Chapitre 4

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Les phares continuent de me dévisager, me fixant comme si j’étais ce vulgaire lapin pris dans les lumières d’une voiture. Le moteur fait vibrer l’air autour de moi, et l’idée de bouger m’effleure… mais je reste toujours planté là, incapable de décider.

— Sérieusement, on aurait pu faire ça différemment, murmuré-je, un peu pour moi, un peu pour celui qui me met dans cette galère.

Mon double rigole.

Ouais, tu m’étonnes. Mais t’as raison, reste planté là, ça va sûrement s’arranger.

Je lève les yeux au ciel, exaspéré.

— Je te signale que c’est pas moi qui me suis collé dans cette situation, je rétorque à moitié pour lui, à moitié… ailleurs.

Bah, vas-y, fais ton malin, me lance mon double. C’est pas comme si tu pouvais juste claquer des doigts pour changer de scène, non ?

Je soupire, les phares me brûlant toujours les yeux.

Je prends une grande inspiration, plisse les yeux de toutes mes forces, et, dans un dernier élan de désespoir, je claque des doigts comme un magicien de pacotille, espérant… quoi ? Que tout ça disparaisse ? Que je me réveille chez moi, bien au chaud, loin de cette rue sordide ?

Je rouvre les yeux lentement, jetant un coup d'œil autour de moi. Malheureusement, la rue est toujours là, avec sa crasse et ses lampadaires faiblards, et la bagnole est toujours en face, phares braqués sur moi, moteur grondant comme un prédateur prêt à bondir.

— Bon, visiblement, claquer des doigts, ça marche pas.

Mon double éclate de rire.

Ah ouais, carrément ! Le grand Houdini ! Tu penses vraiment qu’un petit claquement de doigts et pouf, tout s’arrange ? T’es encore plus amoché que je pensais.

— Des idées plus utiles ? je marmonne, visiblement à court d'options.

Mon double secoue la tête, hilare.

Eh bien, déjà, t’as réussi à me faire marrer.

La voiture fait un vrombissement presque menaçant, et, dans la lumière aveuglante des phares, une voix rugit à travers l'obscurité.

— T'es encore en vie, espèce de putain de merde ?!

La voix est acide, enragée, et elle semble résonner dans la rue déserte comme un coup de fouet. Le ton est tel que ça me fait l'effet d'une claque dans la gueule. Je me fige un instant, ne sachant pas trop si je dois répondre ou si je dois me fondre dans l'ombre comme une souris.

— T'es un putain de miracle ambulant, toi... J'aurai dû te foutre en pièces, connard !

Mon double ricane encore plus fort, apparemment ravi de la situation.

Ah, là, c'est du lourd, ça, Hank. T’as l’air de mériter ton prix, avec des trucs comme ça. Qu'est-ce qu’on fait, on l'invite à un cocktail ?

Je serre les dents, cherchant un moyen de répondre, mais rien ne sort. La voix continue, de plus en plus vulgaire, me jetant des insultes comme une pluie de pierres. Mais je reste là, pétrifié, la clope encore fumante entre les doigts, pris dans cette scène absurde où tout semble devenu encore plus débile qu’avant.

Les phares de la voiture s’intensifient, et je peux presque sentir la chaleur des feux me frapper. La bagnole commence à avancer lentement, comme un prédateur en chasse, et chaque vibration du moteur résonne dans mes os. C’est à ce moment que je sens un truc se débloquer dans ma tête, un mélange de colère et de résignation.

Je me redresse, clope à la main, prêt à en découdre.

— Tu veux vraiment faire ça ? je lance, sans même savoir ce que je vais dire ensuite, juste avec l’espoir d’un peu de répondant.

Mon double s’esclaffe dans ma tête.

Oh putain, t’es sérieux ?! T'as aucune idée de ce qui t'attends, là. Mais vas-y, fais-toi plaisir, mec.

Je déglutis, mais cette fois, c’est moi qui prends les devants. Je lâche un petit ricanement, histoire de me donner un peu de courage, avant de m’avancer lentement, sans reculer d’un pouce. Mes jambes sont raides, mes muscles tendus comme des câbles, mais je m'en fous. Je vais affronter ce qui vient, même si je sais pas trop ce que ça va être.

La voiture s’arrête à quelques mètres, et la voix enragée me crache encore des insultes.

— Alors t’as des couilles, hein ? T’as cru que t’allais te la jouer quoi ?!

Je réponds, presque malgré moi, en m’approchant.

— Ouais, j’ai des couilles, et apparemment, j’ai aussi l’air d’un connard qui a survécu à un putain de massacre, donc tu peux toujours essayer, hein.

La voiture se stoppe définitivement. La porte côté conducteur s’ouvre avec un fracas, et une silhouette sort de la caisse, en se dirigeant vers moi d’un pas lourd.

