17.Docteur Wiljauke

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"Il y avait quelque chose qui n'allait pas avec la façon dont il la dévisageait."

Un cognement perceptible, presque douloureux.

Un simple mouvement à présent devenu complexe. Sur un bois crépi affichant des traces du temps et de l'usure.

Siya respirant fort, cogna à nouveau, encore et encore durant de longues minutes au fur et à mesure que de gros flocons tombaient.

Aucune réponse.

La jeune femme se mis alors sur la pointe des pied et décida d'épier les grosses fenêtres en plâtre, vitres et bois, mais réalisa un peu trop tard que de grands rideaux opaques l'en empêchait.

Alors elle continua de cogner. Sans doute plus de milles coups, en vain. Le silence fut sa seule et unique réponse.

Et si le marchand lui avait procuré la mauvaise adresse ? Ou s'était-t-elle tout simplement trempée ?

La jeune femme frappa plus fort, les larmes manquant de se déverser alors qu'elle éprouvait un mal fou à se contenir.

Seule et blessée, au milieu d'une nuit noire, sur le perron d'une étrange bâtisse qui symbolisait son seul espoir.

Après tout ce qui lui était arrivé ! ...son souffle saccadé comme dans une cage de douleur. Elle tenta une dernière fois, les mots jaillissant de ses lèvres froides avec une force désespérée, une supplication qui défie la nuit.

- Docteur Wiljauke, s'il vous plait ! j'ai besoin d'aide, je suis souffrante et blessée !... Un docteur comme vous serait-il si lâche et cruel que de refuser un patient au versant de sa mort !

Sa supplication s'éleva dans l'air à présent glacé, sans réserve ni retenue alors que les larmes finirent par se déverser sur ses joues pales.

Dans le tumulte de sa propre voix brisée, elle entendit soudainement un bruit léger semblant provenir de l'intérieur.

Elle s'agrippa alors à cet imperceptible son dans un dernier effort :

- Je sais que vous êtes à l'intérieur, par pitié, ouvrez cette maudite porte !

Le silence persista, les secondes s'étirant en une agonie éternelle si bien qu'elle pensa rêver. La vielle bâtisse resta impassible, ses murs muets face à sa peine.

Et pourtant une faible lueur sembla briller derrière un rideau avant que le cliquetis d'un cadenas et d'un grincement ne symbolise le salut qu'elle recherchait...

...

Il y avait quelque chose qui n'allait pas avec la façon dont il la dévisageait.

Un sentiment d'hostilité mélangé à de la prudence ? ou quelque chose d'autre ?

Depuis le moment ou il lui avait ouvert la porte et le moment présent, il n'avait fait que la dévisager en silence.

D'un regard embrumé et des yeux rougis et vieux, il remarqua très vite l'énorme tache ensanglantée sur ses vêtements. Mais ne dis rien comme une confirmation qu'elle n'avait pas menti.

A la lumière d'une faible bougie sur le point de s'éteindre, Siya jeta un coup d'œil à la pièce vide et poussiéreuse puis au docteur dont les plis profonds sur son front se creusèrent davantage, comme si la méfiance était devenue une seconde nature.

Une autre chose avait suscité sa curiosité. De l'intérieur, elle remarqua que la porte en bois principale était dotée de plusieurs verrous comme si le vielle homme devant elle s'était enfermé en se promettant de ne jamais revoir la lumière du jour.

Il ne l'avait pas invité à s'asseoir, elle l'avait fait par elle-même à même le sol sale et poussiéreux, à bout de souffle.

Après ce qu'elle crut être une éternité, il s'éclipsa vers une pièce voisine puis revint doté d'une énorme valise qu'il déposa près d'elle en s'agenouillant.

- Je vous soigne, vous partez, furent les premières paroles qu'il lui adressa.

Une voix autoritaire et froide.

La jeune femme hocha de la tête, incapable de rouspéter face à l'insistance de son regard.

Ce n'est qu'après son accord qu'il regagna la seconde pièce pour en ramener une énorme bassine d'eau fraiche.

Elle redressa alors la moitié de sa robe puis de sa chemise bleutée de tel sorte que son abdomen soit visible, puis grimaça face à l'horreur de l'énorme ouverture affligée.

Il ne lui demanda pas comment elle s'était blessée, ni les détails qui l'avaient poussé à frapper à sa porte.

Non dans un silence de marbre, courbé et concentré à sa tâche, seule sa forte respiration pouvait s'entendre.

