Chapitre 13
Je somnole, enfin un peu de calme. Mais le repos est de courte durée. Dans le silence de la nuit, un bruit de pas précipités et des éclats de voix étouffés résonnent depuis la rue en bas.
— Eh, Hank, réveille-toi, murmure mon double, sarcastique mais avec une pointe de vigilance. On dirait bien que la fête continue.
Je me redresse lentement, essayant de remettre mes pensées en place, tandis que le bruit dans la rue devient plus clair. Des voix s’élèvent, un claquement de portière, puis des pas qui s’éloignent.
— Peut-être qu’ils t’ont retrouvé, lâche mon double avec un rire amusé. Après tout, la chance n’a jamais été de ton côté, non ?
Un soupir m’échappe. Je jette un coup d’œil à Anna, toujours endormie, son corps à moitié enfoui sous le drap. Mon instinct me souffle de me lever et de me préparer pour ce qui se passe dehors, mais une part de moi veut juste se rendormir.
— Alors, Hank ? On va jouer au voyeur de la nuit ou on fait comme si rien n’était arrivé ?
Je serre les poings, mon corps encore endolori des blessures. Pourtant, je sais que la tranquillité ne va pas durer.
Je tente de me redresser, le plus silencieusement possible. Anna est là, paisible, enveloppée dans le drap, une mèche de cheveux tombant sur son visage. Elle ne bouge pas, respirant doucement, et pour une fraction de seconde, je me dis qu’elle est magnifique, vulnérable, comme hors du chaos qui semble m’entourer.
— T’as trouvé ton havre de paix ? ironise mon double à voix basse, comme s’il pouvait lire dans mes pensées. Allez, laisse-la dormir. Elle a sûrement eu assez de surprises pour une nuit.
Je prends sur moi pour ne pas répondre à haute voix.
Je me glisse hors du lit, encore engourdi, et, bien sûr, je me rends compte que je suis complètement nu. Une froideur passe sur ma peau, me ramenant brusquement à la réalité.
— Ce serait peut-être le moment de te rhabiller, non ? siffle mon double avec un cynisme parfaitement dosé. À moins que tu aies l’intention de saluer le voisinage dans ton plus simple appareil ?
Je roule des yeux, me contentant d’un soupir tout en enfilant mon t-shirt. Je jette un dernier regard à Anna, m’assurant qu’elle est toujours profondément endormie, puis avance prudemment vers la porte de la chambre, à l’affût du moindre bruit venant de la rue. J'attrape mon jean jeté au pied du lit, le remontant d’un geste un peu maladroit, comme si je m’habillais pour la première fois. Chaque mouvement m’arrache une grimace – mes côtes, encore sensibles, me rappellent brutalement la raclée que j’ai reçue.
— Ah, ce n’est pas le grand luxe, hein ? Tu as l’air d’un vétéran de guerre… ou d’un boxeur sur le retour, lance-t-il en ricanant.
— Merci du compliment, je murmure, serrant les dents.
Chaque pas est calculé, mes côtes me lancent, mais je m’efforce de ne rien laisser paraître.
Je me dirige vers la cuisine, toujours en silence, laissant derrière moi la douce tranquillité du sommeil d’Anna. Mes pas résonnent faiblement sur le carrelage, et j’ouvre les placards, scrutant ce qu’elle pourrait bien cacher. Mes mains tombent sur un bloc de couteaux, leurs lames alignées, étincelantes sous la lumière pâle de la pièce.
– Tu penses sérieusement à te défendre avec ça ? Mon double ricane dans mon esprit. On dirait presque un amateur… mais bon, va pour la scène dramatique.
Je soupire, sentant ce mélange d’adrénaline et de méfiance me gagner. Mon regard se fixe sur la plus grande lame, celle qui pourrait me donner l’avantage si besoin. Je la saisis, pesant le métal dans ma main. C’est froid, rassurant, presque apaisant.
— Va falloir espérer que tu saches t’en servir, lâche mon double, amusé, comme s’il savourait la moindre de mes hésitations.
Je resserre ma prise, résolu. Les bruits de la rue continuent, lointains, mais suffisamment proches pour me rappeler que tout peut basculer en un instant.
Alors que je tiens le couteau, une vague de douleur me traverse encore et toujours, remontant de mes côtes jusqu’à mon épaule. Mon corps se rappelle constemment des coups reçus, des chocs encaissés. La lame tremble légèrement dans ma main, et je m’appuie contre le plan de travail, fermant les yeux pour tenter de respirer à travers la douleur.
