Chapitre 1 : Le petit village de Walsteir
–Alban, viens donc m’aider à rentrer le linge.
–J’arrive maman.
Un petit garçon au visage souriant arriva en courant. Ses cheveux étaient aussi noirs que le charbon. Ses yeux plein de malice et de joie brillaient comme des étoiles. Il n’était certainement pas le plus courageux, ni le plus grand des garçons du village mais il avait un cœur pur. Ce petit garçon dévoué avait toujours été d’une aide précieuse pour sa mère, surtout depuis la mort de son mari.
–Tiens va donc porter ce panier à l’intérieur.
Il commença à pleuvoir, le garçon s’empressa de rentrer, sa mère juste derrière lui.
–Regarde-moi ça, soupira-t-elle en regardant par la fenêtre, il s’en est fallu de peu pour que toute la lessive soit à refaire.
–Papa disait que quand il pleut le sol fait ressortir ses plus beaux trésors.
Le père d’Alban, travaillait dans une mine. Beaucoup de légende naissait dans ce genre d’endroit. Malheureusement certaines histoires se transformaient parfois en cauchemar et beaucoup d’hommes avaient été victimes d’accidents.
–Oui, je me souviens bien de cette histoire.
Sa mère enleva son tablier laissant paraitre une robe bordeaux brodée de fleurs. Elle passa ses mains sur sa tête afin de raplatir son chignon. Elle sursauta quand des voix se mirent à crier dehors.
–La mine est inondée ! Joe et Karl sont encore à l’intérieur ! Que tous les hommes viennent.
Bien qu’elle ne fût pas un homme, madame Kelmers, empoigna son manteau.
–Reste là mon chéri. Ils auront peut-être besoin de soin.
Alban aurait voulu faire quelque chose afin d’éviter que la mine ne fasse encore des victimes. Il était bien trop jeune quand un éboulement avait pris la vie de son père. Il avait décidé d’écouter sa mère et de rester là, à attendre tout en écoutant la pluie frapper les fenêtres de la maison de pierre.
*
Sur place, les hommes avaient commencés les manœuvres d’extraction et l’un des deux hommes, Karl, était déjà en sécurité à l’extérieur. Madame Kelmers lui donna une couverture. Même si elle ne laissa rien transparaitre, elle ne pouvait s’empêcher de repenser au terrible jour où toute la mine s’était effondrée. Elle en avait tellement voulut à ces fous de la reconstruire. Encore et encore la reconstruire, comme si ils ne comprenaient jamais.
–Il y a quelqu’un ! C’est Joe ! Vite tiré !
Il tenait un sac en toile de jute dans sa main, et une corde dans l’autre. Les hommes commencèrent à le remonter quand le sol trembla ce qui provoqua plusieurs éboulements dans la mine, le débit de l’eau s’accéléra.
–Lâche ce sac et accroche-toi !
Joe lâcha son butin avec regret et fut rapidement remonter à la surface. Sa femme courut le prendre dans les bras.
–J’aurais pu nous sortir de la pauvreté avec ce que j’ai trouvé…
–Tant que tu es en vie, c’est tout ce qui m’importe.
Plus de peur que de mal en cette après-midi d’été. Alban fut heureux de revoir sa mère rentrée. Il était monté à l’étage pour essayer d’apercevoir ce qu’il se passait mais c’est par sa mère qu’il fut mis au courant. Il lui donna un essuie pour qu’elle puisse se sécher. Il s’installa sur la table en bois, face à sa mère devant le feu.
–Ils ont sûrement réveillé les géants de pierre !
–Alban, tu sais bien que ce ne sont que des histoires que ton père racontait.
–Il a dit qu’un jour il en avait vu un !
–Ca suffit avec ces histoires. Ces mines n’apportent que le malheur.
–Pardon maman.
Le sourire du garçon disparu de son visage.
–Ce n’est rien, je suis un peu fatigué. Tiens fait donc chauffer la soupe.
