L’attaque
Marathon, Floride
Dimanche 10 juillet
Le gros Zodiac Hurricane s’engagea à faible vitesse dans la marina de Marathon. Tous feux éteints, il se dirigea vers l’appontement où était amarré le Riviera appartenant à la holding familiale Rochambault. Les trois hommes à bord portaient des pistolets mitrailleurs mini-Uzi en bandoulière. Le pilote amena le pneumatique contre le bord du bateau et l’homme à la proue passa un bout dans un taquet. Le troisième se hissa prestement sur le pont et son comparse lui tendit un gros jerrican. L’homme se dirigea vers l’arrière et força l’accès au compartiment moteur. Il y déversa le contenu du bidon avant de poser un petit boitier qui commença à clignoter.
— On a cinq minutes, dit l’homme en regagnant son embarcation. Sors-nous de là !
Le pilote remit doucement les gaz, s’éloignant discrètement en direction du large. Comme ils atteignaient les extrémités des jetées, ils purent voir les flammes monter derrière eux. Le pilote mit les gaz et lança le Zodiac cap à l’ouest, vers Bahia Honda. Moins d’une heure plus tard, le pilote bloqua la barre en direction du sud et mit les gaz en grand. Les trois hommes se mirent à l’eau et nagèrent en direction de Sandspur Beach. Sur la plage, un signal lumineux apparut. Le commando se dirigea vers le van noir où les hommes se débarrassèrent rapidement de leurs équipements de plongée.
— Le Riviera est au fond du port, commenta le chauffeur. Bon travail !
— Il nous reste la villa.
— Mieux vaut attendre un peu, l’endroit va grouiller de flics américains. On va se trouver un coin calme et laisser passer le plus gros de la tempête. Un petit déjeuner yankee, ça vous dirait ?
— Et comment, je meurs de faim ! répondit celui qui dirigeait le groupe nautique.
Le van GMC s’arrêta sur le parking d’un diner à proximité de l’aéroport de Marathon pour attendre l’heure d’ouverture.
— C’est le bateau de Pablo Lopez qui a brûlé cette nuit, commenta l’un des hommes accoudé au comptoir devant un café et des pan cakes.
— Tu crois que c’est un accident ? demanda son collègue.
— Comment veux-tu que je sache ? En tout cas, ce genre de bateau ne prend pas feu spontanément.
— On dit que les hommes du shérif on trouvé un dispositif de mise à feu dans l’épave, ajouta un troisième convive.
— Qui peut bien avoir fait ça ? C’est plutôt calme par ici.
— Peut-être un règlement de comptes entre trafiquants !
— Je connais Pablo depuis vingt ans, ce n’est pas le genre à faire de la contrebande.
— En tout cas, il y a du monde sur la marina depuis ce matin. Il parait qu’il y a une équipe de la DEA qui vient de débarquer de Miami. C’est sûrement pas pour pêcher le marlin.
Le conducteur du van traduisit pour ses camarades.
— Il va falloir être prudents, si les flics font le lien entre le bateau et la drogue, ils vont aussi surveiller la villa.
— Juan Pablo nous a demandé de finir le travail au plus vite, on va aller voir quand même.
— OK, on attend un peu et on va faire un repérage, ensuite on avisera.
Marjorie Westwood remonta du port, accompagnée de l’agent Pete Weston. Ils se dirigèrent vers la villa de Will Rochambault. Un adjoint du shérif lui avait signalé que le propriétaire venait d’arriver sur les lieux. Suite à l’arrestation de son bras droit trois jours plus tôt, la DEA avait mis Rochambault sous surveillance. Pour les fédéraux, il ne faisait aucun doute que l’incendie du bateau et la saisie de drogue étaient liés. La patron de Will Roch Records ne pourrait plus cette fois se dédouaner en feignant d’ignorer l’origine de la cargaison saisie. Les deux agents trouvèrent l’homme très abattu, ou en tout cas en donnant l’impression.
— Monsieur Rochambault, je ne crois pas aux coïncidences, déclara Westwood en préambule. Voilà comment je vois les choses, votre fournisseur à Saint-Domingue, Juan Pablo Oriega, n’est-ce pas ? Et bien il n’a pas vraiment apprécié l’épisode de North Palm Beach. Il a pensé que vous étiez de mèche avec nous et que vous aviez fait porter le chapeau à votre ami Brown. Nous, nous savons que ce n’est pas vrai, vous n’êtes qu’un minable trafiquant sans envergure, mais lui voit les choses autrement. Il a besoin de montrer qu’il faut le respecter et qu’on ne peut pas se jouer de lui sans en payer le prix.
— Je ne sais pas de quoi vous parlez, répondit Rochambault. Je ne connais aucun Oriega.
— Inutile de nier, nous savons que vous avez rencontré Oriega à Kingston il y a un peu plus d’un mois, et plus récemment à Saint-Domingue. Vous croyez que vos petites histoires de musique sont en mesure de nous tromper ?
Le van s’approcha lentement de la villa. Ils virent la voiture du Shérif s’éloigner. Seule, une Ford Mustang convertible stationnait devant la villa. Pendant que le conducteur s’éloignait, les trois hommes du commando remontèrent l’allée l’arme à la main. L’un d’eux se dirigea vers l’entrée principale tandis que les deux autres contournaient le bâtiment. Quand la porte s’ouvrit, Weston sortit son arme et ouvrit le feu en direction du grand noir qui se présentait dans l’encadrement. Son adversaire riposta d’une rafale d’Uzi qui faucha l’agent de la DEA. Westwood s’accroupit derrière l’ilot de la cuisine et cria des ordres dans sa radio tactique.
— Attaque dans la villa, un agent au sol. Demande assistance.
Elle risqua un œil et vit que l’homme à la porte avait été neutralisé. Son partenaire semblait vivant. Il lui fit un signe de la main qui lui sauva la vie. Westwood se retourna juste à temps pour voir l’assaillant qui se présentait derrière la baie vitrée. Elle tira trois balles à travers la vitre et l’homme s’écroula sur la terrasse. De l’extérieur, elle entendit une nouvelle rafale d’arme automatique suivie de plusieurs coups de riposte.
— Cible neutralisée, cracha la radio.
Westwood se rapprocha avec précaution de son camarade, il se redressait péniblement.
— La vache, même avec le gilet, ça fait mal !
Son blouson était perforé à la hauteur du thorax de trois impacts.
— Tu as eu de la chance, finalement. Il aurait pu viser plus haut.
— Et Rochambault ?
Westwood se retourna vers le fond de la pièce. Il était étendu au sol dans une mare de sang. Un homme qui venait d’entrer se précipita vers lui avec une mallette de premiers soins à la main. Après quelques minutes, il donna son diagnostic.
— Il est vivant mais il a été touché dans le dos. Il devrait s’en sortir, mais je ne sais pas s’il pourra remarcher. Il faut une ambulance d’urgence.
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