— T’as voulu jouer les durs, et maintenant, regarde-toi, lance mon double avec ce sarcasme acide qui semble être devenu sa marque de fabrique. Ça t’apprendra à t’improviser héros.
Je serre les dents, inspirant profondément. Mon torse encore marqué de ses pansements se soulève péniblement, et une nouvelle pointe de douleur vient presque me couper le souffle.
— Allez, tiens bon. Ce serait dommage de te ridiculiser après tout ce spectacle, continue-t-il. Rappelle-toi, on a une image à entretenir.
Je reprends mon souffle, redressant mon dos malgré les élancements dans mes muscles meurtris. Garder le contrôle, voilà ce que je dois faire.
La douleur reste, sournoise et lancinante, et je sens chaque coup de la veille me frapper encore dans mes muscles endoloris. Pas question de rester comme ça, pas alors que j'entends, non je ressens, la menace approcher et rompre le peu de calme que j’ai trouvé auprès d’Anna.
Je balaie la cuisine du regard, cherchant autre chose pour m’aider à encaisser, à me donner un coup de fouet, quelque chose pour être prêt si jamais ça dégénère. Je ne sais même pas ce que je cherche vraiment : un cachet, un fond de bouteille, n’importe quoi pour gommer la douleur et raviver ce qu’il me reste de forces.
— Sérieusement ? Tu penses vraiment qu’il y a un truc magique dans cette cuisine qui va te sauver ? Le double ricane, son ton moqueur sifflant à mes oreilles. C’est pas un café qui va faire de toi un super-héros, Hank.
Je l’ignore, continue à fouiller dans les placards, chaque porte qui s’ouvre claque un peu trop fort dans le silence de la nuit.
Je quitte la cuisine pour faire un détour rapide par la salle de bain. C’est là, posé sur une étagère, que je repère une bouteille d’alcool à 90°, reluisante sous la faible lumière. Je la fixe un instant, l’idée me traversant comme un éclair – est-ce que j’oserais vraiment ?
— Alors, c’est ça ton plan ? ironise mon double, ricanant dans un coin de ma tête. Tu comptes vraiment t’enfiler ce truc comme si c’était du whisky ? Allez, impressionne-moi.
Je fronce les sourcils, exaspéré, mais j’attrape la bouteille malgré moi. Le liquide, translucide et intense, semble me narguer.
Je débouche la bouteille, l’odeur âpre me pique immédiatement les narines. Je prends une gorgée, l’alcool me brûle la gorge, chaque goutte s’infiltrant dans mon corps comme une vague de feu. Ça chauffe le gosier, ça réveille l’estomac, me secouant tout entier. Une brûlure qui me file un coup de fouet, me redonne une sensation de vivacité, comme si l’alcool venait d’ouvrir toutes les portes de mon être, une piqûre d’adrénaline déguisée en poison.
— Ah, voilà, c’est mieux, non ? Bienvenue dans le monde des vivants, Hank. Pas mal pour un type qui se cherche encore, hein ?
Je serre les dents. Le goût âpre me colle au palais, mais je sais que ce n’est pas assez. J’ai besoin de plus, de quelque chose pour oublier cette douleur qui revient, sourde, lancinante. Et pour être prêt.
Prêt à tout.
Les pas lourds résonnent maintenant dans le couloir, malgré une volonté certaine de vouloir être discret. Ils sont plusieurs. Deux, peut-être trois. Je fronce les sourcils, écoutant le bruit des bottes ou des chaussures martelant le sol avec une détermination morbide. Un instant, je me fige, mais quelque chose dans ma tête fait que je ne veux pas attendre qu’ils toquent.
Mon cœur commence à battre plus fort, la panique me picote les côtes.
— Quoi, tu vas vraiment attendre qu’ils te trouvent comme ça ? T’es pas en train de réfléchir, là, Hank ? Tu crois qu’ils vont te tendre une tasse de thé, peut-être ?
Je secoue la tête, mes mains tremblent légèrement, mais je me force à me concentrer. Ça chauffe dans ma tête, l'alcool médicinal me donne un semblant de lucidité.
Je souffle lentement, mes muscles protestent. La douleur est encore là, mais je l’ignore. C’est juste une autre distraction, une autre merde à ignorer. Je tiens fermement le couteau de cuisine comme si j'avais une épée. Je ne vais pas réfléchir longtemps sur ce que je vais faire.
— Eh bien, on est prêt, c’est bien, ça. Faut juste pas que tu rates ton coup, t’as pas envie de jouer le martyr avant le lever du soleil, non ?
Je n’ai pas le temps de répondre à mon double. Les pas s’approchent, plus proches, plus pressants. Ma respiration se coupe légèrement. Je dois agir.
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