Alban s’exécuta et la famille Kelmers prit son repas dans le silence. La pluie finit par s’arrêter. Une fois la table débarrassée, le garçon continua sa lecture interrompue plus tôt, quand sa mère l’avait appelé. Elle, reprit sa couture en fredonnant une chanson à l’air nostalgique.
Bien qu’autrefois, la mère d’Alban croyait à toutes ces histoires, elle avait cessé d’y croire après la mort de son mari. Elle adorait quand il se mettait à parler de toutes ces légendes, mimant avec passion chaque récit. Mais maintenant tout cela était terminé. Le garçon, lui, n’avait jamais arrêté d’y croire. Au fond, il savait que tout cela ne pouvait pas être que des histoires. Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas quelque chose qu’il est forcément inexistant !
*
Le lendemain après-midi, Alban décida d’aller s’asseoir près du petit ruisseau pour lire. Il voulait profiter du soleil et de la fraicheur de l’eau. C’était sans compter sur la présence d’un autre enfant, Daniel. Communément appelé la brut ou la montagne par ses petits camarades. Il s’approcha d’Alban qui, voyant une ombre lui caché le soleil, se retourna.
–Hé, la crevette, tu es à ma place là.
–Il y a plein d’autres endroits où tu peux t’asseoir tu sais.
Bien que le garçon mesurait presque deux têtes de plus que lui, Alban n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait.
–Tu as raison ! Et tu vas donc te trouver une autre place.
Il haussa les épaules et retourna à sa lecture. Insatisfait de la réaction du garçon, Daniel attrapa son livre et le jeta dans l’eau.
–Hé ! Mais ça va pas.
–Tu aurais mieux faire de faire ce que je te disais.
Il se pencha pour essayer de récupérer son livre et son aîné en profita pour lui donner un coup de pied dans le dos ce qui l’envoya rejoindre son livre au milieu des petits poissons. Alban repris son livre et sortit de l’eau. Une fois sur la rive, il regarda l’autre garçon droit dans les yeux avant de repartir en direction de sa maison.
–Alban ? Qu’est ce qui t’es arrivé ?
–J’ai glissé en voulant me relevé.
–Tu es trempé. Donne-moi tes affaires que je les mette à sécher tant qu’il y a du soleil.
–Je vais m’en occuper maman, continue ce que tu es en train de faire.
–Hmm, d’accord. J’ai finis de raccommoder ta chemise, elle est sur la chaise.
Elle reprit donc la préparation de sa tarte aux pommes laissant son fils mettre le linge sécher dehors.
*
Plusieurs semaines s’écoulèrent dans la tranquillité et la quiétude. Le petit village de Walsteir ne comptait qu’une soixantaine d’habitants, qui se connaissaient plutôt bien. Le village avait été bâtît sur ces sur ces terres depuis déjà un demi-siècle. Les arrières grands-parents d’Alban en furent les pionniers avec d’autres personnes. Mineur de père en fils, les légendes foisonnaient à propos des créatures vivant dans les mines. La plupart des enfants croyaient à ses histoires mais les oubliaient bien vite en grandissant. Aucun n’avait autant de conviction qu’Alban quand il s’agissait de clamer haut et fort que c’était réel.
Dans l’après-midi des claquements de sabots résonnèrent à travers le village ce qui fit sortir tous les habitants. Quelques hommes armés se tenaient sur la place.
–Habitants de Walsteir, la reine réitère sa demande de mains d’œuvres pour travailler aux mines royales. Toute personne intéressée devra se présenter au palais dans dix jours !
Ils placardèrent des affiches un peu partout dans la ville et repartirent aussi bruyamment qu’ils y étaient venus. A peine furent-ils parti que déjà les habitants se mirent à parler dans tous les sens.
–Encore ces fichus soldats ! Ils sont déjà venus le mois dernier, non ?
–Ils viennent de plus en plus souvent, mais on leur avait dit de partir ! On ne va pas quitter nos terres aussi facilement ! Beugla un homme barbu.
–Il ne s’agit pas de quitter nos terres…
–Ça finira par arriver !
Alban essayait tant bien que mal de se faufiler pour voir une affiche de ses propres yeux et écouter ce que les adultes disaient.
