Déontologie

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Montgomery, Alabama

Samedi 9 juillet


Il était tôt pour un samedi lorsque Betty et Jack s’étaient retrouvés pour le petit-déjeuner. Ils avaient décidé de partir tôt pour passer le week-end à Gulf Islands, sur la péninsule fermant la baie de Mobile. Ils avaient déjà parcouru la moitié du chemin et venaient de s’arrêter pour boire un café à proximité d’Evergreen quand leurs téléphones avaient annoncés simultanément l’arrivée d’un message. Chacun d’eux sortit son appareil pour prendre connaissance de l’information. Betty laissa échapper un juron retentissant qui fit se retourner les clients des tables voisines. Jack lut le texte qui lui avait été adressé en serrant les dents.

— Dis-moi que ce que je viens de lire est faux, que c’est une très mauvaise plaisanterie, grommela Jack à l’attention de son épouse.

Betty avait blêmi. Elle avait cliqué sur le lien associé au SMS et avait eu le temps d’apercevoir les premières images de la vidéo avant de couper l’application.

— De quoi me parles-tu ? demanda Betty d’une voie faible.

— Ces histoires de menaces sur des témoins et de corruption de fonctionnaire. Des dossiers dont tu t’occupes personnellement.

L’avocate se sentit presque rassurée, elle avait craint un instant que son mari ait reçu le même message qu’elle.

— Quelles menaces ? Je me suis contenté de rappeler les obligations contenues dans les contrats.

— Sous peine de les trainer au tribunal et de leur réclamer un million de dollars. On peut considérer ça comme une menace, non ? Et la corruption de fonctionnaire ? Il aurait même été envisagé de l’éliminer physiquement.

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? D’où tiens-tu de telles informations ?

— Quelqu’un de visiblement très bien informé, qui semble disposer de sources fiables.

— Ce sont des mensonges. On cherche à me nuire. Je ne laisserai pas faire ça.

— Au contraire, il est hors de question que de telles informations soient rendues publiques. Miller Stanton ne peut pas être mêlé à de telles histoires. Et toi, qu’est-ce que tu as reçu ?

— Ce sont… des menaces, d’une source anonyme. Je crois que l’on cherche à me déstabiliser.

— Je crois plus à une forme de chantage, non ? Il n’y a pas que toi. C’est aussi notre cabinet qui est mis en cause. Je ne laisserai pas plonger notre affaire à cause de tes erreurs. Il faut réagir immédiatement. Nous rentrons à Montgomery et je convoque d’urgence tous les associés.

— On est samedi, c’est un week-end d’été, ils sont partis avec leurs familles… protesta Betty.

— S’il le faut, nous ferons une visio. On ne peut pas attendre lundi.


Le couple avait atteint Greenville lorsque le téléphone de Betty se mit à sonner. Elle reconnut le numéro de Stuart Carter. Il ne lui fallut pas longtemps pour faire le lien.

— Betty, Je suis dans la merde.

— Je sais, moi aussi, répondit une voix sanglotant à l’autre bout de la ligne. J’ai reçu un mail avec des vidéos.

— Qu’est-ce que tu as l’intention de faire ?

— Je ne peux pas en parler maintenant, je vous rappellerai plus tard.

— Qui était-ce ?

— C’était à propos de ces histoires de menaces. Nous ne sommes pas les seuls à avoir été contactés. Mon client chez SynBioLabs a également été ciblé.

— Pourquoi lui as-tu dit que tu ne pouvais pas en parler maintenant ? Tu as autre chose à me cacher ?

— Non, non… c’est juste que je préfère prendre le temps de réfléchir à tout ça calmement. Je veux d’abord rentrer à la maison. Ensuite, nous aviserons.

— Très bien, nous y serons dans moins d’une heure. Je vais contacter mon assistante et lui demander de monter une vidéo-conférence à quatorze heures.


Dès qu’ils furent rentrés, Betty alla s’enfermer dans sa chambre pendant que Jack s’installait dans le bureau. Un nouveau message lui avait été adressé.

« Je suppose que votre mari va réunir les associés du cabinet Miller Stanton au plus vite. Vous annoncerez que vous assumez personnellement la responsabilité des actions contraires à l’éthique et que vous démissionnez du cabinet. Vous laisserez les autres associés se répartir vos dossiers et vos parts dans l’affaire. Si vous ne suivez pas ces instructions, l’information sera relayée auprès de l’American Bar Association. Je vous laisse apprécier le scandale que cela fera. Je me verrais par ailleurs contraint de publier les vidéos sur le web. Je me réserve la possibilité de les envoyer directement à Jack Stanton si vous n’êtes pas assez convaincante. Vous avez joué à un jeu très dangereux et vous avez perdu. Il faut maintenant en payer le prix. »


Betty composa le numéro de Carter.

— Stuart, qu’est-ce qui nous arrive ?

— Quelqu’un nous a piégés, Betty. Quelqu’un qui cherche à nous nuire gravement. Je dois annoncer ma démission de SynBioLabs et endosser la responsabilité des essais foireux. En plus de ça, ma femme vient de me virer de la maison. On lui a envoyé des vidéos de nous deux à Boston.

— Je les ai reçues aussi, mais je ne crois pas que Jack les ait.

— Ce n’est qu’une question de temps, on nous tient pas les couilles, si je peux me permettre cette expression.

— Qui peut avoir monté ça ? Et pourquoi ?

— Je n’en ai aucune idée. Je pourrais comprendre l’article du journaliste, c’est vrai qu’on n’a pas été très corrects avec ces familles, mais les vidéos, je ne vois pas.

— Qui aurait pu savoir que nous devions nous voir ce jour là, à cet endroit là ?

— Je n’en ai parlé à personne, répondit Carter.

— Moi j’ai juste demandé à ma secrétaire de réserver l’avion et l’hôtel.

— Tu as toute confiance en elle ?

— Pourquoi aurait-elle monté ce scénario ?

— Pas volontairement, mais peut-être qu’elle est à l’origine de cette fuite, à son insu.

— Tu crois que ce journaliste aurait pu s’introduire dans les ordinateurs du cabinet ?

— Je n’en sais rien, mais tout est possible aujourd’hui. Que vas-tu faire de ton côté ?

— Jack a convoqué nos associés en visio. Je n’ai pas le choix, je vais annoncer que je quitte Miller Stanton, pour éviter que ce soit tout le cabinet qui s’effondre.

— Je n’ai plus rien à Boston, ma carrière est foutue. Je vais quitter le pays pour essayer de redémarrer ailleurs, peut-être en Australie. Pars avec moi !

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