18.Découvir la vérité ?

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"J'avais dans les yeux et le cœur ce rêve de la perpétuité de la grandeur de Mirabelle. "

Le voile léger d'une vulnérabilité, d'une fragilité de l'être.

Serait-ce l'objet d'un tourment ? Lorsque d'autres succombent.

Serait-ce l'objet d'un tourment, de ne pouvoir leur donner plus qu'une simple pensée ?

Ou est-ce le geste de comprendre, de progresser dans ses efforts pour ressentir quelque chose de plus qu'une révolte interne, quelque chose qui transcende l'intimité de soi et qui pousse au partage ?

La jeune femme ressentait ce conflit. Alors elle s'approcha doucement, vers la source de vulnérabilité.

Elle baissa ses armes, déposa un pied à terre et un bras doux sur ses épaules faibles, incapable de se soulever.

- Je suis désolée, murmura-t-elle tous bas.

Son seul espoir n'en était plus un. Incapable de s'accrocher. Elle admettait ouvertement sa défaite.

Après quelques temps, elle se releva enfin, et se dirigea d'un pas lourd et le cœur lourd vers la porte d'entrée, prête à la déverrouiller et retrouver les minuscules cristaux glacés.

- Attendez.

Elle fut arrêtée par sa voix caché dans ses bras.

- J'aimerai vous montrer quelque chose avant.

Surprise par cette interruption, la jeune femme se tourna pour le fixer, alors qu'il se releva péniblement, et qu'il se dirigea vers la seconde pièce d'où il s'était menu d'une bassine d'eau et de l'énorme valise de soins.

Siya le suivit en silence, essuyant ses larmes sur les manches de sa chemise tachetée.

Ils passèrent un sombre couloir, avant d'arriver sur un énorme espace jonché d'herbes, de potions de toutes sortes et de livres et parchemins.

Seulement une odeur surplombait d'autres. Une arome floral intense et tenace qu'elle arriva sans peine à déchiffrer.

- Le lotus.

Le docteur se retourna vers elle, visiblement surpris car peu de personnes arrivaient sans peine à retrouver son parfum.

- Il se trouve que j'ai un intérêt pour les plantes, tenta-t-elle maladroitement d'expliquer.

Les sourcils du viel homme se foncèrent subitement face à une nouvelle constatation.

- Savez-vous ce qu'il signifie ? Pourquoi est-il l'emblème de notre royaume ?

Ce fut au tour de Siya de redresser ses sourcils, incapable de trouver un sens, un motif à sa question, mais elle répondit quand même :

- Pureté et résilience. Je pense que c'est sa force de pouvoir émerger immaculée des eaux troubles...Cette qualité symbolique à préserver sa dignité malgré les défis et les difficultés de la vie.

Le docteur sourit amèrement face à sa réponse, caressant du bout des doigts une des pétales éparpillés sur l'unique table de la pièce.

- Il est vrai que l'on pourrait l'expliquer de cette façon...c'est même admirable que de lui attribuer cette signification...mais son réel symbolisme est celui de la renaissance...d'un nouveau départ.

- Je ne vous suis pas docteur Wiljauke.

- La fleur de lotus pousse de manière à ce que sa tige et ses pétales émergent des profondeurs boueuses de l'eau pour fleurir à la surface. Cette renaissance des profondeurs sombres vers la lumière représente son unique pouvoir à se transformer...à s'élever au-dessus de toutes adversités...vainqueur et conquérant, tout comme la fleur qui s'ouvre à un nouveau jour.

- J'ai du mal à comprendre...quel est son lien avec..., hésita Siya en tremblant légèrement.

- Ne voulez-vous pas découvrir la vérité ? répondit-t-il par une question.

- Oui...mais je...

Puis il la coupa une seconde fois.

- Les socoles sont comme cette fleur qui s'ouvre à un nouveau jour...tenaces...vainqueurs et conquérents, et il continua, Ce que je m'apprête à vous raconter est ce que j'ai pu trouver...car j'étais comme vous...au début...voulant mieux comprendre pour guérir ce mal qui nous entoure.

Ils s'installèrent sur un tapis en brebis autour duquel s'entreposaient une dizaines de livres tel un confortable sanctuaire, et le docteur commença son récit d'une voix nostalgique et morose, plein de regrets :

Il faut croire qu'il fut un temps ou j'étais un docteur respectable, mon but était de réduire ou guérir quiconque de toute douleur. Plein d'ambition et de fougue, ma femme était l'une de mes premières admiratrices. Nous vivions dans cette même bâtisse, au beau milieu du plus grand marché d'Acra, heureux et épanouis.

On ne manquait de rien, par ma profession de docteur et ma femme qui travaillait en tant que gouvernante au palais royale, nous vivions bien.

Et puis, un jour que mon épouse rentrait tard le soir, elle me fit part d'une lettre, un communiqué royal demandant mes services en tant qu'herboriste. Tenu de ma bonne réputation, et de la recommandation de ma propre femme, on suscitait mes services au sein même du palais. Ce qui fut au début un immense honneur, j'étais même fou de joie que de contribuer à la science au nom du bien de tous...de la prospérité de notre cher royaume.