–Il faut dire qu’on a plus vraiment le choix… La mine est détruite.
–Nous en recreuserons une, nous l’avons déjà fait par le passé !
–Vous voyez bien ou cela nous mène… Les accidents ne cessent de se multiplier. Dit calmement madame Kelmers.
–Je suis d’accord, là-bas au moins le salaire voudra la peine de prendre des risques.
–N’écoutez pas cette vieille folle, elle a perdu son mari et depuis elle voit le mal partout. Les mines de Walsteir continueront d’exister et, s’il faut sacrifier des vies pour la prospérité du village, c’est un petit prix à payer !
La mère d’Alban flanqua une gifle à l’homme et attrapa son fils par le bras avant de rentrer chez elle.
–Dit maman ?
–Oui ?
–Tu penses que beaucoup d’hommes vont accepter ?
–Je ne sais pas mon chéri mais je pense que c’est une offre qu’on peut difficilement refuser dans la situation actuelle.
–Papa aurait accepté ?
–Connaissant ton père, il n’aurait pas hésité à explorer de nouvelles mines ou carrières.
Alban écoutait sa mère avec attention, il aimait quand elle parlait de lui. Tout en faisant une petite tourelle avec des cailloux, il repensait à son père. A la dernière fois qu’il l’avait vu, le matin avant qu’il ne parte travailler.
–Moi, je vais y aller !
–Aller où ?
–Travailler aux mines.
–Il n’en est pas question Alban. Un petit garçon n’a rien à faire dans les mines !
–Mais on a besoin d’argent… Puis papa y est allé, et la première fois il était bien plus jeune que moi.
–Et tu vois où tout cela nous à mener… On s’en sortira, on s’en est toujours sortit.
Elle serra son fils dans ses bras. Elle savait que ses paroles venaient d’une bonne intention mais ce travail lui avait déjà pris l’amour de sa vie. Elle s’était juré que son fils ne suivrait pas les traces de son père, qu’il aurait un avenir brillant.
–Va te débarbouiller maintenant, tu es tout plein de poussière.
–Oui m’man !
–Et dépêche-toi, le repas sera bientôt prêt.
Le jeune garçon se leva de table et alla chercher de l’eau pour remplir la grosse bassine. Tout en se lavant, il repensait à ce que les villageois avaient dit. A ce que son père aurait dit s’il avait encore été là.
–C’est dur d’être un enfant… Soupira-t-il, avant de plonger la tête dans l’eau pour se rincer.
*
Le lendemain matin, Alban fut réveillé aux aurores par des bruits de pioches. Il regarda par la fenêtre et aperçut quelqu’un, une pioche à la main. Il enfila ses vêtements et mit ses chaussures puis sorti à la rencontre du mineur. Quand il fut assez prêt, le garçon reconnut l’homme avec qui sa mère avait eu un désaccord la veille.
–Bonjour m’sieur.
–Ha bonjour Alban, tu es plutôt matinal dit moi. Oh, j’espère que je ne t’ai pas réveillé.
–Non, non. J’avais envie de me promener.
Il se remit à piocher et Alban s’installa sur un rocher pour regarder l’homme travailler.
–Vous creusez une nouvelle mine ?
–Ha non pas vraiment. J’avais juste besoin de me défouler en cassant des gros cailloux.
–Vous avez décidé de partir finalement ?
–Hmm, oui… Je dois avouer qu’après mûr réflexion et les conseils de mon épouse je me suis fait une raison. Nos mines ne sont plus assez rentables et bien trop dangereuses…
Alban affichait un grand sourire.
–Maman m’a dit que c’est ce que papa aurait fait.
–Et, il aurait bien fait ! D’ailleurs, j’irai lui présenter mes excuses, je me suis un peu emporté hier.
Le soleil se leva de plus en plus haut, éclairant les maisons de ses doux rayons.
–Tu ferais bien de rentrer, ta mère risque de s’inquiéter si elle ne te trouve pas.
