Chapitre 1

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Kenna a un mouvement de recul en ouvrant sa messagerie personnelle, un mail sans objet lui saute aux yeux. L’absence de titre n’est pas le problème, mais le nom qui l’accompagne.

Marine Waldener-De Reiset, lit-il sans voix.

Son cœur est malmené par des soubresauts autant de fois que son regard repasse sur celui-ci. Après une rupture par mot électronique et 3 années de silence radio, quatre, presque ! il est surpris qu’elle réapparaisse dans sa vie.

Une faible colère se manifeste en lui. Cette femme l’avait nourri d’espérance pour finalement le jeter par mail. Comme un abruti, il avait estimé que leur histoire n’était pas que belle, mais également solide. Ils s’étaient rencontrés dès leur premier jour de cours à l’université de Paris-Saclay, ils avaient 17 ans.

Brillant, Kenna, arrivé depuis peu en France, séduisait autant par son visage agréablement illuminé de traits fins, un faible sourire quasi permanent, et un teint d’ébène et satiné. Enjôleur et sociable, il charmait par son caractère enjoué et se tissait des amitiés quasi dans tous les coins de rue.

Marine, également bachelière de fraîche date, venait de quitter son Alsace natal pour étudier à Paris. Ses grands yeux hazel, sa longue chevelure brune et abondante, balayée de mèches éclaircies, ses petites lèvres pleines et roses, son teint clair et parfait la rendaient aussi irrésistible que lui.

Sans tarder, le jeune homme avait craqué pour elle et ne s’était plus jamais retourné sur aucune autre femme. Seulement, elle était réservée et farouche. Par la suite, elle avait accepté que son amitié après lui avoir confié un passé traumatisant dont elle tentait de s’exorciser.

Kenna avait donc été patient alors qu’habituellement, il refusait d’entrer dans la friendzone. Néanmoins, pour Marine, aussi douce que séduisante, il était prêt à tout endurer, même une simple amitié avec une fille.

Il avait ramé pour plonger leur relation amicale dans une autre dimension. Et, durant près de 4 ans, ils avaient vécu un amour ardent et entier, ne prêtant aucune attention à une quelconque dimension sociale ni culturelle ni à leurs entourages. Puis, Kenna avait demandé à Marine de l’épouser, ils avaient 21 ans.

— « … comment es-tu certain que je sois la Bonne ? s’était-elle inquiétée, nous ne connaissons pas encore nos familles respectives… !

— Parle pour toi ! Ma sœur, mon beau-frère, mes deux neveux et ma nièce te connaissent, et c’est eux ma famille !

Via WhatsApp… !

Peu importe, ils t’adorent déjà et sont heureux pour nous. »

Cette soirée-là, il avait serti l’annulaire de la jeune femme d’une somptueuse bague ; plus de la moitié de ses économies y était passée.

— « … dès le premier instant, mon âme a su qui tu es… » lui avait-il déclaré.

Le plongeant dans le camaïeu de son regard ensorcelant, elle lui avait à son tour affirmé un amour inconditionnel.

« Avec une date de péremption, au final ! » ironise-t-il dans sa barbe.

Kenna secoue la tête, essayant ainsi de se dessaisir de ses souvenirs.

Que peut-il contenir ? se demande-t-il en fixant le mail fermé dans la liste de sa boîte de réception.

« Il ne fera pas plus de dégâts » pousse-t-il, pensif.

Le dernier, bref et froid, l’avait plongé dans une grosse déprime. Il est resté gravé dans sa mémoire :

Salut Ken’,

Je ne viens plus. Vivre si loin de chez moi, de ma famille et de mes amis sera insupportable. Ne me contacte plus.

« Je croyais faire partie de ta famille et que j’étais ton meilleur ami, putain ! » aboie-t-il avec rage dans le silence de son bureau.

« Je ne l’ouvrirais pas ! » peste-t-il en se décalant du micro-ordinateur.

