-tu eu ces images ?

— C’est la seule chose qui t’intéresse ? Je les ai reçues par mail il y a moins d’une heure. Et ce n’est pas tout. Il y a aussi des enregistrements de conversations très compromettantes.

— Sur quoi ?

— Les essais cliniques d’Alabama, il y a deux ans, ça te dit quelque chose ?

Carter sentit des gouttes froides couler dans son dos. Piégé, il avait été piégé, mais par qui ?

— Il y a aussi une exigence. Tu dois démissionner immédiatement de SynBioLabs en assumant la totale responsabilité de toute cette merde.

— Mais ce n’est pas moi qui ai piloté ces essais, je ne suis responsable que de la partie juridique.

— Tu crois que mon père va s’arrêter à ce genre de détails ?

— Et si je refuse de porter le chapeau ?

— Tu seras viré de toute façon et je te souhaite bon courage pour retrouver un job, mais en plus, le mail dit que les vidéos seront publiées sur le web. Tu as jusqu’à lundi matin. Et au fait, tu fais ta valise et tu disparais de cette maison. C’est avec mon avocat que tu discuteras désormais.

Julia tourna les talons et partit vers la chambre. Carter ne savait plus quoi faire, ni vers qui se tourner. Il était incapable de penser rationnellement. La jeune femme avait raison, sa vie était brisée. Aucune firme ne lui accorderait jamais le moindre poste et il était trop vieux pour être équipier chez McDonalds. Il n’avait pas de fortune personnelle. Il dépensait l’argent à mesure qu’il le gagnait sans jamais avoir rien mis de côté, comptant sur le patrimoine des DePriso. Même ses stock options de Valantis ne vaudraient plus rien dès lundi et essayer de les négocier ce week-end équivaudrait à un délai d’initié sans circonstance atténuante. Il ne lui restait qu’à repartir de zéro, ou presque, à l’étranger, dans un endroit où on ne lui poserait pas de questions sur son passé. Il lui restait une dernière chose à faire.

— Betty, Je suis dans la merde.

— Je sais, moi aussi, répondit une voix sanglotant à l’autre bout de la ligne. J’ai reçu un mail avec des vidéos.

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