Prologue
La nuit tombe. La Lune et ses fidèles étoiles prennent une place de plus en plus importante dans le ciel.
Tranquilles, elles regardent le jeune homme, qui, en bas, s’est camouflé dans un buisson. Son expression trahit une certaine appréhension, peut-être liée au fait qu’il soit dans une propriété privée bien gardée, ou bien au fait, sans doute plus plausible, qu’il s’apprête à sacrifier la vie d’un petit bout d’être humain.
Il attendait depuis quelques heures déjà dans une posture tout à fait immobile, et, si lui-même ne s’impatientait pas, son corps commençait à trahir quelques signes de fatigue.
Mais il n’avait l’ordre de commencer sa mission qu’à minuit, et trahir sa présence, même involontairement, reviendrait à trahir les ordres. Il frissonna à l’idée de ce qu’il pourrait lui arriver s’il était inculpé de trahison.
Enfin, l’heure tant attendue arriva.
Doucement, sans faire de bruit, il sortit des feuillages épais, et sac au dos, traversa le parc, aussi discret qu’une ombre.
Bien entendu, la villa était fermée et extrêmement surveillée, mais son plan avait déjà été mûrement préparé. Il longea donc le mur, et, passant par un des soupiraux de la bâtisse, atterrit dans une grande cave humide. Comme prévu, un des employés avait malencontreusement omis de fermer la porte à clefs, ce qui permit donc à l’homme de pénétrer, doucement mais sûrement, dans la partie habitée de la demeure.
Il ouvrit son sac à dos et sortit tout son matériel, puis pénétra dans la première chambre.
Allongé dans un grand lit d’ébène, recouverte d’une longue chemise de nuit qui laissait tout deviner de ses formes, une femme d’âge mur dormait. Elle était d’une grande beauté, et, l’espace de quelques minutes, son mystérieux visiteur s’oublia dans sa contemplation.
Elle avait la peau pale, presque blanche, les pommettes hautes et des lèvres vermeilles. Ses cheveux formaient une auréole sombre autour d’elle, et sa posture alanguie semblait appeler au sommeil et à la douceur.
Si elle était au ciel, il aurait dit que c’était un ange.
Reprenant brusquement ses esprits, il détourna son regard, prit une seringue, la remplit d’une substance inconnue, puis, saisissant son bras, piqua sa peau fine et déversa le liquide dans son sang.
Abrutie par les nombreux somnifères qu’avait involontairement glissé la cuisinière dans les plats du dîner, elle n’eut aucune réaction.
Enfin, s’assurant une dernière fois qu’elle ne s’éveillera pas et que l’anesthésiant qu’il venait de lui injecter faisait effet, il commença la seconde partie de sa mission, la plus difficile et la plus dangereuse.
L’homme avait l’air compétent dans ce qu’il faisait, car ses gestes étaient sûrs et il n’hésitait jamais. Il accomplit donc sa tâche avec rapidité et brio, sans que la femme n’esquisse le moindre geste.
Enfin, au bout d’un certain temps, il contempla avec satisfaction le ventre gonflé de la femme. Il allait probablement perdre de sa rondeur dans les jours à venir, pour enfin recouvrer la silhouette plate qu’elle devait avoir il y a quelques mois de cela.
Il était heureux : Il avait réussi sa première mission avec succès, et ce sans trop d’états d’âme.
Après tout, se dit-il, cet enfant avait plutôt de la chance de ne pas naître dans un monde pareil.
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