J'avais dans les yeux et le cœur ce rêve de la perpétuité de la grandeur de Mirabelle.

Mirabelle et sa force.

Mirabelle et ses milles senteurs.

Mirabelle et la qualité de son architecture et la beauté de ses rues et l'amabilité de ses cœurs...

Lorsque je commençai mon travail au palais, on m'attribua un projet appelé « Nobilis », le but étant de rechercher sur l'incroyable qualité d'une plante : le lotus.

Nous étions même une bonne équipe à étudier ses propriétés, ma femme était également au courant de tout. Mais nous avions du signé au préalable un traité stipulant que nos découvertes futures ne seraient en aucun cas dévoilés au public, nos confrères citoyens mirabeliens pour une raison éthique dont j'ignorais les ramifications.

J'alternais alors entre mon travail simple et honorable de docteur et celui d'herboriste au palais.

Nous expérimentions avec toutes sorte de mélange entre herbes et lotus sans but précis, enfin c'est ce que je pensais. Car j'ai appris plus tard que des instructions claires étaient données à certains d'entre nous...plus dignes de confiance aux yeux de la monarchie.

- Combien étiez vous sur ce projet ? interrompue Siya avec douceur par peur de le revoir s'enfermer sur lui-même.

Nous étions cinq. Ou six s'il en compte mon épouse. Cinq doués herboristes.

Au début, nos mélanges étaient donnés à des animaux en cage de toutes sorte, des souris, chats, chevaux...pour en étudier les effets. Et puis, un jour, un d'entre nous administra, par mégarde sans doute, un de ses mélanges de lotus à une souris mourante. Ce qui s'ensuit fut phénoménale, tiré d'un songe : suite à l'ingestion de la nouvelle substance la souris avait repris des forces comme si de rien n'étais, pire encore elle surpassait toutes les autres par sa force et ferveur ! S'était inimaginable presque irréel...une avancée si grande qui allait changer le cours des choses...

La voix du docteur s'éleva de plus en plus fort alors qu'il évoquait cette trouvaille, emprunte d'émotions du passé.

Le projet culminant dans ses avancés et par peur que quelqu'un ne découvre nos recherches, car nous avions déjà eu par le passé une servante trop curieuse, nous avions demandé à continuer ailleurs. C'est alors qu'une base fut construite au beau milieu de la foret d'Oris, loin de toute civilisation, protégé par les vaillants soldats de la brigade royale.

A cette mention, le cœur de Siya chavira en repensant un visage féroce et particulier, mais le docteur ne lui laissa pas le temps de rêvasser car il repris en une traite animé par un désir si grand de s'épancher.

Seulement la prochaine étape fut d'administrer nos trouvailles sur des sujets humains...

Nous avions donc décidé de sélectionner des individus en fin de vie, désireux de participer à notre étude. Notre expérience humaine s'avéra tout aussi prodigieuse, car dès l'administration de notre nouvelle substance, d'incroyables guérisons surgirent parmi nos sujets.

Nous nous interrogions alors sur les conséquences de l'augmentation de la dose, ou même de son administration à des êtres non mourants. C'est ainsi que nous franchîmes cette étape audacieuse.

Un parmi nous suggéra d'étendre nos essais à des êtres humains en bonne santé, ma femme fut la première à manifester son désir d'embrasser cette aventure au nom de la science, mais je m'opposais catégoriquement. Plus tard, j'appris qu'elle avait tenté l'expérience sans mon consentement.

Suite à la première dose, ma femme rajeunit spectaculairement, développant des capacités physiques hors du commun. Elle courait sans fatigue, dormait très peu, et sa vision s'étendait sur des distances incroyables...

L'un d'entre nous proposa alors d'augmenter les doses chez d'autres sujets. Cependant, nos méthodes devinrent éthiquement douteuses lorsque certains refusèrent de coopérer. Nous les maintînmes captifs dans notre base pour les étudier de près, sans leur consentement.

Je décidai de mettre fin au projet Nobilis, refusant de poursuivre. Cependant, il était déjà trop tard, car je compris rapidement que je n'avais plus d'autre choix : un arrêt de mort en cas d'abandon.

Un jour, l'un de nos sujets parvint à s'échapper de notre base. Les soldats de la brigade le traquèrent dans toute la forêt, mais ils ne tardèrent pas à faire une macabre découverte : les cadavres déchiquetés de marchands traversant la frontière.

Et puis, un jour, nous retrouvâmes ce sujet décédé, la gorge entaillée. De manière similaire nos autres sujets se suicidèrent après avoir atteint la dose maximale.

Quant à ma femme, elle se portait à merveille et décida d'augmenter les doses, mais elle avait subi une profonde transformation.

Nous comprîmes alors que devenir "socole" était une décision irrévocable.

Nous apprîmes alors que devenir socole était un choix.

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