19. Le projet Nobilis

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Nous comprîmes alors que devenir "socole" était une décision irrévocable.

Nous apprîmes alors que devenir socole était un choix.

- Un choix ? répéta dubitativement Siya, perdue.

Le viel homme au regard terni eu un faible sourire similaire à une grimace. Il semblait comprendre son désarroi, comme s'il l'avait également vécu.

- Oui un choix d'une puissante renaissance...d'un nouveau départ.

- Je...je ne comprends pas...docteur Wiljauke...comment est-ce un choix alors que cela découle d'une expérience si horrible ?

Le docteur ne preta pas attention à sa question et continua dans son récit, déterminé à poursuivre jusqu'à la fin.

- Une élévation au-dessus de toutes adversités...Vainqueur et conquérant. Les socoles sont comme cette fleur qui s'ouvre à un nouveau jour...tenaces...vainqueurs et conquérants.

Devenir socole est bel et bien un choix, ma femme en était une preuve incontestable. Le mien fut de tout arrêter malgré le danger, car la menace de mon intégrité était beaucoup plus grande. Et la culpabilité bien encore.

Alors, j'arrêta ma collaboration et retourna en ville comme si de rien n'était. Dans l'attente de ma propre mort en défiant le traité que j'avais par ma propre main signé.

Les jours s'accumulèrent en silence, je continuai d'exercer ma profession première de docteur. Quant à ma femme, je ne l'avais plus revu depuis mon abandon. Personne ne semblait se rappeler d'elle, d'ailleurs. Effacée à jamais de l'existence, j'étais le seul à l'aimer et la haïr en même temps.

Biensur mon caractère lâche ne me permettait pas de prévenir le public de l'éminent danger de ce qu'était le projet Nobilis et de sa portée. Alors je comptais mes jours en me convaincant que sauver des vies durant cette période allaient m'extirper de cette douleur familière. De ce vide face à mes décisions, de cette couardise que j'éprouvais.

Et puis un jour, un homme accourra à mon domicile, le souffle coupé en criant qu'un vieillard fut retrouvé inconscient sur la place du marché. Je l'ai naturellement suivi muni de ma sacoche et ses dires furent effectivement vrai car autour d'une foule, un homme jonché à terre.

Lorsque j'arriva à sa hauteur, je m'agenouillai pour examiner son pouls, attentif à chaque détail aussi insignifiant fut-il. Mes doigts ont délicatement trouvé son poignet, cherchant le moindre signe de vie, mais en vain. Son cœur avait cessé de jouer son rôle ,je m'en étais assuré, la présence de la mort était palpable.

Ce vieillard gisait devant moi, silencieux et inerte. Je me rappelle qu'à ce moment précis, à l'instar de tout, j'imaginais ma propre personne plongé dans un sommeil éternel. Surement dans cet état, les tourments et les vicissitudes de la vie sembleraient insignifiants....mais je n'eus pas le temps de m'attarder davantage quand soudainement, contre toutes attentes, comme par miracle, il se redressa subitement, les yeux grands ouverts.

Ma main demeurait toujours sur son poignet. Il n'avait toujours pas de pouls. Pourtant l'homme était bien vivant, portant en lui un cœur mort...

L'absence d'un cœur comprimé à jamais...

Une nouvelle constatation s'offrit à moi, et dans l'horreur de cette découverte, je rencontrai son regard, tout aussi alarmé que le mien.

Et dans ce simple échange, je pense qu'il comprit que j'avais percé le voile d'ombre de sa condition. Que je détenais le savoir nécessaire sur ce qui lui était arrivé. Que j'en était un instigateur indirect.

Son regard était une supplication. Une prière muette.

Mais comment répondre à une telle demande et que fait un homme dont l'amie fidèle est une chère lâcheté ?

Les murmures inquiets de la foule se mêlaient à mes pensées confuses, mais je n'avais qu'une idée en tête : fuir cette réalité oppressante.

Ignorant les regards curieux et suspicieux qui se tournaient vers moi, je courus sans relâche pour me réfugier chez moi, verrouillant la porte derrière moi à double tour. Mon cœur battait rapidement, tandis que le poids de la culpabilité et de la connaissance m'accablait, m'obligeant à affronter la décision que je devais prendre.

Cependant, cette décision ne me fut pas imposée, car le soir même de cette rencontre troublante, celle que j'aimais et haïssais fit irruption dans la maison. Une main aux ongles lacérés serrant sa poitrine, elle semblait dans un état de détresse irréel.

Elle s'effondra par terre, ses yeux noirs et vides, sa voix s'échappant de ses lèvres d'une manière quasi monstrueuse, elle prononça mon nom avec une intonation grave :

« Caelum... je suis désolée... mais tout n'est pas encore terminé... tu dois te préparer pour la suite... car les socoles ont soif de vengeance... ils convergent en masse vers Mirabelle...Ils ne veulent plus de ce monde de secrets où la douleur s'incarne et se perpétue. »

J'assista à une double mort ce jour-là, car ma femme suite à ces paroles se fondit en une fine poussière en se désagrégeant comme si elle n'avait jamais existé.

Elle avait résisté à l'appel du sang. Et moi ? Qu'est-ce qu'un vieux lâche comme moi fait ? Je me suis préparé pour le pire en érigeant au-dessous de cette bâtisse un passage secret qui connecte avec...

Un bruit sourd retentit soudainement, interrompant brutalement le flux des paroles du docteur. Le son inattendu fit sursauter Siya, tandis qu'une tension électrique chargeait l'air couplée par des cris et des pleurs de pétrification.

L'évènement tant redouté était ironiquement sur le point de se produire.

L'appel du sang.

Le début du chaos dont il avait tenté d'échapper depuis bien des années...

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