Chapitre 6:  Un ennemi sur le territoire français

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Point de vue de l’ennemi français


La nuit est très obscure. L'eau monte dans ma barque. J’ai la vision trouble et je ne sais même pas où je vais. Je fais confiance à la carte que mon grand frère m’a donnée avant que nous nous quittions sur le territoire américain. Mon objectif était de retourner à Londres pour raconter à l'empereur que nous avions presque atteint l’objectif, mais un bateau venant d’Amérique a percuté le mien et ils ont tiré dans mon omoplate gauche. Je suis gravement blessé. Je saigne beaucoup. Je devais me rendre à la Manche il y a à peine deux jours, mais me voilà, seul, au bout de la mer Méditerranéenne. Je ne sais même pas où mon bateau à échouer, car les nuages couvrent le ciel noir. Je descends de la barque, avec le peu de force qui me reste, le pousse et sens les galets s’enfoncer dans mes pieds. J’ai la mâchoire crispée. Arrivé au bord de la plage, je m’écroule dans le sable doré et m’évanouis.


* * *


L’eau de la mer me chatouille le visage. J’ouvre l’œil gauche, puis celui de droite. J’ai un début de mal de tête. C’est un mauvais signe. Ma plaie coule encore. Je sens encore la douleur m’électrocuter le bas du corps. Je dois vite voir un médecin de toute urgence, mais avec ma tenue, ils vont reconnaître que je suis un anglais… j’enlève mon casque et mon armure en argent et les lance dans la mer. Je garde avec moi la gourde, l’épée et la carte. Tout autour de moi il y a des rochers et des falaises. Je crois reconnaître le lieu. Je m’en souviens, puisque maman nous avait emmené une fois au sud de la France pour rendre visite à ses arrières grands-parents qui étaient d’origine français. J’observe la carte et en déduis que j’ai échoué à la plage de Cassis. Il faut à tout prix que je change d’identité. Pour ça, j’ai une idée. Mon grand-frère m’avait parlé d’une armée privée française que le roi gardait secrètement, et comme il est de mon devoir d’espionner le roi de France, je vais me faire passer pour un mousquetaire. Je réfléchis éventuellement à un nouveau prénom. Je vais reprendre l’ancien nom de mes arrières grands-parents qui étaient « Le-Grand. » Comme je sais bien parler français, il n’y aura aucune raison que les gens se doutent de mon accent. Il faut impérativement que je remonte jusqu’à Versailles et pour ça, il va me falloir un cheval.


* * *


Ma marche est très lente. Je boite en grimpant la gigantesque forêt de cyprès. J'arrive au sommet. La vue est resplendissante. Des mouettes volent en tout-bas et cherchent à se poser. Le soleil se lève au-dessus de la mer. L’écume brille aux éclats de l’aube. Je grimace lorsque je veux sourire. Au moment de me retourner, je vois une auberge, qui commence à s’ouvrir. Une jeune femme jette de l’eau usée dans l’herbe sèche. Je m’approche d’elle. Elle est horrifiée. Elle a dû voir mes vêtements tachés de sang. Elle prévient son mari qui était en train de couper du bois. Le gentil-homme lâche sa hache pour venir à mon secours. Tous deux me transportent et m'allongent dans un lit. Heureusement, l’époux de la femme s’y connaît en chirurgie et me met une branche dans la bouche. Il sort son matériel, plus particulièrement l’écarteur et une pincette pour récupérer la balle. La dame ne veut pas voir. Elle retourne à ses tâches, tandis que son époux, commence à prendre le scalpel pour ouvrir l’omoplate. Une fois les trois peaux de couches ouvertes, il prend l’écarteur pour ouvrir la plaie. Une vive déchirure me pique dans les dents. Je serre le plus fort possible le bâton.

— C’est bientôt terminé monsieur, je vous le promets.

Il insère la pincette et ramasse la balle. Une fois enlevée, il la pose dans un mouchoir en tissu, enlève l’écarteur et recoud ma plaie.

— Vous avez été très fort.

Je regarde ailleurs, pensif.

— Je ne vous ai jamais vu dans le coin, d’où venez-vous ?

Ces questions m’exaspèrent.

— De Paris, je mens.

— Oh, mes grands-parents viennent de Paris, mais bon, vous devez l’entendre à mon accent que je suis du sud.

Je ne prête aucune attention à ce vieux monsieur qui me parle. Tout ce que je veux, c’est qu’il me recoud et qu’on soit quitte.

— Puis-je savoir qui vous a fait du mal ?

