Chapitre 14
Je me fige, l'instant d'après je suis près du judas. Mes yeux s'y collent presque, cherchant à percer l'obscurité du couloir. Je les vois. Trois silhouettes, comme des ombres dans la pénombre. Chacun tient son arme à feu, la canon pointé vers le bas, mais l'intention est claire. Ils ne sont pas là pour me jouer un numéro de charme.
Mon cœur accélère, mes poumons s'alourdissent, mais je ne laisse rien paraître. Le whisky et l'adrénaline fusionnent dans mes veines. Je me force à respirer, lentement, mais le double est toujours là, présent dans ma tête, ses mots aiguisés, comme un couteau de cuisine.
— Regarde-les, ils se préparent à te jouer un joli numéro. Tu veux vraiment faire dans la violence maintenant ? T'as l'impression que ça va changer quelque chose ?
Je serre les dents. Il a raison, comme d’habitude. Mais c’est trop tard pour réfléchir. Ils sont là, et il faut que je sois plus rapide, plus fort, plus imprévisible qu’eux. Je me recule du judas, essayant de retrouver mon calme, même si la douleur est toujours présente, tapie dans mes muscles et dans mes articulations. Mais là, ce n’est pas ça qui m’intéresse.
— T'as bien réfléchi à ton plan, mon pote ? Ou tu vas juste foncer dans le tas, comme d’habitude ?
Je le déteste, ce ton moqueur, mais il a raison, comme d'habitude. J'inspire profondément. Pas le temps de jouer les stratèges. Je vais devoir faire face, tout simplement.
Mais le double dans ma tête se régale, comme toujours, prêt à me guider vers l’impensable. Je l’entends presque sourire, un sourire froid, calculateur.
— Écoute-moi bien, mon pote. Discret mais brutal, c’est ça l’idée. Tu veux les surprendre, leur foutre une bonne dose de peur dans la gueule avant qu’ils ne comprennent ce qui leur arrive.
Ils sont là, devant la porte. Prêt à faire du bruit. Prêt a frapper la porte.
— Première chose, leur laisser croire que tu n’es pas prêt, que tu es juste un type paumé dans un appartement minable. C’est ça qui va les faire baisser leur garde. Ne bouge pas, attends qu’ils s’approchent encore un peu.
Je reste aussi silencieux que possible, ils ne doivent pas savoir que je suis là et j'écoute mon coach. Je prends une inspiration, mon cœur bat comme un tambour dans ma poitrine. Chaque mili-seconde qui passe me semble durer une éternité.
— Dès qu’ils sont suffisamment proches les uns des autres, tu frappes. Pas de pitié. Un coup net et précis, là où ça fait mal. Pas le temps de jouer avec eux.
Je saisis le couteau plus fermement, sentant la prise solide, et je serre les dents. Les chuchotement pour savoir qui va pénétrer le premier se distinctes. Comme déjà à coté de moi.
— Tu t’en vas directement sur le premier. Protèges toi avec lui. Puis tu le jettes sur eux.
Je ferme les yeux en l'écoutant.
— Et après ? Le deuxième, tu ne perds pas de temps, un coup de couteau bien placé.
Je me concentre sur ce qu'il me dit. Je peux le faire. Je dois le faire.
— Et le troisième, avant qu'il ne se relève, tu l'empèche d'agir. Et tu achèves proprement le premier.
Je hoche la tête, même si personne ne me voit. Une chance, oui. C’est tout ce que j’ai.
Plus que quelques secondes avant que je ne doive agir. Mon corps est tendu, mes sens aiguisés, et même le cynisme de mon double ne parvient pas à me distraire.
— Allez, c’est ton heure de gloire. Fonce.
Ils ne savent pas encore ce qui les attend. Moi, je n’ai pas le temps d'attendre. C'est maintenant ou jamais. Si je veux survivre, je dois prendre les devants.
Je n’hésite pas. J'ouvre la porte rapidement. Tout est dans la rapidité. Et, en un instant, j’attrape le premier type par le col, le tirant contre moi. Il est surpris, mais trop lent pour réagir. J’appuie ma lame contre son cou, mais je ne perds pas une seconde. Je le jette en avant, l’utilisant comme bouclier.
Le choc est brutal. Il tombe sur les deux autres. Pas le temps de réfléchir. Mon couteau est déjà dans ma main, prêt à frapper. J’agis instinctivement. Un coup précis dans la gorge du deuxième type à ma gauche. La lame coupe net, et le corps s’effondre sans un bruit. Une fraction de seconde. C’est comme si le temps s’était suspendu.
Le troisième type essaie de reculer, d’attraper son arme qui est tombé lorsque j'ai utilisé le premier en projectile, mais je suis plus rapide. En me propulsant vers lui, je lui enfonce la lame dans le ventre. Je sens la résistance, puis le fracas du corps qui tombe, son souffle coupé. Il s’effondre dans un grognement étouffé. Il n’a même pas le temps de crier. Le silence revient aussi vite qu’il est venu.
Je me tourne vers le premier type, celui que j'ai attrapé en premier. Il a son arme en main, mais il n'a pas le temps de la lever. En une fraction de seconde, je lui attrape le bras et le tord derrière son dos, le faisant tomber au sol avec une facilité déconcertante. Puis, je lui plante le couteau dans le cœur, le tout dans un mouvement précis et fluide. Il s'effondre sans un mot, juste un dernier râle étouffé.
Je n’ai pas le temps de savourer ma victoire. J'ai agi sans réfléchir, comme si mon corps avait pris le dessus. Les trois types sont maintenant à terre, gisant dans une mare de sang. Moi, je me tiens là, le couteau toujours dans la main, mon cœur battant fort dans ma poitrine, l’adrénaline me courbant le dos.
Mon double ricane dans ma tête, comme à son habitude :
— Eh bien, bravo, mec. T’as fait ça sans un bruit, juste des grognements étouffés, et ils n’ont même pas eu le temps de comprendre ce qui leur arrivait. T'es vraiment un pro. On dirait que tu as fait ça toute vie.
Je garde le silence. Il n'y a rien à dire. C’est terminé. Mais le silence n’est pas tout à fait ce à quoi je m'attendais. J’écoute à nouveau, à l’affût. Les bruits du monde extérieur, de la rue, de la nuit, me semblent lointains, mais ma vigilance ne faiblit pas. Ce n’est pas fini. Pas encore. Mais pour l’instant, tout est calme.
Je ressens une présence derrière moi.
Anna. Elle s'était levée. J'ai peut-être fait plus de bruit que prévu. Elle est enveloppée dans le drap comme dans une robe, le regard terrifié. Elle va crier. Il ne faut pas qu'elle crie. Je l'attrape, la serre contre moi et lui met ma main sur sa bouche. Je secoue la tête pour lui demander de ne pas s'emporter.
Elle retire lentement ma main, lache le drap et se retrouve nue à moi, le corps des types gisant dans le couloir. Elle attrape mon visage, et colle sa silouhette dévétue contre moi, pressant sa poitrine sur mon t-shirt. Elle m'embrasse et me fait comprendre que sa peur se transforme en frustration sexuelle. Elle m'attrape entre les jambes et me glisse à l'oreille :
— Soit ça... soit je crie.
Je retire mon haut, la porte de l'appartement ouverte, pendant qu'elle ouvre et baisse mon jean. Cette fois-ci, je sais comment on fait.
— Ok. On va évacuer la pression. On s'occupera de faire le ménage plus tard, hein ?
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