Chapitre 11
J’ouvris les yeux brusquement. Je fronçai le sourcils, puis regardai autour de moi. Corentin dormait, Cléa aussi. Je compris que j’avais du m’endormir.
Je m’apprêtai à réveiller mes deux compagnons de voyage, mais un cri résonna dans le désert.
- Attendez !
Trois hommes et une femme accouraient dans notre direction. Immédiatement, des hurlements retentirent derrière eux. Je compris que les hommes étaient poursuivis par une meute d’Affamés.
Je réveillai Corentin et Cléa et leur donnai chacun une arme.
- Attendez !
- S’il vous plaît, aidez-nous ! cria un autre homme.
- On tire dans le tas ? demanda Corentin.
Un Affamé bondit sur le dos d’un homme, qui tomba à terre et fut tout de suite recouvert par d’autres Affamés.
- N’utilisez pas les armes des Autres. Je vais prendre les cartes, ça sera plus rapide.
Puis je criai aux hommes et à la femme devant nous :
- Courez jusqu’à nous !
Ils puisèrent dans leurs dernières forces pour arriver jusqu’à nous. Ils s’écroulèrent par terre puis se réfugièrent derrière moi. Je pris le trois de Pique, puis, avec un soupir, je fis un geste en diagonale avec ma main.
Les Affamés tombèrent tous à terre d’un coup. Cinq d’entre eux, qui étaient accroupis près du corps de l’homme, échappèrent au massacre.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda la femme.
- C’est de la magie, ironisa Corentin.
Les Affamés reniflèrent les corps de leurs congénères morts, puis fuirent en poussant des couinements apeurés. Je rangeai discrètement la carte sans que les deux hommes et la femme le remarquent.
- C’est un mauvais tour, pas vrai ? demanda un homme. C’est... une sorte de télé-réalité ?
- Nous ne sommes pas des acteurs, répliquai-je sèchement. Allez voir les corps de ces anciens humains, et le corps de votre ancien compagnon de voyage. Vous verrez qu’ils sont bien morts, et que nous ne mentons pas.
Un peu hésitant, l’homme s’avança jusqu’au cadavre le plus proche. Il le toucha du bout du pied, avant de faire de même avec sa main. Il se redressa, et dit :
- Ils sont morts.
- Qu’est-ce que je vous avais dit ! m’exclamai-je. Maintenant, je vous prie de m’excuser, mais...
- Comment avez-vous fait ça ? demanda l’autre homme.
- C’est un secret, et vous n’avez pas à le savoir !
Je me détournai, mais l’homme m’attrapa le bras :
- Eh ! Dites-nous votre secret !
- Tu as vu comment son sac est rempli, entendis-je souffler la femme au premier homme.
- Tu as de la nourriture ? me demanda celui-ci.
Je sentis que la conversation était en train de mal tourner, c’est pourquoi je dis clairement :
- Nous sommes dans un monde post-apocalypse ! Chacun a ses secrets pour survivre !
- Tu vas nous dire ça tout de suite ! dit le second homme en me serrant le bras un peu plus fort.
- Vous êtes plus ingrats, pour des hommes que j’ai sauvé, ironisai-je en tentant de me dégager.
- Sauvé ! Un grand mot pour peu de choses, dit l’homme en parfaite mauvaise fois. Et de toute façon, il est peu probable que vous ayez fait ça.
- Ça m’apprendra à aider des personnes que je ne connais pas ! dis-je en me libérant de son emprise.
- Arrête de parler et...
Je lui mis une arme des Autres sur son front, et l’homme s’arrêta net. Il recula précipitamment, entraînant ses amis derrière lui.
- Qui êtes-vous, pour avoir une arme ? Pas des gamins de 14 ans, ça c’est sûr !
- Et vous, qui êtes-vous pour en juger ? répliqua justement Corentin en sortant une arme à son tour.
Cléa fit de même, et nous menaçâmes chacune des trois personnes qui se tenaient devant nous. Le premier homme, celui qui avait examiné les cadavres, sortit à son tour un revolver de son veston.
Personne ne parla durant quelques minutes. Je finis par dire :
- Et si nous en restions là et que nous partions chacun de notre côté, pour ne pas faire plus de morts que nécessaire ?
- Si l’un d’entre vous part, nous le tuons, dit le premier homme fermement.
- Alors qu’est-ce qu’il faut faire pour que vous nous laissiez partir ?
- Dites-nous votre secret, répondit-il simplement.
- C’est impossible, dis-je en secouant la tête.
- Alors nous ne vous laisserons pas partir, dit l’homme.
- Très bien, dis-je.
D’un mouvement rapide, je tirai sur l’homme au revolver. Celui-ci éclata, laissant ces deux compagnons éberlués. Je dis calmement :
- Je vous prie de partir, maintenant.
La femme partit en courant, mais fut rattrapée par un tir de Corentin. Le second homme se jeta au contraire sur moi, et me maîtrisa de ses deux mains. Je lui donnai un coup de pied, qui le fit reculer, et tirai sur lui.
