20. L'appel du sang
Récapitulatif pour mes lecteurs avec détails des péripéties :
- Siya sauve une jeune fille d’une attaque sordide dans une allée sombre par un homme potentiellement socole. Elle arrive à le frapper, il tombe à terre et crie la même phrase que vous avez sans doute vu plusieurs fois dans tous les chapitres « Qui se souviendras de moi ? ». (Concept clé de l’histoire, vous comprendrez !)
- Elle arrive à trouver l’adresse du docteur Wiljauke malgré ses blessures à son abdomen + cheville. Au début réticent mais accepte finalement de lui ouvrir et s’épanche sur son récit de vie. Jusqu’à ce que l’on entende un bruit strident, une éventuelle infraction. L’appel du sang…
Maintenant ce qu’on sait jusqu’à présent sur les socoles :
- Monstres qui autrefois étaient humains, découle d’un projet abominable approuvé par la royauté auquel faisait partie le docteur Wiljauke et sa femme, mais pourquoi ? (On ne le sait pas encore, tout ce que l’on sait c’est qu’ils étaient 5 sur le projet et que certains avaient accès à des infos de plus)
- On découvre aussi après qu’un sujet d’expérience s’enfuit que les socoles peuvent mordre et tuer d’autres personnes.
- On sait aussi une chose très importante que la solution à elle seule ou une morsure d’un socole ne suffit pas pour le devenir : c’est aussi un choix, s’il en décide de le devenir !
- La transformation en socole prend du temps pour se développer plusieurs stades...
- Une autre chose, le fait de devenir socole fait que les communs des mortels les oublient complètement SAUF ceux qui assistent à leurs transformation comme c’est le cas pour Siya avec son frère Charles dans sa poursuite dans la foret d’Oris. Même chose pour le docteur Wiljauke et sa femme qui en deviens un.
- On sait que les conséquences de devenir socole est ce vide que l’on ressent, un état de manque…la question est comment le combler ?
- On sait aussi que quelque chose s’apprête à arriver. L’appel du sang qui commence par une convergence de tous les socoles vers la foret d’Oris, base de leurs transformation. Toutefois certains socoles résistent à cet appel comme par exemple la femme du docteur qui disparait à la fin.
- Une question que l’on peut se poser est quel est le but du projet Nobilis ? Et que signifie cet appel du sang et pourquoi ?
J’espère que ce petit récapitulatif fait du sens et apporte plus de précisions sur le contenu de l’histoire !
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Le son d’une vitre qui s’explose et d’un corps qui se traine.
Un fracas sourd, brusque, éclatant, brutal accompagné d’atroces hurlements lointains.
Des échos de débris qui s’étirent tels les cris stridents d’un avertissement macabre.
Siya hoqueta de surprise. Quelqu’un s’était-il infiltré dans la bâtisse ?
Son regard inquiet plongea dans celui du docteur en proie à une terrible angoisse. Elle fut la première à se redresser agilement et avança d’un pas hésitant vers la provenance du bruit.
Mais avant même de pouvoir rouspéter, le docteur lui aggrippa le bras et elle fut tirée d’un coup sec un peu plus en arrière de la pièce où il ouvrit une trame cachée derrière une imposante table basse qu’elle n’avait pas remarqué plus tôt.
- C’est l’heure…ils se sont réveillés, par ici, souffla-t-il en proie à une incroyable angoisse.
Sous une gigantesque structure en acier, un long passage sombre se dissimulait, sous forme de marches d’escaliers humides.
Surprise, Siya hésita à le suivre, son cœur battait à tout rompre, mais malgré l’apparente folie de sa décision, elle désirait affronter la réalité par elle-même. Elle voulait vérifier l’origine du bruit, comprendre ce nouveau danger qui ne lui laissait aucun répit depuis l’attaque initiale.
Elle se libéra alors brusquement de son emprise et d’un pas rapide s’élança avec prudence vers la source du bruit.
- Etes-vous insensée ou désiriez-vous tant mourir ?! s’emporta le docteur en tremblant incontrolablement.
- Je veux vérifier par moi-même ce qu’il se passe, fit-elle simplement avant de d’éclipser.
Arrivée sur la première pièce, elle put clairement discerner les cris d’agonie raisonnant dans toute la ville. Son anxiété monta en flèche. En face d’elle, la porte en bois était toujours solidement verrouillée. Cependant les grandes fenêtres en plâtre, verre et bois avaient été brisées, et des lambeaux d’un rideau opaque déchiré gisait le sol.
De sa position, près de la porte antérieure qui donnait sur la pièce ou elle avait écouté attentivement le récit du docteur, elle pouvait nettement percevoir des ombres obscures et furtives, à l’extérieur de la bâtisse, se déplacer d’une agilité surprenante.
Tout droit sortir des plus terribles des cauchemars.
Socoles.
Ces terribles socoles.
Un second bruit à l’intérieur de la pièce attira son attention. Son regard horrifié se détourna vers la bassine d’eau, teintée de la couleur de son sang. Et elle avait bien raison de s’inquiéter, car une silhouette, semblant être un homme, était accroupie tel un animal, les ongles acérés agrippant avec force la bassine d’eau dont les contours étaient déformés alors qu’il se désaltérait avec une extrême voracité.
Alors qu’il s’étanchait de l’eau sanguinolente. Son propre sang. D’une voracité sans pareil. Une soif avide et irrépressible.
