Yaco le moustachu

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Le camion stoppa à sa hauteur. Agapatou grimpa dans la cabine décorée de photos de femmes aux cheveux noirs.

— Ma femme. Il se signa en chuchotant "paix à son âme". Mes filles.

— Elles sont belles.

— Où vas-tu ?

— Au même endroit que toi.

— Plein nord jusque chez moi, près de la frontière. Ça te va ?

— Génial répondit heureuse Agapatou, remarquant les mains épaisses de Yaco le moustachu.

Paysages longs, tortueux dans les hauteurs, secs sur les plateaux. Un groupe de lama sauvages traversa la route.

— Pourquoi le guanaco n'a pas de queue ? demanda Yaco à la jeune fille. Insouciante et belle autant que fatiguée et sale, elle sembla intéressée par l'histoire en suspend, Agapatou écarquilla les yeux en écoutant l'homme malin.

— Je suppose que tu vas me le dire.

— Alors, écoute ceci. Autrefois, le guanaco avait une si belle queue, que tous les animaux ruminants, vaches en tête, la lui enviaient. Le Seigneur prince du moment les rassembla tous un jour et leur dit :

— Le temps approche où la famine régnera. Il sera interdit de toucher aux cacaoyers. Celui qui mangera de ses fruits perdra sa queue.

Quelques mois plus tard, la famine sévit dans tout le pays. Le guanaco qui se promenait rencontra un cacaoyer bien fourni. Il songea à la recommandation du Seigneur prince, mais se servit quand même sur l'arbre, dévora d'abord du bout des lèvres une, puis deux cabosses pour se gaver de tous les fruits mûrs. Sa queue se sépara de ses pattes et de son corps et le quitta. Il s'enfuit précipitamment et en pleurant couru chez le Seigneur prince.
— Ma queue est partie !

— C'est parce que tu m'as offensé ! répondit le Seigneur prince.

— Pardonne-moi, je ne recommencerai plus.

Le Seigneur prince lui rendit sa queue. À partir de ce jour, le guanaco ne toucha aucune cabosse pendant plus d'une décennie.

Un moment arriva cependant où la famine réapparut. Le guanaco, qui se promenait encore, rencontra un cacaoyer. Il s'arrêta indécis, pensant au conseil du Seigneur prince, mais se dit en lui-même :

— Toutes les fois que je perdrai ma queue, le Seigneur prince me la remettra. Il fondit alors sur l'arbuste et passa plus de deux heures entre les branches, à manger des fruits. Quand il fut repu, il n'avait plus de queue.

Il courut chez le Seigneur prince sanglota à ses pieds :

— J'ai de nouveau perdu ma queue !

— Je ne peux plus t'en donner d'autres. Va et reste ainsi toute ta vie.

C'est la raison pour laquelle le Guanaco n'a plus de queue.

Yaco constata qu'Agapatou s'était assoupi contre la vitre de son bahut. Avait-elle écouté son histoire jusqu'à la fin ?

Le soir, il fut heureux de présenter à cette jeune femme, ses deux filles.

L'homme séduisant par sa simplicité fut invité à partager la couche d'Agapatou. L'homme aimant lors de cette nuit fut accepté jusqu'au petit matin. La journée se partagea doucement. La halte dura trois bons mois.



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