Je me prépare, serrant les poings. Peu importe qui c’est. Peu importe ce qui se passe. À ce stade, je ne vais pas me laisser faire.

Le type s’avance vers moi, grand et costaud, l'air prêt à me démonter. Il me lance un regard furieux, comme s'il s'attendait à ce que je me dégonfle. Mais moi, je ne me dégonfle plus. Enfin, pas cette fois. Je serre les poings et je me dis que si je suis là, vivant après tout ce bordel, c’est bien qu’il doit y avoir une raison.

— T’es vraiment sûr de vouloir ça, mon gars ? je souffle, juste avant qu'il ne soit à portée.

Il se marre, mais ça sonne un peu forcé. Et avant même qu'il puisse répondre, je fais un pas en avant et je le frappe direct dans la gueule.

Le bruit est sec, et il recule de deux pas, la tête qui se secoue comme s’il venait de se faire électrocuter. J’en profite pour lui balancer un uppercut, et là, il vacille. Je le vois hésiter, et cette petite hésitation, c’est tout ce qu’il me fallait.

Il tente de répliquer, mais ses mouvements sont lents, trop prévisibles. Je lui attrape le bras et je le tord en arrière, avant de le pousser violemment contre la voiture. Il se prend la portière en plein dans le ventre, et je l’entends pousser un grognement de douleur.

Il essaie de me donner un coup de genou, mais je l'esquive d'un mouvement rapide. Je lui attrape la tête et je la claque contre le toit de la bagnole. Le bruit est horrible, comme une pastèque qui explose, et il tombe à genoux, grognant.

Je le regarde quelques secondes, les poings serrés, prêt à lui mettre le coup de grâce. Mais là, quelque chose m'arrête. Je le fixe dans les yeux, et je vois qu’il a compris. Que lui aussi, il ne sait pas vraiment ce qui se passe ici. Et peut-être que je suis juste un autre abruti dans cette histoire, tout comme lui.

Je soupire, baisse les bras, et le laisse tomber à terre, avant de faire un pas en arrière.

— C’est bon, va chier. T’as perdu. je dis, presque blasé.

Je me tourne alors, prêt à repartir dans l’autre direction, mais mon double ne manque pas de me rappeler la situation.

Bien joué, t’as niqué un type, mais t'as pas trouvé ce qui t’a foutu dans ce bordel. T’es un peu dans la merde, non ?

Je le regarde, épuisé, et je lâche, sans vraiment réfléchir.

— Ouais, mais au moins, je suis toujours en vie pour me poser la question.

J'entends le type se relèver et tituber, encore sous le choc du coup contre la voiture. Il me regarde, ébahi, mais je vois la colère revenir dans ses yeux. Il tente de se relever, un grognement s’échappant de sa gorge.

— T’as cru que ça allait être aussi facile, hein ? Il serre les poings, prêt à repartir à l’attaque.

Je suis déjà en train de calculer la distance entre lui et moi. Je suis rapide, et il ne l’est plus autant qu’il le pense. Il fonce vers moi, mais je l’esquive, et je lui envoie un coup de genou dans l’estomac. Il s’écrase à nouveau contre le capot de la bagnole, le souffle coupé.

— T’as un problème avec la logique, mec ? je grogne, le défiant du regard.

Il se relève encore, mais je sens qu'il n'a plus l’énergie qu'il avait avant. Il commence à vaciller, et je vois son regard s’embrouiller, comme s’il commençait à comprendre qu’il a sous-estimé un type qui, même amnésique, a toujours eu un peu de ressource.

Je n’hésite plus. Il me fonce dessus une dernière fois, mais cette fois je l’attrape par le col, le tire vers moi et, avec tout ce qui me reste de force, je lui envoie un coup de poing bien placé en plein dans le menton.

Le bruit est dégueulasse. Un choc sourd, et la tête du type part en arrière. Il bascule en avant, mais je le retient juste assez pour l’empêcher de tomber. Je lui envoie une droite, encore, et encore. À chaque coup, il tombe un peu plus. Le troisième, il ne se relève pas.

Je le relâche, le laissant s’affaisser sur le sol comme un tas de viande sans vie. Il est KO, complètement, et je le regarde avec une grimace.

Je prends quelques secondes pour reprendre mon souffle, mon cœur battant la chamade, mais au moins je sais que ce type ne me fera plus chier ce soir.

Je regarde la bagnole. La lumière des phares vacille. Je n’ai pas gagné cette bataille, mais je viens de m’assurer que je suis encore capable de me défendre, même sans mémoire, même dans cette merde.

Mon double rigole dans ma tête.

Pas mal, mec. Pas mal. Je croyais que t’étais une victime, mais t’as des ressources. T’as un peu l’air d’un animal blessé, mais au fond, t’as pas mal de rage en toi.

Je hausse les épaules, épuisé.

— Ouais, ça et un mal de crâne de l’enfer. Mais au moins, c'est un problème de moins à régler.

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