Siya ne put contenir un cri strident sortant de sa gorge, ses yeux tout droit rivés vers la créature qui s’était subitement arrêté dans sa tâche.
Son corps massif à quatres pattes se traina doucement en poussant la bassine à moitié vide qui n’étais plus son centre d’attention.
Non, à présent une proie nouvelle, beaucoup plus exquise se trouvait devant lui. Blessée qui plus est, et terrifiée.
Siya s’apprêtait à courir de toute ses forces pour rejoindre le docteur, mais ses membres se paralysèrent subitement lorsqu’elle reconnut soudainement la petite bosse sur son front.
Elle était sûre que c’était l’homme qu’elle avait croisé dans la ruelle car ladite bosse était un coup qu’elle lui avait assigné avant de prendre la fuite.
Cependant, il était désormais méconnaissable, ses yeux sombres et vides, comme deux fentes vers l’au-delà perçant son être, son corps beaucoup plus puissant et imposant.
Comment avait-il fait pour la retrouver ? C’est alors que Siya suivit son regard jusqu’à la tache rouge toujours présente sur ses vêtements.
Elle trouva la réponse.
Son sang. Il était attiré par son sang.
Cette conclusion se confirma lorsqu’il humecta ses lèvres sournoisement, son regard perçant toujours rivés sur elle, et qu’il traina son corps lentement vers sa direction.
Siya resta là, complètement immobile, la respiration saccadée se sentant impuissante. Si son corps ne pouvait lui répondre devait-elle essayer de le raisonner ? Après tout elle se souvenait d’avoir réussi à communiquer avec Charles dans des circonstances similaires…
- Attendez ?! lança-t-elle, prenant la créature par surprise, qui s’arrêta brusquement à quelques mètres d’elle.
Siya en profita pour continuer avec difficulté :
- Av…avant de… pourquoi…pourquoi faites-vous cela ?
Les deux fentes ne se fixèrent plus sur les traces de ses blessures, mais plutôt sur ses yeux effrayés, qui ne pouvaient retenir quelques larmes.
Un silence pesant s’installa avant que la créature ne pousse un cri à la fois cauchemardesque et désespéré :
- Qui se souviendras de moi !
Puis elle bondit pour l’attaquer. La dernière chose que pu entrevoir Siya fut les griffes lacérées dirigés vers elle avant de fermer ses prunelles, dans une dernière prière.
Un hurlement, encore plus terrifiant que le précédent, déchira l'air alors que Siya, résignée à la douleur imminente, attendait que l'agonie la submerge…mais elle ne se manifesta jamais.
Lorsqu'elle osa rouvrir les yeux, elle découvrit le docteur Wiljauke debout devant elle, tenant une arme semblable à un poignard qui transperça et maintenait l'abdomen de la créature, source de ces hurlements épouvantables.
- Allez-y ! Allez donc vous cacher ! ordonna-t-il d'une voix empreinte d'urgence, alors qu’il luttait de manière acharnée pour empêcher la créature de se dégager.
Siya, cherchant désespérément un moyen de l’aider, elle s'empara alors de la bassine près d'elle, désireuse de distraire l’abomination. Enfin, ses membres semblaient obéir à son commandement car elle parvint à lancer la bassine avec autant de force qu'elle le pouvait en sa direction. Le récipient en métal fendit l'air avant de s'abattre bruyamment sur cette dernière, la déséquilibrant momentanément.
Le docteur Wiljauke saisit cette opportunité pour enfoncer encore plus profondément le poignard dans le thorax de la créature. Quand soudainement, tout ralentit, comme si le temps lui-même se déformait.
Comme une rivière capricieuse.
Un torrent glissant doucement et imperceptiblement sur le miroir de l’existence...
La créature, toujours transpercée, s'arrêta soudainement dans ses mouvements frénétiques. Ses yeux sombres et vides se posèrent sur Siya, et pour la première fois depuis leur rencontre, une expression de tristesse profonde passa sur son visage défiguré.
- Il était temps de répondre à l'appel... les conséquences en sont là..., murmura-t-elle d'une voix brisée.
La créature laissa tomber le poignard, le laissant se retirer lentement de son thorax. Elle s'agenouilla, son visage se tordant de chagrin.
- Je l'aime..., sanglota-t-elle, dites à Eléonore que je l'aime.
Et telle dictée par cette rivière capricieuse, la bête commença à se désagréger en une fine poussière noire qui tourbillonna dans l'air.
En un instant, complètement disparu.
Comme si elle n’avait jamais existé.
Siya se tenait là, les yeux écarquillés, dans la pièce silencieuse et assombrie.
Elle se tourna vers le docteur Wiljauke, dont le souffle était court et saccadé mais qui pour la première fois souriait.
Un sourire triste mais réel.
Un sourire qui illuminait son visage, mais qui conservait une certaine mélancolie dans ses recoins.
Un sourire authentique dénué de tout sous-entendus.
Car il avait enfin trouvé le courage de combattre un ennemi invisible depuis longtemps : sa chère amie de longue date madame lâcheté.
Puis il s’effondra sur le sol, alors que d’autres ombres apparurent, attirées par cette ultime supplication d’un amour sincère, qui se dissipa finalement dans l’air , à jamais perdu.
Ou sans doute, par l'appel du sang...
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