- J'espère qu'il me reste quelques souffles de vie, docteur, murmura-t-elle avec humour pour briser le silence alors qu'elle tenta d'ignorer la douleur.

- Je vais devoir recoudre, réplica-t-il simplement.

- Je...je me suis aussi blessée à la cheville.

- Oui. C'est juste.

C'étaient des réponses simples, dénuées d'attachement, coupant court à un semblant de tentative de converser.

Perdue dans ses pensées, Siya réfléchissait à un moyen de lui poser ses questions, un moyen de le pousser à s'ouvrir lorsqu'elle plissa ses yeux.

Un hoquet de douleur échappant ses lèvres alors qu'elle réalisa qu'il avait accomplit un premier point de suture après avoir désinfecter sa plaie.

Il s'arrêta un moment et la dévisagea, une millième brume dans ses vieux yeux.

- C'est douloureux. J'ai oublié de vous prévenir.

Un sourire amer dessina les lèvres de la jeune femme.

- La douleur physique n'est rien comparée à celle de l'âme.

Une lueur d'intrigue et de jugement dévala son regard avant qu'il ne continue ses soins.

- Qu'est-ce qu'une jeune demoiselle comme vous peut bien connaitre à celle de l'âme ?!

Un second point de suture traversa sa chair, arrachant un gémissement qu'elle étouffa. Siya ferma ses pupilles, se mordant la lèvre inférieure pour retenir tout cri supplémentaire qui menaçait de s'échapper. La jeune femme resta un long moment silencieuse laissant les aiguilles du docteur panser ses blessures.

- Je sais cela semble irréel. Il y a quelques jours de cela, j'étais heureuse au milieu des miens...avant qu'un être cher ne se transforme en un abominable monstre...et je...

Siya n'eut pas le temps de finir sa phrase, car le viel homme se leva brusquement, la colère embrasant son regard fatigué :

- Sortez ! rugit-il soudainement.

Une corde sensible. Quelque chose avait bien explosé en lui. Avec violence. Une combinaison complexe qui rivalisait avec la mer en expansion.

Mais la jeune femme ignora sa réplique et continua avec défiance.

- Un abominable monstre sous le nom de socole ! Je l'ai vu de mes propres yeux, les pupilles noires et dilatés, des ongles allongés et une silhouette à effrayer même le plus brave homme !

- Sortez ! répéta-t-il avec force, le visage affecté de contorsions qui reflétait la rage face à sa trahison.

- Non ! Vous êtes mon seul espoir de vérité ! Je ne partirai pas avant d'avoir des réponses !

Siya tenta de se relever également et continua, son regard déterminé plongé dans le sien en rage:

- Je sais ! Je sais que vous êtes le docteur qui fut appelé lorsque le vieillard tomba dans l'inconscience au milieu du marché ! Je sais qu'il n'avait pas de pouls et que vous aviez été choqué de l'apprendre ! J'aimerai en apprendre plus sur ses socoles !

Une lueur de réminiscence parcourra les prunelles bruns embragés du docteur accompagné par une peur brute et viscérale.

- Ce vieux mendiant dont vous parlez un an auparavant n'avait pas de pouls parce qu'il est mort ! Il est mort, comprenez vous ? ! Maintenant sortez de chez moi ! hurla-t-il en renversant la bassine d'eau à présent teintée de son sang, dans un excès de rage.

- Vous mentez et vous le savez très bien ! pointa-t-elle du doigt comme pour dévoiler sa mauvaise foie.

Le silence s'abattit sur la pièce, lourd et oppressant seul le craquement du vieux bois sur leurs pas demeuraient.

Leurs regards se figèrent dans une confrontation. Muette.

- Vous n'êtes qu'un vieux lâche qui s'enferme chez lui, obsédé par sa propre peur du passé !

Des mots saisis au vol. Comme des miettes et qui percent. Une image de rébellion.

- Le passé ?! Parce que vous pensez que c'est terminé ! fit-il avec une pointe d'amertume.

- J'aimerai simplement comprendre !

- Comprendre ?! Comme si cela changeait le court des choses ! Comprendre voilà ce que cela m'a couté !

Et il s'effondra, sans prévenir, se recroquevillant sur lui-même contre toute attente, laissant une précaire vulnérabilité prendre le dessus.

- Comprendre, voilà ce que cela m'a couté ! répéta-t-il, brisé...

Comprendre ? Serait-ce un pas vers le changement ?

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