En réalité, il a une peur panique. Le jeune homme est seulement en train de se remettre de leur rupture. Depuis 5 mois, il vit une histoire plaisante avec Aurèlie, une jolie Kinésithérapeute. Une femme charmante qui aime résider dans cette région du monde, où elle a un cabinet en Éthiopie, un État voisin.

Il y a près de 4 ans, ils avaient sympathisé dans une salle d’attente à l’aéroport de Roissy Charles de Gaule. Kenna rentrait dans son pays, fracassé par la mort accidentelle de sa sœur et de son beau-frère ; ces derniers l’avaient désigné comme le tuteur légal de leurs trois enfants. Sans compter que Marine et lui avaient rompu une semaine plus tôt. Bien qu’il soupçonne qu’Aurèlie soit aussi issue d'une famille bourgeoise française, il a décidé de leur donner une chance. D’aucuns diraient qu’il n’a rien appris de la relation avec sa belle Alsacienne.

« Il faudrait déjà que je l’oublie! » murmure-t-il.

Quelquefois, Kenna culpabilise, se reprochant d’avoir perdu le contrôle devant la mère de Marine. Dès le premier instant, ses parents n’avaient pas caché qu’il était très loin de leur gendre idéal.

« Ça suffit ! » grogne-t-il ensuite.

D’un geste vif, il se redresse, se repositionne devant l’écran, saisit la souris et vire le nouveau message dans la corbeille.

***

Kenna passe la soirée dans un bar à discuter avec un vieil ami. En vérité, il évite de rentrer chez lui où l’attend Aurèlie.

Putain ! rage-t-il intérieurement.

Le pire est qu’il se sent incomplet sans Marine et se reproche maintenant d’infidélité envers elle.

Toute la matinée du lendemain, il se penche sur des dossiers d’audit prévus pour le mois prochain, espérant ainsi garder l’esprit occupé. Seulement dans la soirée, il n’a plus d’excuses et dîne avec Aurélie, les pensées emprisonnées par son passé.

— … je vais dormir chez moi ce soir, je ne serais pas de belle compagnie. Une affaire me cause un sérieux mal de crâne, ment-il à moitié.

Il s’arrête à la porte de l’appartement mis à la disposition de la kinésithérapeute par le cabinet qui contracte ses services quatre fois par mois.

— Pourquoi ai-je le sentiment que tu m’évites depuis hier ?

— Pas du tout, Chérie, dit-il en l’embrassant sur la joue, bonne nuit.

— Je confirme, murmure Aurèlie qui lui avait présenté ses lèvres.

Kenna fait le sourd et tourne les talons, Marine a déjà repris possession de tout son être.


***

Autant les deux jours précédents, les yeux fixés au plafond, l’esprit toujours pris en otage par ses souvenirs, il cherche le sommeil allongé dans son lit.

La première rencontre avec les parents de Marine était déjà la fois de trop pour Kenna, et pour eux! Le sentiment d’animosité et leurs mines dégoutées en sa présence avaient été un véritable enfer pour lui qui s’était montré respectueux et tolérant.

— « … tu t’es assez roulée dans le foin, Princesse et je ne tiens pas à le revoir pour être sûr qu’il n’est pas convenable pour ma fille » avait énoncé le père de Marine.

Dans le couloir qui le ramenait des toilettes de la somptueuse villa, Kenna avait freiné ses pas. Il avait ainsi entendu l'homme donné à sa fiancée une semaine pour mettre fin à leur relation, soutenant avec sa femme qu'il était intéressé par leur fortune et aussi par l’obtention d’une carte de séjour. Ce soir, là, elle s’était vivement confrontée à eux :

« … bloquez mes cartes de crédit si ça vous chante, je ne renoncerai jamais à lui... D’ailleurs, il m’a demandé de l’épouser et j’ai dit oui… ! »

Une guerre froide était déclarée.

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