Une fois l’aiguille passée sur ma blessure, je brandis mon épée devant lui pour qu’il me laisse tranquille. Je descends du lit, range mon arme dans l’étui et demande au vieux monsieur s’il a un cheval. Nous passons tous les deux aux écuries. J'équipe mon cheval et pars sans dire un mot, à Versailles.


* * *


Il y a une foule immense à Versailles. Je tente de diriger le cheval vers la cour royale, en m’aidant de la carte. Sans prêter d’attention, l’animal fait tomber un panier à poisson.

— Hé monsieur, dirigez mieux votre cheval, s’énerve une paysanne.

Je ne la regarde même pas et poursuis ma route. Arrivé devant la grande cour, remplie de pavé de pierres au sol, je vois une armée soldat passée devant moi. Je vois le caporal, dressant son étrier. Le visage strict, il demande à ses soldats le repos. Ils obéissent et quittent la cour, dont deux veillent avec leurs chevaux, la porte du roi. L’étalon du caporal s’avance vers moi, agilement.

— Qui êtes-vous ?

Il maîtrise à la perfection son cheval. Il ne bouge pas d’un seul cheveu.

— Je suis venu ici, au nom du roi, pour devenir mousquetaire.

Il nettoie son bicorne et le pose convenablement sur sa tête, avant de lever un sourcil.

— Vous ? Mousquetaire ? Cela m'étonnerait. Votre lettre s’il vous plaît.

Mon pur sang s’avance vers lui discrètement. Je le lui tends. Il analyse la lettre de fond en comble et me laisse passer.

— Je vous donne rendez-vous à la salle des armures, monsieur Le-Grand.

Grâce au mousquetaire que j’avais croisé en cours de route, j’ai pu le tuer et prendre sa lettre en copiant à l’identique la signature du roi.


* * *


J’entre avec le brigadier dans une immense salle. Des mousquetaires sont en train de s’entraîner. Deux braves hommes sont en pleine chorégraphie. Un coup en avant, un deuxième pour se défendre et le coup magistral, touché à la poitrine droite. Celui-là c’est mon préféré.

— L’objectif c’est de blesser votre adversaire avant de le tuer. Faites attention Paul, votre épée n’est pas assez flexible.

Le petit nouveau a l’air de bien se débrouiller, mais je le vois, son point faible. Il ne tient pas assez en équilibre sur ses deux jambes.

— Plus de souplesse Ignace, plus de souplesse et Paul lève plus tes épaules.

Le brigadier est comme moi, nous voyons bien les défauts de ces jeunes mousquetaires. Je remarque que Paul change de tactique et préfère désarmer son adversaire en soulevant le bout de son épée. Elle vole dans les airs et tombe à mes pieds. Le combat se termine sur son cœur. Quel magnifique jeu je trouve. Le petit nouveau à l’air d’être fier. Quelques soldats applaudissent. Le caporal demande à ce que ça soit mon tour. Je sors instinctivement mon épée et ne prends même pas la garde.

— En garde. Prêts ? Allez-y !

Facile, je vois facilement. Je le laisse courir et m’attaquer, mais au lieu de ça, je me retourne et me penche pour toucher au bout de mon épée ses deux jambes. Il perd l’équilibre, tombe au sol et tends mon arme à son cou. Le public est stupéfait de ma performance. Je le laisse se relever et la range dans mon centurion, sans même regarder le chef des mousquetaires. Il aide son jeune soldat à se lever, qui lui est totalement chamboulé. Il tapote son épaule pour le féliciter et vient me voir.

— Pas mal pour un débutant, je me trompe ?

Je sors de ma poche un cigare et l’allume.

— Il est interdit de fumer dans les lieux publics.

Je lâche tout de même une grosse fumée sur son visage avant de sourire narquoisement.

— J’ai une mission à vous confier avec Paul.

Avant de quitter le lieu, je fais demi-tour en enlevant mon cigare et attends auprès de Paul.

— Le roi m’a tenu au courant l'arrivée d’un dénommé monsieur Athanase Loyal. J’aimerais que vous le preniez en charge avec Paul et que vous le présentiez devant le roi.

— Oui mon colonel, répond bêtement le jeune homme.

Je devance devant lui.

— Mon nom pour vous sera monsieur Dubain, avant de m’appeler mon colonel.

— Oui monsieur Dubain…

— Et vous ? Puis-je connaître votre nom ?

Je marque un temps de pause avant d’y répondre.

— Alexandre Le-Grand, monsieur Dubain.

bicorne* : nom du chapeau que portait Napoléon

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