Il éclata à son tour, nous laissant à trois. Je déclarai :
- Je les avais prévenu, mais ils ne m’ont pas cru.
- Ce n’est pas de ta faute s’ils sont morts, résuma Corentin. La bonne excuse !
- Tu ne vas pas dire qu’ils ne l’ont pas fait exprès !
- Ils ne nous croient pas car nous sommes des enfants, déplora Cléa. Ils ne nous croient pas capables de tuer !
- Je leur ai prouvé que c’était faux, dis-je. Bien, vous vous êtes assez reposés ?
- Le réveil a été un peu trop brusque, mais j’ai bien dormi.
- Ne tardons pas davantage alors, dis-je en regardant autour de moi. La dune est là-bas, donc nous devons aller dans cette direction. En route !
- C’est pas toi le chef, marmonna Corentin en se mettant en route.
Nous commençâmes notre marche, sans se soucier des éternelles protestations de Corentin :
- Et arrête de nous faire croire que tu nous sauves à chaque fois.
- Parce que ce n’est pas vrai, peut-être ? dis-je en me retournant brusquement. Qu’est-ce que tu aurais fait, cette fois ?
- Et bien, je.., répliqua Corentin, pris de court. J’aurais utilisé les armes des Autres je suppose...
- Armes que nous avons grâce à moi, contrattaquai-je. Et que veux-tu faire avec trois armes contre une horde d’au moins cinquante Affamés ?
- On se serait fait bouffer, acquiesça Cléa.
- J’en aurais passé aux trois autres, ça aurait été plus équitable ! affirma Corentin.
- Je ne pense pas que ça aurait fait une différence, dis-je en secouant la tête. Et on se serait fait avoir après lorsqu’ils nous auraient menacé.
- Non, ils nous ont menacé car tu as utilisé les cartes !
- Ce n’était qu’une excuse ! Tu les as vu ? C’est tout juste s’ils n’étaient pas devenus fous à cause de la faim ! Ils nous auraient tué pour avoir notre nourriture !
- Donc, ce que tu as fait était la seule solution possible et sans risque ? ironisa Corentin.
- Sans risque non, concédai-je. Je ne savais pas la portée de la puissance de la carte. Seulement quatre Affamés sont restés vivants, mais il aurait pu en avoir plus, et nous aurions été obligés d’utiliser les armes des Autres, donc dévoiler nos atouts avant.
- Je ne vois pas en quoi c’est mal ? dit Corentin en fronçant les sourcils. Nous leur aurions montré que nous étions les plus forts !
- Non dans ce cas, ils nous aurait attaqué dans le dos parce qu’ils connaissaient nos armes, le détrompai-je.
- C’est comme ça que tu vois toutes tes actions ? demanda Cléa. En évaluant le risque de chaque possibilité d’action, et en choisissant la meilleure ?
- Non, admis-je. Souvent, je le fais après, pour voir ce que j’aurais du faire.
- Et tu vois quelque chose que tu as mal fait ? s’enquit Corentin.
- Je me demande si je n’aurais pas dû leur dire que nous avions les cartes...
- Ils se seraient méfiés, répondit Cléa.
- Oui mais ils auraient eu peur de nous, répliquai-je. Parce qu’ils ne n’auraient pas su comment les cartes marchent.
- Et les armes des Autres, alors ?
- C’est comme un revolver, dis-je. Il y a une détente, et on appuie dessus. C’est simple.
- Les cartes ne sont pas si compliquées à maîtriser, dit Corentin.
- Qu’est-ce que tu en sais ?
- D’après ce que tu nous as expliqué, il suffit de se concentrer et de faire un signe dans les airs.
- C’est vrai, admis-je. Mais je ne comptais pas leur expliquer.
- Tu aurais du faire un essai sur quelque chose, dit Cléa.
- Je l’aurais fait sur eux, dis-je. Ils auraient eu peur et ils se seraient enfuis. Pas mal, car il y aurait eu deux morts en moins, au minimum, peut-être trois s’ils m’auraient cru tout de suite.
- Ce qui est peu probable, déplora Cléa.
- Ce qui est fait est fait, intervint Corentin. Arrête de ressasser le passé, ça ne sert à rien.
- C’est toujours intéressant de regarder le passé pour voir nos erreurs, et ainsi éviter de les refaire dans le futur.
Cette réplique cloua le bec à Corentin, et nous marchâmes le reste de l’après-midi en silence, jusqu’à ce que la nuit tombe. Comme tous les soirs je distribuai les rations, mais cette fois un peu plus grandes pour Corentin et Cléa.
En effet, cela faisait un jour qu’ils n’avaient pas mangé. Nous redistribuâmes les tours de gardes, puis, étant comme d’habitude celui du milieu, je ne tardai pas à m’endormir après cette journée riche en émotions.
Annotations
Versions