Il redescendit de son siège improvisé et courut en direction de chez lui, tout en faisant de grands signes à son ainé.
–Alban, c’est toi ? Demanda sa mère après avoir entendu la porte.
–Oui, j’étais parti me promener.
Elle termina son chignon puis vint déposer un baiser sur le front de son fils.
–Je vais aller acheter du lait. Tu veux bien aller ramasser les œufs ?
–D’accord.
Quelques minutes plus tard, madame Kelmers revint avec ses provisions. Alban avait déjà commencé à cuisiner une omelette.
–Met la table, je vais prendre le relais.
Le garçon s’exécuta et tous deux prirent leur petit déjeuner en bavardant.
–Oh Alban, je ne t’ai pas dit. J’ai croisé monsieur Cordof en allant chercher le lait, il avait l’air d’avoir complétement changé d’avis à propos de rester. Il s’est même excusé pour hier.
Alban se servit un verre de lait tout en souriant.
–Il a certainement changé d’avis en apprenant qu’il allait être papa.
–Sa femme attend un bébé ? C’est super !
Alban n’en fut que deux fois plus heureux. Finalement tout semblait s’arranger pour les habitants. Le lendemain, la majorité des hommes avaient pris leur décision, ils accepteraient l’offre de la reine.
*
Les dix jours s’écoulèrent, le village se vida de tout homme capable de manier une pioche. Même Daniel, était parti avec son père. Au moins il n’embêterait plus les autres enfants.
Aujourd’hui, Alban avait prévu une grande expédition. Depuis que la mine s’était effondrée, certaines personnes disaient entendre des bruits émaner de celle-ci. Ces quelques rumeurs suffirent pour donner l’envie au garçon d’aller y faire un tour.
Sa mère, quant à elle, avait décidé de passer la journée chez ses voisines. Il attendit donc qu’elle soit partie pour aller fouiller dans les affaires de son père et prendre un peu d’équipement.
Il passa d’abord la tête dehors et regarda si la voie était libre. Il referma la porte et courut vers l’aventure. Une fois devant l’amas de pierre il se fraya un passage et alluma sa lampe. Il avança prudemment et fut bientôt dans la pénombre. L’intérieur n’avait pas l’air d’avoir trop souffert et il put aisément se faufiler dans les galeries à la recherche des mystérieux bruits. Tandis qu’il s’enfonçait dans l’obscurité, il entendit des bruits derrière lui. Il braqua sa lampe dans la galerie et éclaira les parois rugueuses.
–Hé ho, il y a quelqu’un ?
Il ne s’attendait pas à ce qu’on lui réponde, il savait que c’était stupide comme idée mais il le faisait quand même. Après plus d’une heure à errer il déboucha dans un cul de sac. Il éclaira le sol et aperçut des petites pierres placés en rond avec un plus gros galet blanc en son centre. Il fut d’abord tenté de prendre les pierres pour les regarder de plus près puis se ravisa en pensant qu’elle n’était sûrement pas disposée comme ça par hasard. Il revint sur ses pas et continua sa visite. La lampe dans sa main droite, il tenait la montre à gousset de son père dans son autre main. Quand les aiguilles affichèrent 15h, Alban décida de retourner à la surface.
Une fois chez lui, il monta dans sa chambre et nota ses découvertes du jour. Il tenta même quelques dessins hasardeux qui se résumèrent à de simples formes. Il prit soin de remettre le carnet dans son coffre et rangea les affaires de son père là où il les avait prises quelques heures plutôt.
Madame Kelmers rentra quelques minutes plus tard et trouva son fils assis à table en train de griffonner sur un morceau de papier.
–Je t’ai ramené des biscuits mon chéri.
–Merci, m’man.
–Alban ! Où as-tu encore trainé pour te mettre dans un tel état.
Bien qu’il avait fait très attention à tout ranger, il avait oublié d’enlever la poussière sur son visage.
–J’ai trébuché sur une racine et je me suis mis pleins de poussière en tombant.
–Tu es bien maladroit dit-moi. Bon, va nettoyer tout ça puis tu pourras prendre un biscuit.
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